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Proxénétisme à Bonnevoie : « Elle les incitait à se prostituer »


Pendant plus de deux ans, la prévenue aurait profité matériellement de l'argent de la prostitution. De chaque fille, elle aurait encaissé entre 100 et 300 euros par semaine. (illustration Editpress)

Le parquet requiert 30 mois de prison contre une femme poursuivie pour proxénétisme. Contre l’homme qui lui louait l’appartement à Bonnevoie, il demande 18 mois.

« Non, je n’ai pas profité de l’argent des filles. » À la barre, la sous-locataire de l’appartement de Bonnevoie avait insisté sur le fait qu’elle n’avait jamais eu l’intention de les exploiter. Si elle avait accueilli des filles chez elle, c’était pour ne pas être seule. «Travailler dans la prostitution est très dangereux», avait expliqué Maria* (44 ans). À la police, elle avait encore dit avoir agi par altruisme.

«Ma cliente a été accusée de faits inexacts. Ce n’était pas une femme d’argent», a insisté jeudi matin Me Frédéric Veneau. Selon l’avocat, la quadragénaire n’aurait pas eu l’intention de mettre en place un trafic d’êtres humains. Jamais elle n’aurait été chercher des filles à la gare. Au contraire, c’étaient les autres filles qui se trouvaient dans son appartement qui lui auraient demandé de faire venir d’autres filles. Des filles qui auraient au final abusé de sa bonne foi pour l’accabler. «Si elle était proxénète, elle aurait bien cadenassé le système et les filles auraient été bien rodées», a argué Me Veneau, qui demande au tribunal de ne pas condamner la prévenue sur la base de faux témoignages.

Mais, pour le parquet, les faits de proxénétisme sont bien établis. Des «déclarations concordantes» dans le dossier, il ressortirait que la prévenue a bien recruté, accueilli et hébergé dans son appartement des personnes particulièrement vulnérables, pour la plupart d’origine brésilienne sans titre de séjour régulier et qui ne parlaient pas les langues du pays. «Elle les incitait à se prostituer, car elles n’avaient pas d’autre source de revenu.»

Pendant plus de deux ans, entre juin 2014 et fin juin 2016, elle aurait donc profité matériellement de l’argent de la prostitution. De chaque fille, elle aurait encaissé entre 100 et 300 euros par semaine.

«Un travailleur, pas un délinquant»

«À aucun moment, elle ne cherche des colocataires qui ne se livrent pas à la prostitution», a par ailleurs a soulevé le premier substitut du procureur. Et d’insister : «Pas moins de six à sept contrôles ont été réalisés. Plusieurs fois, on l’a informée que ce qu’elle faisait était illégal. Malgré cela, elle n’a pas arrêté de louer l’appartement. Elle aurait dû résilier le contrat de bail.»

Bref, pour le parquet, la prévenue a bien bénéficié des produits de la prostitution. L’enquêteur avait fait le calcul. Grâce à quatre personnes, elle aurait ainsi encaissé 15 600 euros entre juin 2014 et mai 2015. «Cette somme constitue un minimum, car nous savons que d’autres filles ont travaillé dans l’appartement.»

De l’argent dont aurait également profité l’autre prévenu, estime le parquet. Pedro* (65 ans) ne conteste pas avoir sous-loué l’appartement à Maria en juin 2014. Toutefois, il conteste fermement avoir été au courant de l’activité de prostitution à laquelle s’adonnaient les femmes à l’intérieur de l’appartement. «Mon client est un travailleur, pas un délinquant. Il a toujours gagné sa vie en travaillant», a lancé Me Evariste Ohinché en entamant sa plaidoirie. Pour lui, son client est à acquitter, car il n’aurait pas été prouvé clairement qu’il savait d’où l’argent du loyer provenait. «Quand il l’a appris, il a immédiatement arrêté de récupérer les loyers. Donc, il n’a tiré aucun avantage patrimonial des activités de Madame.» Il précise qu’avant d’emménager dans son appartement Maria était déjà une prostituée : «Ce n’est pas lui qui l’a contrainte à la prostitution.»

Mais, pour le parquet, lui aussi se serait rendu coupable de proxénétisme en mettant le logement à la disposition de Maria. «Il continue de contester l’incontestable. Il est évident qu’il était au courant.Et il n’a rien fait pour les faire sortir.» Le parquet a fini par requérir 18 mois de prison et une amende contre Pedro. Maria, en détention préventive depuis fin novembre 2017, quant à elle, serait à condamner à 30 mois de prison et une amende.

La 12e chambre correctionnelle rendra son jugement le 20 décembre.

Fabienne Armborst

* Les prénoms ont été modifiés.

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