Le parquet a aussi requis une amende contre le voyagiste qui, en 2013, avait vendu des billets d’avion sans s’assurer qu’il pouvait en garantir la disponibilité.
Pendant l’hiver 2012/2013, l’agence de voyages Transline Tours lance une campagne de publicité pour des vols charters vers Lisbonne et Porto. Sur les flyers distribués, l’aller-retour est proposé pour 295 euros pour la période de juillet à septembre 2013. La communauté portugaise se rue sur cette offre alléchante. Résultat de la campagne : près de 569 tickets sont vendus. Ce qui fait encaisser autour de 150 000 euros au voyagiste.
Le problème, c’est qu’au moment de vendre les premiers billets d’avion le 25 janvier 2013, le gérant de l’agence n’a pas encore conclu d’accord avec une compagnie aérienne. C’est seulement après avoir récolté des clients qu’il recherche sérieusement une compagnie. Mais il n’en trouvera pas pour le prix annoncé. Mi-juin, il informe ses clients qu’il n’y aura pas de vols. Les demandes de remboursement de la centaine de clients commencent à affluer.
Entretemps, un total de 73 900 euros ont été remboursés. Mais d’autres victimes attendent toujours le remboursement de leurs billets d’avion. Le total des tickets non remboursés s’élève à 76 000 euros. Mardi et mercredi matin, le gérant de l’agence comparaissait pour escroquerie, abus de confiance, blanchiment et publicité trompeuse devant la 18e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement. Pendant les deux jours du procès, il y a eu un véritable défilé de parties civiles demandant au moins le remboursement de leurs billets annulés.
«Je ne me sens pas coupable. Il était prévu que les vols aient lieu. On a contacté plus de 30 compagnies aériennes. Et ce n’est pas la première fois qu’on organisait un charter privé, s’est défendu le prévenu Thomas M. (46 ans) à la barre. Plus de 50% des clients ont été remboursés. Voilà pourquoi je ne comprends pas le reproche de l’escroquerie. On aurait continué de rembourser si notre trésorerie l’avait permis.» En mai 2015, la société a en effet fait faillite.
Il poursuit : «À l’automne 2012, on avait négocié avec deux compagnies. Il y avait eu des pourparlers, mais pas de mails. Si tôt dans la saison, on ne pouvait pas nous faire d’offre contraignante», explique le prévenu, qui conteste fermement l’escroquerie : «À l’époque, on était spécialisé sur les voyages de groupe en Turquie. Après les attentats, notre objectif était de nous établir dans les vols charters. Ce n’était pas prévu que les vols n’aient pas lieu.»
Sur le banc des prévenus se trouve également Jeannot B. (65 ans), poursuivi pour exercice illégal de la profession d’avocat. Le parquet lui reproche d’avoir offert à Thomas M. ses conseils juridiques alors qu’il lui est interdit à vie d’exercer la profession. Thomas M. le décrit comme un ancien ami qui l’aurait seulement aidé dans la relecture de plusieurs documents. Le retraité Jeannot B. conteste aussi lui avoir offert des conseils juridiques.
Escroquer les Portugais, «ce n’était pas le but»
De l’enquête, il ressort que le sexagénaire a bénéficié d’une réservation de deux billets d’avion d’une valeur de plus de 2 000 euros pour Punta Cana. Mais l’enquêtrice n’a trouvé aucune trace du fait que Jeannot B. a bien versé cette somme à l’agence pour son voyage privé. «J’ai payé le vol en liquide», a-t-il rétorqué, mercredi.
Dans sa plaidoirie, Me Philippe Penning a soulevé que son client avait juste donné quelques conseils à titre amical : «Il n’a rien à voir avec la publicité, la prise en charge des clients et les remboursements.» À l’instar de son confrère, Me Benoît Entringer, à la défense de Thomas M., a plaidé l’acquittement : «L’objectif n’était pas d’escroquer les Portugais. Car le gérant s’est donné du mal pour trouver une compagnie aérienne pour les vols charters.»
Or du côté du parquet, c’est un autre son de cloche. Il n’y aurait pas de doute sur le caractère trompeur de la publicité du voyagiste : «Sur le flyer, il n’était pas écrit que le voyage n’était pas encore disponible. C’est évident qu’en l’absence de cette précision le consommateur a été induit en erreur.»
Pour la publicité trompeuse, l’escroquerie et le blanchiment, le parquet a requis un an de prison et une amende appropriée à l’encontre de Thomas M. et une amende contre l’agence Transline Tours. Contre le prévenu Jeannot B., le parquet a demandé une amende appropriée. Quant à ses deux billets pour lesquels aucune trace de paiement n’a été trouvée, il a conclu : «Avec la saisie qu’il a sur sa pension, il était plus intéressant d’avoir une rémunération en nature.»
Le 15 juin, le tribunal rendra son jugement.
Fabienne Armborst