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[Portrait] Camille Schmit, animé par la passion


Entraîneur des plus grands spécialistes luxembourgeois du demi-fond actuels, Camille Schmit est un entraîneur passionné. Qui préfère rester dans l’ombre.

Voilà de nombreuses années qu’il est derrière le succès des meilleurs athlètes luxembourgeois de demi-fond. Charline Mathias à Rio ? C’est lui ! Charel Grethen à Rio et en finale à Tokyo ? Encore lui ! Vivien Henz, présenté comme la nouvelle pépite de la discipline au Grand-Duché ? Toujours lui ! Lui, c’est Camille Schmit. Retour sur le parcours d’un homme de l’ombre. Qui préfère laisser ses athlètes briller plutôt qu’attirer toute la lumière à lui.

Camille Schmit et l’athlétisme, ce n’était pourtant pas une chose évidente. Il débute par le foot : «J’étais milieu défensif ou arrière central. Je travaillais beaucoup en défense.» À la suite d’un désaccord, il change de crémerie : «J’aurais pu changer de club, mais j’ai changé de sport.» Et comme il aimait bien courir, il se tourne naturellement vers l’athlétisme.

Il décrochera : «une vingtaine de titres nationaux». Mais pas de record. Et pour cause : «Avec Justin (NDLR : Gloden, toujours détenteur des records du 2 000 m au marathon), c’était dur d’avoir des records. Mais je l’ai battu quand même deux fois à la régulière, une fois sur 1 500 m et une fois sur 5 000 m», savoure-t-il.

J’aurais pu changer de club, mais j’ai changé de sport

Après quelques années, il revient à ses premières amours : «Mes deux fils ont commencé à jouer au foot à l’Avenir Beggen. On m’a demandé si je pouvais donner un coup de main.» Le coup de main se transformera en une dizaine d’années au cours desquelles il entraînera les jeunes et passera même six mois sur le banc de l’équipe première en tant qu’adjoint. Fidèle à ses principes et droit dans ses bottes, quand l’entraîneur a été remercié, il ne se voyait pas continuer.

Retour à l’athlétisme : «Le CSL était à la recherche de quelqu’un pour remplacer son entraîneur qui allait arrêter. On m’a demandé si je pouvais aider.» On connaît la suite… Après quelques semaines, il reprend le flambeau et se retrouve à s’occuper d’athlètes comme Charline Mathias : «Elle avait 15 ans, j’ai tout de suite repéré son talent et son potentiel. Elle rêvait des JO, mais il y avait beaucoup de travail à faire», Christophe Bestgen (désormais son adjoint au CSL), Christian Thielen, Vincent Karger ou encore Frédérique Hansen (NDLR : toujours détentrice du record national du 400 m), qui rejoindra le groupe un peu plus tard. En revanche, pas encore de Charel Grethen, blessé toute la saison.

Si, pour Charline Mathias, il était possible de la mettre avec des jeunes athlètes masculins qui avaient à peu près le même niveau, la donne était plus compliquée pour Charel Grethen : «Personne ne pouvait s’entraîner avec lui.» C’est ainsi que le miler luxembourgeois part régulièrement en stage avec des athlètes de son niveau :

«À partir d’un certain moment, tu ne peux pas avoir plusieurs entraîneurs. Charel s’entraîne entre 12 et 14 fois par semaine, il faut que tout soit bien coordonné. Mais pour tout ce qui est musculation, on travaille en collaboration avec un kiné du LIHPS. Après ses différentes blessures, on fait attention.»

Même s’il est toujours en vadrouille, Charel Grethen, qui se remet d’une blessure à un ischio et prépare sa saison en Afrique du Sud, reste très proche de son entraîneur de toujours : «Je travaille avec lui depuis plus ou moins 15 ans. Ça en dit beaucoup sur notre relation. Sans lui, je n’aurais pas connu les mêmes succès», confie Grethen, qui devrait retrouver son mentor à Metz, début février.

Effectivement, avec deux JO et une finale olympique à Tokyo, on peut parler de succès. Alors que les Jeux n’ont jamais été dans le viseur de Camille Schmit : «En arrivant au CSL, je n’aurais jamais imaginé avoir l’occasion de faire deux JO et peut-être même trois. Mais le rôle d’un entraîneur est d’aider l’athlète à arriver au maximum de ses capacités. Je n’avais pas pu vivre l’expérience olympique comme athlète mais j’ai pu le faire comme entraîneur.» Et il a apprécié : «La cérémonie d’ouverture à Rio était fantastique. Et puis côtoyer tous les grands dans le stade d’échauffement, pouvoir les observer, c’est vraiment quelque chose!».

