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[Natation] Julie Meynen : «Mentalement, je n’ai plus la force»


Julie Meynen a décidé qu’il était temps pour elle de changer de vie. 

À quelques semaines des championnats du monde de Melbourne, Julie Meynen raccroche. Une décision mûrement réfléchie. Et définitive.

Vendredi soir, une notification Instagram : Julie Meynen vient de poster un message. En ouvrant le post, une seule phrase : «You’ve been a dream». Et le morceau Heaven Takes You Home pour illustrer une succession de photos de la nageuse, depuis ses tout débuts dans les bras de son papa, en passant par le Swimming Luxembourg, des compétitions internationales, les JO de Rio et de Tokyo, son aventure de cinq ans à Auburn aux États-Unis ou encore des moments partagés avec ses compatriotes de l’équipe nationale.…Pas besoin d’être grand clerc ni bilingue pour comprendre : Julie Meynen fait ses adieux aux bassins.

Que s’est-il passé ? Dimanche dernier, alors qu’elle était en stage à Abbeville, elle a senti que c’était le moment : «J’ai réalisé que même si la situation était parfaite, que j’avais des filles à mes côtés pendant l’entraînement, avec des séances qui me conviennent. Même si tout fonctionnait à la perfection, mentalement ça ne passait plus. Et la natation n’est pas un sport que tu peux faire à 95 %.»

En effet, Julie Meynen n’en est plus à lutter pour participer à des JPEE voire des championnats d’Europe ou du monde. Son dernier gros objectif, c’était les JO. Et après avoir manqué ceux de Tokyo, où elle n’était que l’ombre d’elle-même, elle avait retrouvé une motivation en début d’année pour tenter de terminer en beauté, à Paris.

Mais même si elle a progressé, même si ses résultats lors des derniers championnats d’Europe à Rome sont corrects, ils étaient néanmoins à des années-lumière du niveau qui lui avait permis d’être tout simplement l’une des meilleures nageuses aux États-Unis, du temps où elle défendait les couleurs de la prestigieuse université d’Auburn :

«Pour les JO, il faut être à 100 % tous les jours. Et ce n’est pas que le corps qui doit l’être mais le mental aussi. Il y a des jours où tu es moins motivée. Des périodes où tu n’as pas envie. En natation, tu fais tes longueurs dans le but d’améliorer la technique. Ça fait mal. Il y a une douleur qu’il faut faire accepter à son cerveau. C’est très dur. Et quelque part, mentalement, je n’ai plus la force de faire ça.»

D’autant plus que depuis qu’elle est revenue au Luxembourg, il y a quelques mois, la jeune femme de 25 ans doit gagner sa vie : «J’ai trouvé un boulot qui me plaît. Je suis prof à l’école internationale de Mersch. Il aurait fallu jongler. Je nageais deux fois par jour, six fois par semaine. Sur le papier, c’est faisable. Mais je suis extrêmement fatiguée.»

Il faut dire que les conditions d’entraînement au pays n’ont rien à voir avec les facilités dont elle disposait de l’autre côté de l’Atlantique : «Ce n’est pas facile de s’entraîner toute seule. Aux États-Unis, on utilisait beaucoup de méthodes plus modernes, des équipements dont on ne dispose pas au Luxembourg. Et puis il y a des tas de petits trucs qui ne fonctionnent pas. Tout cela fait partie de la décision.»

Paris, c’était un rêve mais ça restera un rêve

Tout cela fait qu’il était pour elle très difficile d’envisager, comme elle en rêvait, d’une sortie par la grande porte sur la plus grande scène du monde : «Je ne suis pas du genre à me satisfaire de participer. J’ai toujours été compétitive. Le but, c’était d’aller à Paris et d’avoir les résultats que j’espérais à Tokyo. Mais j’ai toujours été réaliste. Cela fait depuis 2020 que j’ai du mal à reprendre. Et j’ai perdu la base, qui est un minimum d’entraînement, d’endurance et de qualité qui est nécessaire. Quand on prend deux ou trois semaines de vacances, on ne la perd pas. Mais maintenant cela fait pratiquement trois ans que je ne suis plus revenue à mon niveau. Pour revenir à cette base, il faut vraiment souffrir. Et je ne suis plus prête à le faire. Paris, c’était un rêve. Mais ça restera un rêve.»

Et d’ajouter : «À 25 ans, j’aspire à de nouvelles choses. Je n’ai plus envie d’être dépendante de mes parents. Et pour vivre seule, il faut payer ses factures.»

Julie Meynen a participé à ses tout derniers championnats nationaux l’été dernier, à la Coque. Photo : luis mangorrinha

Julie Meynen vient donc de tourner une immense page de sa vie. Elle qui était allée étudier à Auburn pour profiter des incroyables moyens des universités américaines rêvait de finale olympique. Aux mondiaux de Gwangjiu, elle avait battu ses records nationaux des 50 et 100 m nage libre et avait même terminé 12e sur 50 m crawl :

«Mon plus grand et beau souvenir.» Au printemps 2020, elle avait encore brillé lors des compétitions américaines les plus relevées. Honorée par son université comme la meilleure étudiante-athlète, tout semblait lui réussir. Et puis le covid est arrivé. Et tout s’est arrêté.

