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Sam Tanson : «Il y a d’autres ennemis à combattre qu’une écologie moderne et ouverte»


Sam Tanson, tête de liste pour déi gréng, a bien conscience de la difficulté à combattre les clichés qui pourrissent la campagne des écolos. Elle a de l’endurance et, surtout, des arguments.

Vous avez hérité de deux portefeuilles taillés sur mesure pour vous. Avez-vous pu combler vos attentes?

Sam Tanson : C’étaient effectivement quatre, voire cinq années passionnantes où on a pu faire bouger beaucoup de choses avec les équipes respectives. La culture et la justice reflètent en effet deux éléments de ma personnalité. Je ne peux pas me plaindre.

Vos prédécesseurs avaient coutume de dire que le monde culturel est un public difficile. Est-ce aussi votre avis?

Non, au contraire, j’ai énormément apprécié les échanges avec le monde culturel, ce sont des gens hyper-engagés, très créatifs, qui vivent pour leur passion et qui nous la font partager. Ce fut un plaisir de travailler avec ce secteur pendant cinq ans.

Côté justice, vous avez des regrets?

Je regrette tout ce qu’on n’a pas pu faire aboutir. J’aime bien le travail accompli, je me rends compte que tout ce que je voulais faire était un peu ambitieux, d’autant plus que personne n’avait prévu le covid qui nous a pris beaucoup de ressources. On travaillait régulièrement de nuit pendant cette période au ministère de la Justice pour boucler les textes.

Les riverains du quartier Gare sont désemparés et, une fois encore, une poignée d’entre eux s’en prend au laxisme des verts qui occupent le ministère de la Sécurité intérieure et le ministère de la Justice. Que leur répondez-vous?

En premier lieu, j’ai beaucoup de compréhension pour la peur et le ras-le-bol des habitants du quartier Gare, je vis moi-même à Bonnevoie, non loin de l’Abrigado, et j’ai bien conscience des problèmes qui se posent dans ces quartiers. J’ai tout autant conscience qu’il n’y a pas une solution unique à cette problématique, mais plusieurs. Quand je lis dans la presse les revendications des gens du quartier dans leur groupe WhatsApp, je découvre un arsenal de revendications qui vont de l’urbanisme à la propreté en passant par la sécurité. Je prends tout ça très au sérieux. Je sais aussi que ceux qui sont en première ligne, ce sont les policiers et Henri Kox a tout fait pour renforcer les effectifs et notamment au quartier Gare, mais pas seulement, car il y a d’autres endroits sensibles. Je sais qu’il est très facile de dire que c’est une problématique liée aux verts, mais je suis, depuis longtemps, résidente de ce quartier et je sais aussi que cette situation est, malheureusement, bien plus ancienne que la prise de fonction des ministres verts dans ces différents ressorts. En ce qui concerne le laxisme de la justice, je ne peux pas le confirmer. Nous avons tout un arsenal de mesures qui existe et qui est appliqué. Il y a quand même un point fondamental que l’on a tendance à oublier dans ce genre de raccourci antiverts, c’est que nous avons, fort heureusement, une justice indépendante, où le ministre de la Justice, peu importe sa couleur, n’a aucune influence sur les décisions de justice.

Cet arsenal est-il suffisant? Faut-il encore le renforcer?

On peut toujours accélérer les procédures et un groupe de travail planche sur la procédure pénale, un autre sur le droit pénal. Nous faisons une veille constante des textes et en cas de besoin ils sont adaptés, tel que cela fut notamment le cas avec la loi adaptant le code pénal et le code de procédure pénale à la suite des exactions commises pendant les manifestations covid. Quand je vois les chiffres des poursuites, je constate qu’il y a énormément d’affaires qui sont instruites, mais aussi de nombreuses peines prononcées. Par rapport à tous ceux qui réclament une justice expéditive, je tiens à dire qu’il est primordial de respecter, en tout état de cause, les principes de l’État de droit pour pouvoir préparer utilement sa défense. Nous avons renforcé les effectifs de la police et de la justice, et nous faisons une veille constante des textes de loi.

«J’estime que le délai entre le dépôt d’un projet de loi et le moment où l’avis du Conseil d’État est rendu devrait être prévisible.»

