Une nouvelle étude du Liser se penche sur la pénurie de travailleurs qui touche 76 % des entreprises du Luxembourg. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène socio-économique.
Le commissaire européen à l’Emploi, Nicolas Schmit, a évoqué lundi dans nos colonnes le phénomène de pénurie de main-d’œuvre et l’importance «vitale» d’investir dans les compétences :
«Il y a une inadéquation majeure entre les formations et les besoins d’une économie et d’une société en changement permanent. Cela concerne à la fois l’artisanat, l’industrie et les services, qui comprennent aussi les soins de santé et l’encadrement social. La pénurie de main-d’œuvre a besoin de réponses multiples.»
Une étude du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), réalisée par Laetitia Hauret et Ludivine Martin, vient confirmer les propos du commissaire, tout en décryptant les facteurs qui expliquent la pénurie de main-d’œuvre. L’accent est plus particulièrement mis sur les métiers ne nécessitant pas de diplôme universitaire.
«La pénurie de main-d’œuvre peut avoir des conséquences délétères pour l’économie d’un pays, car elle est en mesure de freiner le développement économique des entreprises et leurs investissements», soulignent d’emblée les deux chercheuses.
L’étude du Liser indique qu’en 2022, 76 % des entreprises comptant au moins cinq salariés peinent à recruter du personnel. «Les difficultés de recrutement portent toutefois plus sur les postes qualifiés (NDLR : pour 72 % des entreprises) que sur les postes non qualifiés (28 %)», précisent les chercheuses.
Un manque de candidats est la raison la plus souvent avancée pour expliquer la panne de recrutement (voir le tableau ci-dessous). Pour combler le déficit, les entreprises partent recruter dans la Grande Région (54 %), embauchent des candidats qui ne correspondent pas à tous les critères de recrutement afin de les former (49 %), ou décident d’augmenter le salaire proposé (27 %).
Comme évoqué, l’étude se concentre sur les métiers ne nécessitant pas de diplôme supérieur. L’Adem identifie cinq groupes de professions qui sont confrontés à une pénurie de main-d’œuvre : bâtiment, métallurgie et construction mécanique, artisanat et imprimerie, électricité et électrotechnique, ainsi que les ouvriers de l’assemblage.
D’une manière plus globale, l’Adem liste parmi les métiers en pénurie de main-d’œuvre «flagrante» le secteur de l’informatique, la santé, l’ingénierie, la finance et le bâtiment.
Le salaire pèse moins lourdement
«Différentes raisons peuvent être avancées pour expliquer la pénurie de main-d’œuvre», notent les chercheuses du Liser. Elles se consacrent aux conditions de travail, qui contribueraient bien à «détourner la main-d’œuvre de certains secteurs d’activité ou de certains métiers». Une comparaison avec les professions qui ne sont pas en pénurie permet d’y voir plus clair.
Premier constat majeur : les conditions salariales dans les professions en pénurie ne sont pas moins favorables. «Elles sont même, en moyenne, un peu plus favorables puisque le niveau de rémunération y est moins dépendant des primes, des heures supplémentaires et du travail posté», précisent les auteurs de l’étude.
Cela n’empêche pas que des différences existent selon les métiers. Le salaire horaire moyen est ainsi plus faible pour les travailleurs du bâtiment (17,2 euros). Par contre, le salaire horaire moyen dans la métallurgie (18,9 euros) ou l’artisanat (19,1 euros) «est significativement plus élevé» que celui dans les métiers qui ne sont pas en pénurie (17,7 euros).
Le bât blesse davantage par rapport à la qualité des emplois. Le Liser effectue, à défaut de chiffres plus affinés pour le Luxembourg, une analyse exploratoire sur la base de données émanant de la Grande Région. «Nous faisons l’hypothèse que les différences constatées (…) sont en mesure de refléter celles en vigueur au Luxembourg», avancent les chercheuses.
Il s’avère que les conditions de travail sont «moins favorables dans les métiers en pénurie» en se référant aux critères définissant la qualité de l’emploi. La satisfaction vis-à-vis du salaire, la sécurité au travail, la sûreté de l’emploi, le climat de travail, la formation et la conciliation entre vie professionnelle et vie privée sont ainsi pointés du doigt.
Les métiers «très en pénurie»
FINANCES Analystes, Auditeurs, Comptables, Gestionnaires de clients, Gestionnaires marchés financiers.
ARTISANAT Couvreurs, Zingueurs, Monteurs de panneaux photovoltaïques, Façadiers.
INGÉNIERIE Management et ingénierie, notamment dans le domaine de la production et en ce qui concerne le volet études, recherche et développement industriel.
INDUSTRIE Conduite d’équipement d’usinage, installation, exploitation et maintenance d’équipements industriels et électroniques.
SANTÉ Aides-soignants, Infirmiers, Psychologues, Psychanalystes, Psychothérapeutes.
SOCIAL Éducateurs, Assistants sociaux.
JUSTICE Avocats, Juristes, Fiscalistes.
RECHERCHE (e.a.) Astronomes, Biochimistes, Physiciens, Roboticiens.
INFORMATIQUE (e.a.) Administrateurs de bases de données, Architectes cloud, Développeurs, Analystes.