S’il a déjà vibré à Rio malgré les éliminations dès les séries de ses deux poulains, il a encore plus apprécié Tokyo, cinq ans plus tard, où Charel Grethen se hisse à la surprise générale jusqu’en finale du 1 500 m : «Il passe en demi-finale à la place. Après la première demi-finale, on a vu qu’il fallait faire moins de 3’35″ ou 3’34″50 pour aller en finale. Et j’étais convaincu qu’il pouvait le faire. Après, il fallait encore terminer dans les sept premiers.» Et c’est ce que fera Charel Grethen, septième avec un chrono incroyable : 3’32″86! Il faudra à l’entraîneur une bonne semaine après son retour pour réaliser ce qui s’est passé, avec un athlète qui se classera finalement 12e d’une finale partie bien trop vite pour lui.

C’est à l’athlète d’être sur le devant de la scène. Pas à l’entraîneur

Épuisé tant physiquement que mentalement, c’est depuis la maison que Camille Schmit suivra les grands débuts de son poulain en Diamond League, à l’occasion du meeting Van Damme de Bruxelles. Mais ça lui va très bien : «C’est l’athlète qui travaille. C’est à lui d’être sur le devant de la scène. Pas à l’entraîneur.»

Il n’empêche que l’appétit venant en mangeant, Camille Schmit y prend goût. Et il se fixe désormais un nouvel objectif : «Le but, c’est Paris-2024 avec un, deux voire trois athlètes !» Pourquoi trois ? Outre Charel, Grethen et Charline Mathias, qui, malade, doit malheureusement renoncer à la saison indoor, il pense également à Vivien Henz :

«La première fois que je l’ai vu courir, il était petit, maigre, mais à sa foulée et sa manière de se battre comme un lion, on voyait tout son potentiel. Quand il est revenu après deux ans de pause basket, il n’avait presque pas de vitesse. Avec Christophe (Bestgen), on met beaucoup l’accent là-dessus. Si on ne le fait pas avant 16 ans, c’est trop tard.»

Aujourd’hui, le garçon poursuit son cursus au sein de la prestigieuse université de Harvard : «C’était son rêve. Je pense qu’il a des possibilités pour atteindre le même niveau que Charel.» Depuis les États-Unis, Vivien Henz revient sur sa relation avec son premier entraîneur : «Il regarde ce que je fais, me donne encore quelques conseils, me suggère quelques ajustements mais sans interférer avec les coaches de Harvard. Camille est quelqu’un de très à l’écoute de ses athlètes.»

Alors, un, deux ou trois athlètes à Paris? En attendant, Camille Schmit poursuit sa retraite active. En plus des quatre séances hebdomadaires avec le CSL et de séances personnalisées avec Charel quand il est au Luxembourg, il ne rate jamais une occasion de sortir son VTT : «J’ai un problème au genou. Comme je n’avance plus, je ne cours plus depuis des années. Donc je prends mon mountain bike et je vais en forêt. Là, j’arrive à avancer un peu», sourit celui qui explique avoir cédé à la fée électricité : «Depuis trois ans, j’ai un e-bike», avoue-t-il, «comme cela, on n’a pas à se poser la question de savoir si on pourra rentrer ou non».

En bref

Né le 16 septembre 1956, Camille Schmit effectuera toute sa carrière professionnelle comme fonctionnaire au service technique de la commune de Luxembourg. Sur le plan sportif, il débute par le foot à l’Égalité Weimerskirch et intègre l’équipe première à 16 ans. Il jouera jusqu’à 27 ans, avant de partir faire de l’athlétisme.

Il rejoint le club de la capitale où il décroche de nombreux titres nationaux sur les distances allant du 800 m en salle au marathon. Il vaut 2 h 20’50″ sur marathon, 29’26″ sur 10 km ou encore 14’15″ sur 5 000 m (les spécialistes apprécieront). Après la fin de sa carrière sportive à 40 ans, il devient entraîneur à l’Avenir Beggen pendant une dizaine d’années.

Il est titulaire du diplôme UEFA A qui lui permettrait de coacher en BGL Ligue. Après avoir quitté le club, il rejoint le CSL où il devient entraîneur du groupe de demi-fond qui compte notamment dans ses rangs Charline Mathias et Charel Grethen.

Il ira avec eux aux Jeux de Rio puis avec Charel Grethen à ceux de Tokyo, où son protégé atteindra la finale olympique. Il espère terminer en apothéose l’année prochaine, aux JO de Paris.

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