Après les résultats mitigés que déi gréng ont obtenus aux élections communales, la montagne n’est-elle pas difficile à gravir pour vous, tête de liste à ces élections législatives?

J’adore faire des randonnées en montagne et je trouve que l’effort que représente la lente ascension jusqu’au sommet est non seulement satisfaisant mais également payant. Maintenant, il ne faut pas non plus exagérer cette image, car s’il est vrai que nous avons connu quelques défaites pour ces communales, qui étaient plus ou moins prévisibles, comme à Differdange, nous avons gagné d’autres sièges ailleurs. Oui, il y a un contexte assez difficile et contradictoire en Europe pour les partis écologistes. D’un côté, on constate que l’environnement est un sujet qui préoccupe hautement les citoyens, mais le vote pour ces partis ne suit pas forcément. Il y a certainement beaucoup d’éléments, parfois psychologiques avec les crises qui se multiplient, et moi-même j’en ai un peu marre de ces différentes crises et de tout le temps penser à ce qui pourrait encore arriver. Nous sommes tous conscients des risques du changement climatique qui sont présents et qui nous ont accompagnés tout l’été. Je comprends ceux qui veulent faire une pause dans toutes ces crises et ne veulent plus en entendre parler. Puis, il y a la situation en Allemagne avec les Verts qui vivent une coalition beaucoup plus difficile que nous, avec des conflits assez inutiles et des communications qui ne sont pas toujours très heureuses. Lors de nos rencontres ici avec les citoyens, ils nous confrontent parfois avec des critiques par rapport à la politique allemande, alors que ce n’est pas la politique que nous menons ici au Luxembourg.

Vos adversaires politiques sont souvent sévères et pratiquent, eux aussi, ce que l’on appelle le greenbashing…

Nous voyons aussi en Europe les partis conservateurs et les partis populistes qui annoncent que les Verts sont l’ennemi numéro un, l’ennemi à combattre avec des campagnes sur les réseaux sociaux qui diffusent de fausses informations. L’écologie est pointée du doigt alors que je me demande pourquoi. Si l’on veut faire de la politique sérieusement et préserver nos libertés et celles de nos enfants, nous avons tout intérêt à nous atteler dès maintenant à la question et à prendre des décisions aujourd’hui avant que la catastrophe ne soit là. Il y a d’autres ennemis à combattre qu’une écologie moderne et ouverte.

Les politiques climatiques coûtent cher dans l’esprit des gens qui se voient obligés de réaliser des travaux de mise aux normes, de payer de nouvelles taxes. Encore un cliché?

Il s’agit de raccourcis qui essayent de nous discréditer, alors que la pratique montre que ce n’est pas le cas. Quand on prend par exemple la taxe carbone, nous l’avons compensée pour les revenus inférieurs. Notre programme électoral comprend beaucoup de mesures qui tendent à accompagner tout un chacun dans cette transition écologique. Elle a un coût dans un premier temps, mais il est rentabilisé à mesure du temps. Pour que ce premier investissement puisse être fait, il n’y a pas de budget disponible pour certaines personnes. Nous proposons dans notre programme, entre autres, une sorte de tiers payant pour les aides de transition qui évite que les citoyens doivent préfinancer les travaux. L’État devrait prendre en charge la facture et instaurer des contrôles ponctuels pour accélérer les procédures. Nous voulons également mettre en place un leasing social pour acquérir un véhicule électrique qui coûte moins cher à l’usage qu’un véhicule à essence. Nous avons toujours accompagné notre politique de ce genre de mesures parce que nous avons conscience que le défaut de transition écologique coûtera bien plus cher aux personnes qui sont de toute façon dépourvues de moyens. Autre exemple : nous voulons rendre les produits bios accessibles à tous et nous proposons une réduction de la TVA à 0 % pour les légumes bios.

«Nous sommes tous conscients des risques du changement climatique qui sont présents et qui nous ont accompagnés tout l’été.» (Photos : alain rischard)

Cette prochaine législature nous rapprochera de 2030 et des objectifs climatiques que s’est fixés le gouvernement. C’est réaliste?