Même si elle a fait de son mieux pour trouver des solutions pour continuer de se maintenir en forme, la pause forcée de plusieurs mois lui aura été fatale. Après une cinquième année facultative à Auburn, où elle ne pouvait plus bénéficier d’une bourse et devait se débrouiller seule, elle décidera de revenir au Luxembourg.

Après un break de plusieurs mois, elle reprendra petit à petit goût à la natation en entraînant les jeunes à Ettelbruck. Elle décidera de se lancer un ultime défi sous la houlette de Christophe Audot. Mais dimanche dernier, elle a décidé de remiser pour de bon lunettes et maillot.

Les nageurs ont une vie très spéciale. Et pas vraiment très sociale. Maintenant, je vais commencer une vie d’adulte et j’ai hâte de découvrir un monde différent

Et de vivre la vie normale d’une jeune femme de 25 ans : «Pendant des années, ma vie c’était juste la natation. Maintenant, j’ai envie de m’ouvrir au monde, de voyager, de sortir. De faire des rencontres.» En gros, de profiter de la vie.

Julie Meynen tient à lever le voile sur la vie d’un nageur de très haut niveau : «Les gens ne voient que les résultats aux compétitions. Mais il faut savoir que la vraie natation, ce n’est pas que ça. Tous les jours, on s’entraîne beaucoup. On part en stage pendant les vacances, on a des séances de kiné, d’ostéo, de préparation mentale. Ce n’est pas uniquement les 4 heures par jour dans l’eau, mais c’est beaucoup plus.» Et d’ajouter : «Les nageurs ont une vie très spéciale. Et pas vraiment très sociale non plus. Maintenant, je vais commencer une vie d’adulte et j’ai hâte de découvrir un monde différent. Et de ne plus faire le trajet vers la Coque tous les jours sans réfléchir.»

Pour Julie Meynen, la natation de haut niveau, c’est donc fini. On ne la verra pas aux championnats du monde à Melbourne, pour lesquels elle est pourtant qualifiée ni même aux championnats d’hiver, qui se déroulent d’ailleurs au même moment : «Je serai sûrement dans les tribunes.»

Car elle entend bien faire profiter la jeune génération de son expérience : «J’aimerais bien faire bouger les choses. Peut-être arriver à implémenter de nouvelles idées, de nouvelles méthodes d’entraînement. Je pense qu’il y a beaucoup de changements à faire, d’améliorations à apporter pour que les prochains nageurs bénéficient de meilleures conditions. Pour que ce soit plus facile pour eux.»

Même si elle ne sait pas encore sous quelle forme pourrait s’effectuer ce soutien, quelque chose nous dit qu’on reverra un moment ou à un autre, Julie Meynen impliquée dans la vie de la natation luxembourgeoise.

Quand on lui demande de dresser le bilan d’une carrière qui est désormais derrière elle, la multiple recordwoman nationale se montre enthousiaste : «Je pense que j’ai fait une superbe carrière qu’aucune autre nageuse n’a faite au Luxembourg. Je suis super fière de moi. J’ai quand même fait une médaille aux championnats d’Europe juniors, j’ai terminé 12e aux championnats du monde, j’ai fait deux saisons d’ISL. À Auburn, j’étais une des meilleures nageuses aux États-Unis. Bien sûr, il manque la finale olympique dont je rêvais. Je pense que j’en étais capable. Maintenant, la pandémie est passée par là. La réalité, c’est que j’ai le niveau que j’ai aujourd’hui et que je ne peux rien y changer.»

La belle carrière de Julie Meynen l’a conduite à participer à deux JO. Photo : dr

Julie Meynen

25 ans (née le 15 août 1997)

12e des championnats du monde de Gwangjiu en 2019 sur 50 m nage libre

Championnats du monde : Gwangjiu-2019, Budapest-2017, Kazan-2015, Barcelone-2013

Championnats d’Europe : Rome-2022, Londres-2016

Jeux olympiques : Tokyo-2020 (26e sur 50 m nage libre, 32e sur 100 m nage libre), Rio-2016 (26e sur 50 m nage libre et 25e sur 100 m nage libre)

Étudiante-athlète de l’année 2020 aux Auburn Tigers (rookie de l’année en 2017), 11 médailles en SEC (South Eastern Conference)

Multiples médailles aux JPEE (Liechtenstein-2011, Luxembourg-2013, Islande-2015)

Participante aux JO de la Jeunesse à Nankin (4e sur 50 m nage libre et 6e sur 100 m nage libre)

Médaillée de bronze aux championnats d’Europe juniors à Poznan sur 100 m nage libre en 2013

Détentrice des records nationaux sur 50 m nage libre (24″78 en grand bain et 24″75 en petit bain), 100 m nage libre (54″44 en grand bain et 53″39 en petit bain), 50 m pap (27″66 en grand bain et 27″13 en petit bain), 100 m pap (1’00″90 en petit bain), 50 m brasse (31″95 en petit bain)

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