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Pétitions : «Le sursis ne doit pas s’appliquer aux auteurs d’abus sexuels»


Les pétitionnaires Diane Schaefers (au c.) et Liv Jeitz (à d.) ont pu échanger, hier, avec la ministre de la Justice, Sam Tanson (à g.). (Photo : chambre des députés)

Deux pétitionnaires sont venus réclamer, lundi, face aux députés, un durcissement des peines pour viols et abus sexuels. Condamner les agresseurs à de la prison, assortie d’un sursis intégral, serait «intolérable».

Tout commence avec le martyre vécu par Liv Jeitz. Alors qu’elle est âgée de 14 ans, cette adolescente, grande passionnée de musique, devient victime d’abus sexuels répétitifs perpétrés par son chef d’orchestre. Il s’avère que la sœur aînée de Liv a également été agressée sexuellement par ce même homme. Deux autres victimes se manifestent. La plainte déposée aboutit devant les juges. L’auteur avoue les faits qui lui sont reprochés. Il écope d’une peine de 8 ans d’emprisonnement. Cette tragique histoire ne s’arrête cependant pas là. La peine de 8 ans de prison est assortie du sursis intégral.

En juillet 2021, Liv Jeitz décide de passer à l’offensive pour faire part de son désarroi. Elle se livre dans un entretien accordé à nos confrères du Wort. Son témoignage provoque de nombreuses réactions. Interpellée par une patiente, Diane Schaefers, éducatrice sociale et traumatologue de formation travaillant pour Psylux, décide alors de lancer une pétition pour demander la révision, la modification et l’adaptation du droit pénal en matière sexuelle au Luxembourg. Cette requête récolte 4 637 signatures ouvrant la voie à un débat public à la Chambre des députés.

«Il s’agit d’une question de survie»

Lundi matin, Liv Jeitz s’est ainsi retrouvée au côté de Diane Schaefers face aux députés et à la ministre de la Justice, Sam Tanson. Leur objectif : «Lever l’énorme tabou qui pèse toujours sur les abus sexuels», touchant à la fois les enfants, les adolescents et les adultes. «Je dispose d’une expérience professionnelle longue de 16 ans. Les victimes que nous prenons en charge sont âgées de 0 à 60 ans», relate la traumatologue, avant de détailler les graves séquelles subies par ces mêmes victimes : «Il s’agit tout simplement d’une question de survie. La thérapie vise à éviter le pire. Si la victime a le sentiment de ne pas pouvoir prendre ses distances avec l’agresseur, elle préfère souvent mourir que de revivre encore et toujours le même martyre.»

Entre 10 % et 20 % des victimes de viols et d’agressions sexuelles sont des filles et des femmes. Le pourcentage auprès des garçons et hommes varie entre 5 % et 10 %. Au Luxembourg, les plaintes déposées sont en progression constante. Mais des chiffres fiables et complets font défaut. De nombreuses victimes ne se manifestent pas, ou sont tellement traumatisées qu’elles développent une sorte d’amnésie pour se protéger contre les violences qu’elles ont subies.

Si l’information et la sensibilisation, notamment dans les écoles, sont encore défaillantes, les pétitionnaires réclament surtout des peines plus sévères. Dans le cas de Liv Jeitz, le sursis intégral a été accordé, car le chef d’orchestre était considéré comme primo-délinquant. Le fait qu’il ait abusé de quatre jeunes filles n’a pas pesé outre mesure. «Celui qui a violé quatre femmes, mais qui se retrouve pour la première fois devant les juges, n’est pas un primo-délinquant, mais un récidiviste», insiste la jeune femme, pour qui le sursis qui a été accordé à son bourreau est «intolérable».

Même si Diane Schafers et Liv Jeitz sont d’accord qu’il ne sert à rien d’enfermer les auteurs condamnés, la prison ferme, accompagnée d’une thérapie, serait toutefois importante pour les victimes. «Un sentiment de sécurité doit s’instaurer sans quoi une thérapie n’est pas possible», souligne la traumatologue. La crainte de pouvoir revoir leur agresseur à tout moment constituerait une «énorme barrière». Liv Jeitz le confirme : «Dès que je me déplace dehors, je m’assure de ne pas apercevoir sa voiture ou s’il se balade en rue. Cette inquiétude est due au fait qu’il ne se trouve pas en prison.»

La conclusion des deux pétitionnaires : «Le sursis ne doit pas s’appliquer aux auteurs d’abus sexuels.» La ministre de la Justice, Sam Tanson, se dit «consciente» de cette problématique, sans renoncer toutefois au principe judiciaire que les primo-délinquants sont susceptibles d’échapper à de la prison ferme : «Je sais que ce cadre juridique est souvent compliqué à comprendre, ou plutôt à accepter par les victimes. Or il me faut de souligner que le sursis n’équivaut pas à un acquittement. Le condamné se trouve sous la menace permanente d’être envoyé en prison en cas de récidive. Il s’agit d’une façon de protéger les victimes, mais aussi la société dans son ensemble.»

Une réforme de la loi sur les rails

La ministre déi gréng précise néanmoins que le «sursis est le principe pour les primo-délinquants. Le Code de procédure pénale délaisse toutefois la liberté aux juges de refuser le sursis». Sam Tanson compte aussi prendre en considération le fait de renforcer la clause de sursis probatoire lors d’affaires de viols et d’abus sexuels. Les auteurs condamnés seraient ainsi obligés à suivre d’office une thérapie afin de pouvoir échapper à la prison ferme.

Les réflexions livrées, ce lundi, par les deux pétitionnaires sont qualifiées d’«essentielles» pour continuer à peaufiner la réforme du droit pénal portant sur les abus sexuels, portant notamment sur l’allongement des délais de prescription et des peines revues à la hausse. Les victimes espèrent que ce texte, qui constitue un «premier pas dans la bonne direction» permette de les soulager. L’appel lancé en fin de débat par Liv Jeitz est sans appel : «Faites en sorte que les auteurs d’un viol ou d’un abus sexuel soient davantage punis que leurs victimes.»

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