C’est clair que ce sera la législature déterminante pour le Luxembourg, mais aussi pour toute l’Europe. Les experts le disent, il est primordial que ces objectifs soient atteints dans les prochaines années. C’est tout à fait réaliste pour le Luxembourg, alors que les derniers objectifs ont été atteints et pour les énergies renouvelables, ils ont même été dépassés et sont revus à la hausse.

Le Conseil d’État est actuellement secoué par une affaire de conflit d’intérêts, inévitable selon vous dans un petit pays comme le Luxembourg. Votre programme prévoit l’incompatibilité de certains mandats avec celui de conseiller d’État…

En tant que déi gréng, nous avons toujours fait attention à ne pas nommer de hauts fonctionnaires au Conseil d’État. Quant à l’incompatibilité des mandats, il faut voir quelles fonctions peuvent être exercées ensemble. Je sais que c’est complexe, car il faut être luxembourgeois, la moitié des membres doivent être juristes, il faut une certaine expérience, un certain profil. On arrive rapidement à un nombre plutôt restreint de personnes qui sont éligibles pour être nommées au Conseil d’État. Il est nécessaire de repenser cela, et au-delà de la polémique actuelle, il est aussi nécessaire de revoir les procédures.

De quelle manière?

Il y a beaucoup de projets de loi pour lesquels j’ai reçu les avis soit très tard, soit pas du tout. J’ai conscience que le Conseil d’État avait également une charge de travail importante avec les textes covid et la Constitution ainsi que tous les textes qui s’y rapportent à gérer. Mais je ne souscris pas à l’approche, dans un pays moderne, qu’il soit considéré comme normal de ne pas pouvoir voter une loi dans un délai de six mois. Je ne pense pas que l’on puisse partir de la prémisse de dire qu’il faut d’office 18 mois à deux ans pour qu’un texte puisse être voté. Je suis peut-être trop impatiente par nature, mais j’estime que le délai entre le dépôt d’un projet de loi et le moment où l’avis du Conseil d’État est rendu devrait être prévisible et limité à trois, voire quatre ou cinq mois selon la complexité du projet. Nous avons un agenda politique, un accord de coalition, des juristes qui ont beaucoup travaillé sur ces textes et le but ne peut pas être de juste les déposer. Je veux aussi avoir un résultat à la fin parce qu’il s’agit d’améliorer des situations ou de se conformer à des directives européennes, des conventions que nous avons signées. Cet agenda politique doit être prévisible et on doit s’attendre à avoir un avis dans un délai raisonnable. Il faut trouver des solutions, en augmentant davantage le personnel, en prévoyant plus de conseillers d’État ou en revoyant la procédure, car nous ne pouvons pas continuer avec ces délais.

Comment vous préparez-vous à ces élections en tant que tête de liste? Après les communales, il était question de diffuser des messages plus clairs. Vous vous entraînez dans ce sens?

Je pense qu’il faut toujours se remettre en question. Effectivement, si beaucoup de gens nous disent qu’on leur interdit leur chauffage au gaz à la maison, je me dis qu’il y a un problème d’explication, alors qu’il s’agit d’une mesure discutée en Allemagne et non pas au Luxembourg. Nous voulons toujours tout expliquer, entrer dans les détails, veiller à ne rien oublier, et c’est une de nos tares. Nous venons de réaliser une version condensée de notre programme électoral, mais il n’empêche que le réduire à une dizaine de phrases assez vides de sens, cela ne me convient pas très bien. J’ai conscience, bien sûr, que d’un point de vue politique, il est nécessaire d’être limpides, et pour être compatibles avec les réseaux sociaux, il faut respecter un certain nombre de signes. 

 

2 plusieurs commentaires

  1. Eh bein, les gens achètent des voitures électro parce qu’ils croient qu’ils vont épargner 100-200 euros chaque mois. Mais plus il y a de voitures électriques vendues, plus le prix de l’électricité grimpe, et plus tout se relativise.

  2. Ce ne sont pas tant les verts (bien qu’ils le méritent aussi) qu’il faut combattre, mais surtout cette folie qui s’est emparée de presque tout le monde, qui consiste à se saborder au nom d’une idéologie qui consite à croire que le carbone est mauvais alors que la vie, c’est du carbone.
    La notion même de décarbonation est la pire stupidité que le monde ait connue (et Dieu sait s’il y en eut dans le passé).