Première représentante du Luxembourg à l’Eurovision depuis 31 ans, Tali ne veut pas rester cantonnée à ce statut. Avec un concert prévu fin février à l’Atelier et un nouvel album, elle compte se montrer sous un nouveau jour. Rencontre.
Après sa treizième place obtenue en mai dernier à Malmö avec sa chanson Fighter, Tali, 24 ans, ne s’est pas arrêtée, décidée à s’affirmer en tant qu’artiste au-delà du cadre étouffant de l’Eurovision. Après une poignée de concerts au pays et une association avec l’OPL, elle compte reprendre la lumière cette année avec, dans un mois, un concert en son nom à l’Atelier, suivi d’un nouvel EP. L’occasion de faire le point sur ses envies et ses doutes, dans la foulée du Luxembourg Song Contest, où elle a passé le relais à Laura Thorn.
Samedi soir, vous étiez au LSC. Ça vous a fait quoi de retrouver cette scène, là où tout a commencé?
Tali Golergant : L’année qui vient de passer a été plutôt chaotique. Me retrouver là, à la Rockhal, un an après ma victoire au LSC, avait quelque chose de rassurant. Ça n’a pas toujours été le cas dernièrement, mais à ce moment précis, je me suis dit que j’étais au bon endroit, au bon moment.
Vous avez remis le prix à Laura Thorn. Qu’avez-vous pensé d’elle?
Je l’ai rencontrée la veille de la finale, comme tous les candidats. Elle avait quelque chose en plus, un charisme, une spontanéité. Auprès des autres, elle agit comme un aimant, et on est rapidement sous le charme.
Était-ce votre favorite?
De loin! Avant qu’elle ne monte sur scène, je lui ai même chuchoté à l’oreille : « t’as toutes les cartes en main, et tu vas gagner ». Elle m’a regardée d’un air étrange, puis quand on s’est revues pour la remise du trophée, elle m’a dit : « t’es une sorcière ou quoi? Comment tu savais? » (elle rit). Pour moi, elle était la mieux préparée, mentalement et artistiquement parlant.
Comment avez-vous été accueillie par les différents candidats?
Il y a ceux que je connaissais déjà : le groupe One Last Time, Rafa Ela et la sœur de Naomi, Carmen (de Rhythmic Soulwave). Chez les autres, il y avait une certaine timidité, une appréhension. J’étais celle qui avait fait l’Eurovision, alors que moi, j’étais là : « mais parlez-moi, je suis une fille comme les autres! ».
Justement, avant Malmö, vous disiez au Quotidien : « Je ne veux pas seulement être la fille de l’Eurovision ». Vous êtes deux maintenant… Cela vous soulage-t-il?
Totalement. D’abord, je suis heureuse pour Laura, car elle le mérite. Ensuite, je suis contente que les lumières se tournent maintenant vers elle, et si elles sont encore sur moi à l’avenir, ce sera pour quelque chose de nouveau. J’ai envie d’aller plus loin, de sortir de ce carcan qu’est l’Eurovision, de m’ouvrir à un autre public. Oui, ce passage de relais m’enlève un poids. C’est un chapitre qui se ferme, et un nouveau qui s’ouvre pour moi.
Quel a été votre message à Laura Thorn, qui sera à Bâle en mai?
De garder les pieds sur terre. L’Eurovision est un moment dingue, hors du temps. Les médias, le public… Tout le monde est fou! Il faut rester forte, lucide et maintenir l’équilibre.
Je m’accroche à mon rêve et continue de grimper
Avec du recul, comment avez-vous vécu cette expérience?
Je n’ai aucun regret, car l’Eurovision a changé ma vie. C’est vrai qu’il y a eu des choses négatives à Malmö : les questions d’ordre politique, la sécurité et la tension de tous les instants… Vivre cela, pour une jeune artiste, ce n’est pas un cadeau. Mais au-delà de ça, je suis fière de ce que j’ai accompli. Dans quelques années, je vais pouvoir montrer les vidéos à mes enfants et leur dire : « alors, elle n’est pas cool, votre maman? » (elle rit).
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Les gens vous reconnaissent-ils encore dans la rue?
Oui, et je ne m’y fais toujours pas. C’est bizarre… Mais au Luxembourg, il y a beaucoup de bienveillance : les gens ne sont pas là à vous attraper par la manche, à faire un selfie… Mais plutôt à vous glisser un message sympathique. C’est un pays parfait pour vivre sa célébrité!
Avez-vous beaucoup composé et joué ces derniers mois?
Comme jamais! J’ai multiplié les chansons, les unes après les autres. Au moins une vingtaine, et avec plein d’artistes différents comme Barbara Pravi, Mosimann… Du beau monde!
On vous a vue aussi aux côtés de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg, pour l’enregistrement d’une version orchestrale de Fighter. Racontez-nous cela.
