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Ricardo Barros : «200 élèves à l’école de police, c’est un réel défi !»


Ricardo Barros fête ses deux ans à la tête de l’école de police de Luxembourg. (photos Hervé Montaigu)

Un peu moins de 200 policiers quitteront dans quelques semaines la nouvelle école de police, inaugurée en avril 2021 au Findel. Son directeur, Ricardo Barros, revient sur ces deux premières années et les défis de cette nouvelle génération d’agents.

D’ici à la fin du mois d’avril, près de 200 nouveaux policiers intégreront les rangs de la police grand-ducale, après deux années de formation dans la nouvelle école de police du Findel, fraîchement inaugurée en avril 2021 par le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox. L’occasion de revenir avec le directeur de l’établissement, Ricardo Barros, sur les enseignements et nouveaux défis de la profession.

Quel bilan faites-vous de ces deux premières années à la tête de la nouvelle école de police ?

Ricardo Barros : C’était un vrai challenge. Tout est arrivé en même temps : l’arrivée de la première promotion, le changement de bâtiment, d’approche pédagogique et aussi de cursus de formation. C’était très dur à gérer, mais nous avons su nous adapter, en équipe, pour manager au mieux. Ce qui n’a pas été facile, puisque nous sommes passés de promotions avec 70-80 élèves, à plus de 200 ! C’est considérable et ça a été un réel défi pour nous.

Ce n’est pas une bonne chose d’avoir autant d’élèves ?

Si, c’est une bonne chose ! (Il rit) Mais d’un point de vue managérial et suivi du stagiaire, c’est très compliqué. Auparavant, nous étions une grande famille, nous connaissions pratiquement chaque élève individuellement. Maintenant, nous formons une grosse masse. Nous sommes davantage dans de la production, mais nous essayons de garantir quand même une certaine qualité. D’où l’adaptation constante que nous essayons d’intégrer dans notre programme de formation.

Les femmes composent 25 % des effectifs.

De quelles adaptations parlez-vous ?

Nous voulons donner davantage de place à la pratique. Actuellement, la formation se divise en deux parties : une partie « enseignement théorique et pratique » et une partie « phase d’initiation pratique » qui correspond à une période de stage, sur le terrain, de 43 semaines, la deuxième année. Mais avec plus de 800 heures de théorie, certains n’arrivent pas à avoir le déclic.

Nous voulons donc mieux imbriquer la théorie et la pratique, qui arrive trop tard pour l’instant. Nous sommes avant tout un centre de formation professionnelle, il ne faut pas l’oublier. Nous voulons donc, dès la première année, proposer des mises en situation, pour que les élèves puissent commencer leur stage sur le terrain avec de vraies notions. Qu’ils fassent la connexion entre les cours enseignés, ce que nous attendons d’eux à l’examen et le stage. Le tout est de trouver le bon timing, pour jongler entre tout ça.

Quels sont les plus gros défis de la police grand-ducale à l’heure actuelle, selon vous ?

C’est difficile à dire, mais le métier de policier ne cesse de varier, de s’adapter à l’évolution des phénomènes sociétaux. Il doit s’adapter, je dirais même que c’est un impératif, pour ne pas être à la traîne. Nous remarquons que le criminel, de nos jours, évolue à une vitesse considérable. Alors que nous, derrière, dans les administrations étatiques, nous sommes assez rigides, parce que nous avons beaucoup de procédures. C’est là notre plus gros défi, aussi bien au Luxembourg que chez nos voisins : réduire l’écart entre les criminels et nous.

Le meilleur exemple : la cybercriminalité. Cela évolue à une vitesse fulgurante, et nous sommes à la traîne. C’est là où il faut remettre en question le profil du policier et adapter notre formation à l’évolution de ces phénomènes.

De nouveaux cours ont-ils été ajoutés afin de mieux former les futurs policiers à ces questions sociétales ?

Oui, nous mettons beaucoup l’accent sur les droits de l’Homme, notamment, et la Constitution. Nous avons des cours de droit pénal, traditionnels, mais aussi de protection de la jeunesse, par exemple. Depuis la réforme, nous avons aussi inclus des cours de politique et société, avec de la déontologie, les droits et devoirs du fonctionnaire, les violences domestiques, la communication. Ce sont des cours intéressants qui apportent une réelle plus-value pour le métier de policier de nos jours.

Être un bon policier, c’est, déjà, être à l’écoute et vouloir évoluer

Un métier de policier qui attire toujours autant ?

Il a toujours eu du succès et en aura toujours, je pense. Nous avons eu un peu plus de 700 candidatures la première année pour intégrer l’école et 500 pour la dernière promotion. Ça a légèrement diminué, mais c’est normal : nous allons tous piocher dans le même pot! Nous avons cette contrainte de la nationalité, qui fait que le pot luxembourgeois devient assez limité. Il est de plus en plus difficile de trouver la perle rare. Toutes les administrations essaient d’avoir le meilleur pompier, policier, douanier ou soldat… C’est complexe.

C’est quoi, être un bon policier en 2023 ?

Être un bon policier, c’est, déjà, être à l’écoute et vouloir évoluer, ne pas se reposer sur ses lauriers. La société, de nos jours, n’est plus la même qu’il y a 20 ou 30 ans : il y avait un respect du gendarme qui n’existe plus vraiment aujourd’hui. De nos jours, tout le monde se base d’office sur ses droits. Il faut donc toujours être sur le qui-vive, pour éviter qu’il y ait de mauvaises interprétations.

Proportionnalité, nécessité absolue, solidarité et opportunité : ce sont les quatre mots que nous essayons d’inculquer à nos élèves. C’est ce qui va les suivre durant toute leur carrière. Il faut être humain sans refléter un côté émotionnel. Mais un policier reste avant tout un humain, pas une machine. C’est là toute la subtilité.

Adriano est le doyen des nouveaux policiers à venir au Luxembourg : il a retrouvé le chemin de l’école à 50 ans.

«C’était un rêve de gamin»

Depuis un peu plus de deux ans, la limite d’âge imposée pour entrer dans la police grand-ducale (jusqu’à 30 ans maximum) n’existe plus. Un moyen de grossir les rangs de candidats, mais aussi, pour certains, de changer complètement de vie.

C’est le cas d’Adriano Magnoni, contrôleur à la SNCA pendant plus de vingt ans, qui a retrouvé les bancs de l’école en mai 2022. Un «rêve de gamin», qui lui trottait dans la tête depuis toujours et ne l’a jamais lâché. «C’est le travail que j’ai toujours voulu faire, mais la vie a fait que ce n’était pas possible jusqu’ici», explique-t-il, le sourire aux lèvres.

La motivation ne manque pas pour le doyen de la promotion qui, à 50 ans, s’émeut encore de voir la «fierté de ses parents» lorsqu’il leur a annoncé son intention de rejoindre l’école de police. Dans un peu plus d’un an maintenant, il intégrera l’un des 34 commissariats du pays, et il souhaite rejoindre l’unité de la police de la route.

«Ce type de candidats-là, ce sont les plus motivés», commente Ricardo Barros, le directeur de l’école de police. «C’est un atout d’avoir tous types d’âge au sein de nos promotions. Nous espérons toujours que le policier qui a déjà eu une expérience professionnelle apportera une plus-value pour le jeune et vice-versa. Chacun amène sa petite valise d’expérience et de connaissances.»

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