Au centre pénitentiaire du Luxembourg, les autorités travaillent sur des visites non surveillées pour garantir la vie privée des détenus. Une avancée, dans un contexte tout de même marqué par la surpopulation carcérale et l’inflation.
Depuis le début de l’année 2022, plusieurs heurts et violences survenus dans le centre pénitentiaire de Schrassig ont mis en lumière les problématiques liées aux conditions d’incarcération. Pour en cerner la racine, il faut remonter au début de la crise sanitaire, qui avait contraint les autorités à limiter les mouvements internes au minimum et à suspendre l’ensemble des activités sportives et culturelles.
Si la plupart de ces mesures ont été assouplies, voire supprimées, un autre sujet a été exhumé : la surpopulation carcérale. Alors que le Centre pénitentiaire de Schrassig dispose d’une capacité d’accueil de 597 lits, on y compte 638 détenus depuis le 1er septembre. L’ensemble de ces éléments combinés forcent l’administration pénitentiaire à réagir pour combler les manquements en matière de détention.
Des visites sans surveillance
Parmi ces derniers, le système de visites hors surveillance qui, selon nos sources, s’apprête à être reformé. Une information confirmée par l’Administration pénitentiaire du Luxembourg : «En ce moment, il y a des travaux qui sont en cours pour rénover et mettre en place des lieux plus adaptés pour les visites hors surveillance», annonce Martine Wagner, responsable de la communication de l’Administration pénitentiaire. Le chantier prend place dans des bâtiments déjà existants, qui font l’objet d’une rénovation et d’un nouvel aménagement. Lorsque le Covid-19 a frappé, les visites ont été remplacées par des vidéoconférences afin d’éviter «tout contact avec les détenus», avant d’être transformés en rendez-vous individuels au parloir ou dans une salle commune durant trente petites minutes.
Dans cette disposition, le nombre de visiteurs est limité à trois personnes, sans compter les mineurs, et chaque détenu a le droit à huit heures de visite par mois. Cette réglementation n’avait pas manqué d’attirer les foudres de l’association Eran, eraus… an elo?, qui fustigeait le conservatisme du système carcéral et la privation de liberté pour les détenus. Des éléments qui figuraient déjà dans le rapport 2020 de l’ombudsman du Grand-Duché, Claudia Monti, qui recommandait également la mise en œuvre des visites hors surveillance et l’analyse d’un concept d’unités de vie familiale. «C’est une chose qui a été abordée à plusieurs reprises, mais à Schrassig, nous n’avons pas de lieux adaptés pour opérer des visites hors surveillance, explique Martine Wagner. C’est le cas depuis toujours.»
Les choses sont donc amenées à changer. Une autorisation spéciale délivrée par le directeur du centre pénitentiaire et l’accord préalable du magistrat compétent sont toujours requis pour pouvoir bénéficier de ce droit. Seuls les membres de la famille avec un lien de parenté au 1er ou au 2e degré peuvent être admis à une visite non surveillée.
L’administration pénitentiaire n’a pas encore communiqué sur les contours de ces rencontres, mais elles se dérouleront dans un cadre bien plus «intime» que les dispositions actuelles. Une initiative qui permettrait d’être en conformité avec les prescriptions de l’Union européenne : «Selon la jurisprudence constante de la Cour, la détention, comme toute autre mesure privative de liberté, entraîne par nature des restrictions à la vie privée et familiale. Il est cependant essentiel au respect de la vie familiale que l’administration pénitentiaire autorise le détenu, et l’aide au besoin, à maintenir le contact avec sa famille proche», peut-on lire dans le guide sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
L’inflation touche aussi la prison
Malgré ces agencements visant à améliorer la vie des détenus, des difficultés persistent au sein du centre pénitencier. À Schrassig, plusieurs sources internes rapportent une augmentation des prix dans le «shop» de la prison et une baisse drastique du pouvoir d’achat : «Les détenus ne bénéficient pas de l’indexation des salaires sur la hausse des prix et n’ont pas d’autres alternatives pour s’acheter de quoi se raser ou s’assurer d’autres besoins», fait état Grégory Fonseca, l’un des membres fondateurs de l’association Eran, eraus… an elo ?.
À moins d’en être privé par mesure disciplinaire, les détenus ont accès au supermarché de la prison, dont les marchandises sont vendues aux prix usuels du marché. Avec un taux d’inflation annuel qui se maintient à 6,8 %, il devient difficile de procéder à des achats, notamment alimentaires. Selon le Statec, les prix de ces produits «restent orientés à la hausse et augmentent de 0,9 % en comparaison mensuelle», soit 8,3 % de hausse par rapport à l’année dernière. Comment, dès lors, acquérir de tels biens avec un salaire issu d’un travail pénitentiaire qui se situe entre 2,05 et 5,66 euros de l’heure selon les échelons ? «Il faut, de plus, penser au fait que les détenus doivent payer les parties civiles ou subvenir aux besoins de leur famille. C’est impossible avec 300 euros par mois», ajoute Grégory Fonseca, qui ne manque pas de mentionner que seuls 300 postes sont disponibles dans la prison. Trop peu pour les 638 détenus qui y séjournent actuellement
L’administration pénitentiaire n’a pas encore communiqué sur d’éventuelles mesures visant à endiguer cette problématique.