C’est la meilleure expérience que j’aie connue, musicalement parlant. Il y avait même quelque chose de surréel, avec tous ces excellents musiciens derrière moi. C’était génial! D’ailleurs, cette année, on devrait à nouveau jouer ensemble.
Ce passage de relais m’enlève un poids
Vous passez beaucoup de temps au Luxembourg. New York vous manque-t-il?
Oui, évidemment, mais j’y retourne régulièrement. Après Malmö, j’ai eu du travail jusqu’en novembre. C’est l’avantage du Luxembourg : on peut rester tranquille dans sa bulle. Mais la ville de New York m’inspire. Artistiquement, c’est un autre monde! Et là-bas, je ne suis personne. Ça vous oblige à bosser plus dur.
Vous avez sorti la chanson Dear Parents il y a dix jours, et votre prochain EP devrait suivre fin mars-début avril. À quoi faut-il s’attendre?
Il y aura six chansons : trois ballades et trois morceaux plus entraînants. L’album parlera de plein de choses : de ma jeunesse passée dans différents pays, de voyages, de l’amour et de l’amitié, de ce qu’impose la vie d’artiste aussi.
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Peut-on alors parler de journal intime?
C’est cela! En six titres, je vais traverser toute ma vie, de mon enfance à l’après-Eurovision (elle rit). Sur le disque, il n’y a pas un seul mot qui ne me corresponde pas. Ils disent ce que je suis, ce que j’ai traversé… C’est une mise à nu sincère, intime. D’où aussi cette envie de jouer à l’Atelier : je voulais une proximité avec le public, lui raconter mon histoire, face à face.
À ce propos, l’Atelier parle d’un « cocktail de cultures ». C’est-à-dire?
Disons que cette expression me correspond bien. Sur l’EP, il y aura d’ailleurs un morceau sur lequel, durant le refrain, je parle en plusieurs langues, du genre « hello », « qué tal », « comment ça va »… La chanson s’appelle Je ne sais quoi, une expression américaine qui se moque gentiment des Français. Et c’est, par extension, un clin d’œil au Luxembourg, qui est également un grand brassage culturel.
Vous dites que votre prochain album combine les morceaux dynamiques et les titres tranquilles. Dans lesquels vous retrouvez-vous le plus?
Les deux! Mélanger les styles, c’est venu naturellement. Ça n’a pas été une démarche calculée, une vision marketing. Au final, cet EP va avoir des accents pop, des vibrations à la Billie Eilish. C’est une influence majeure pour moi.
Composez-vous justement avec ces influences en tête?
Pas consciemment. Mais le fait est que mes amis qui ont écouté l’album m’ont dit : « ça sonne comme du Billie Eilish ». Ça m’a un peu gênée et surprise, mais en même temps, elle est l’une des plus grandes artistes pop du moment. Ça me va bien!
Vous jouez à l’Atelier dans un mois. Est-ce une date plus importante que toutes les autres?
Oui, car c’est la première fois que je peux me montrer telle que je suis et chanter mes propres chansons. Objectivement, Fighter fait partie de moi, et cela continuera, mais je ne l’ai pas écrite. Là, j’ai un contrôle total sur tout ce que je veux faire. Personne n’est là à me dire ce que je dois faire ou pas.
Est-ce à voir comme un besoin d’affirmation?
C’est important de continuer d’avancer, un pas après l’autre. Il y a eu l’Eurovision, puis l’OPL, et maintenant l’Atelier. Bien sûr, il arrive que l’on chute, parfois brutalement. En tant qu’artiste, il faut savoir l’accepter. C’est pourquoi je m’accroche à mon rêve, et si le sommet est haut, je continue de grimper.
Allez-vous chanter Fighter à l’Atelier?
Oui, et j’aurai même une partenaire à mes côtés sur scène : Laura Thorn! C’est une manière de la mettre en avant avant qu’elle ne se jette dans le grand bain de l’Eurovision.
Y aura-t-il d’autres invités?
Disons qu’il y aura des surprises. D’ailleurs, actuellement, via les réseaux sociaux, j’organise avec mes deux labels (Bel Air et Jo & Co) une sorte de concours pour décider de celui ou celle qui fera ma première partie.
Comment voyez-vous l’avenir et, surtout, vous êtes-vous fixé un délai pour réussir?
J’ai fait mes recherches et, la plupart du temps, il est difficile de rebondir après l’Eurovision. Dans ce sens, je pourrais rester la fille d’une seule chanson, et ce, pour toujours. Il faut du temps pour s’affirmer, et je compte bien m’en donner. Mais selon moi, il est surtout crucial de rester fidèle à soi-même, et d’être fière de ce que l’on fait, que cela fonctionne ou pas. Après, j’aimerais par exemple faire une tournée en Europe, et pourquoi pas aux États-Unis.
Est-ce réalisable?
Tout est possible! Je n’ai jamais pensé pouvoir un jour chanter à l’Eurovision, et pourtant, je l’ai fait. Ça donne de l’espoir.
Le 28 février à 20 h.
Atelier – Luxembourg.