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Procès en appel de l’urologue : «On n’est pas dans un salon de coiffure…»


Trois patientes avaient porté plainte contre l'urologue. Aujourd'hui le sexagénaire ne fait plus partie de l'équipe médicale du CHEM à Niederkorn. (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

Le parquet général n’a pas du tout apprécié que la défense demande la remise du procès de l’urologue poursuivi pour attouchements sur trois patientes en 2015 et 2017. La joute verbale devant la Cour d’appel a été longue.

«Une citation n’est pas une invitation. Quand on est cité, on s’arrange pour être prêt et plaider. C’est un manque de respect vis-à-vis de la justice. On n’est pas dans un salon de coiffure où on décommande son rendez-vous…», a asséné le premier avocat général Simone Flammang, mercredi après-midi.

Au programme : le procès en appel de l’urologue de 63 ans poursuivi pour avoir commis des attentats à la pudeur sur trois patientes en 2015 et 2017, alors qu’il travaillait au CHEM à Niederkorn. Condamné en juillet 2019 à 36 mois de prison, dont 30 avec sursis, et une amende de 5 000 euros, le sexagénaire avait interjeté appel. Pas d’accord avec sa défense, il a décidé de changer d’avocat. Jusqu’ici tout va bien. Mais là, où cela se corse, c’est que sept mois plus tard, et plus précisément sept jours avant l’audience, son nouvel avocat Me Rosario Grasso demande la refixation de l’affaire. La raison? Il n’a pas pu récupérer le dossier à temps, car Me Gaston Vogel a exercé son droit de rétention sur le dossier, étant donné que le prévenu n’avait pas réglé sa note d’honoraires…

«Le droit de rétention, un problème entre avocats»

S’il a fini par récupérer le dossier par le biais du parquet général vendredi dernier, c’était un peu court pour préparer utilement l’affaire et pouvoir la plaider, argue Me Grasso. Un argument que le parquet général balayera d’un revers de main. «Je suis un peu scandalisée de la façon de faire de la défense. Le droit de rétention est un problème entre avocats. Il n’est opposable ni à la Cour ni aux parties civiles», dira sa représentante en citant un arrêt de la Cour d’appel de 2010. Le droit de rétention n’est pas un motif légitime devant entraîner une remise d’affaire. Autrement, «changer d’avocat et ne pas régler les honoraires du premier avocat serait un moyen en or pour bloquer le cours de la justice.»

Ce que le parquet général n’a pas apprécié du tout, c’est qu’on ait «attendu sept jours avant cette audience pour informer le parquet général du changement d’avocat et dire qu’il y a un problème». Et de rappeler : «La citation date du 22 octobre!»

«Je suis médecin sans casier judiciaire…»

La présidente finira par se tourner vers le prévenu : «Vous nous mettez dans une situation très fâcheuse. Quand on change d’avocat, il faut faire les démarches nécessaires et être prêt le jour venu.

– Je suis médecin. Je ne connais pas la justice. J’ai 20 ans d’expérience urologique sans casier judiciaire!»

«Je me mets à disposition de la Cour si une audience se libère», a renchéri Me Grasso insistant mordicus sur la refixation de l’affaire. Mais ce n’est pas ce que décidera la Cour… dans un premier temps. «La Cour d’appel entend retenir l’affaire» : voilà l’annonce de la présidente après une courte suspension.

La réaction de Me Grasso ne s’est pas fait attendre. «Je n’ai d’autre choix que de déposer mon mandat!» Et le prévenu d’ajouter : «Je ne suis pas avocat, je ne peux me défendre seul!»

«J’entends le désir de Monsieur. Mais il avait suffisamment de temps. Je demande à ce que l’affaire soit plaidée aujourd’hui», rétorquera le parquet général.

– «Sans avocat, je ne sais pas faire…»

«Le 19 juin, ce sera sans faute, Monsieur!»

Le fin mot de la Cour : «Nous ne pouvons vous refuser votre droit d’avoir un avocat. Vous aurez un avocat. Mais cela sera la dernière remise.» Feuilletant le calepin déjà fort rempli, la représentante du parquet général finira par dénicher une dernière audience de libre avant les vacances judiciaires : le 19 juin. Soupir du côté des deux parties civiles présentes. Elles n’ont pas non plus manqué hier de faire part de leur exaspération face à ces prolongations. «Pour nous c’est très dur.»

C’est ainsi qu’après une petite heure de joute verbale, toutes les parties ont remballé leurs affaires. La présidente ne manquera pas de lancer une dernière piqûre de rappel au prévenu : «Il n’y aura plus d’excuses. Aujourd’hui vous avez fortement exagéré. On ne vient pas comme ça à l’audience.Le 19 juin ce sera sans faute, Monsieur!»

Fabienne Armborst

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