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Eurovision : dans l’ombre de Tali


Tali, entourée par ses danseurs et danseuses lors de l’annonce de sa qualification pour la finale, mardi soir.

Ils maquillent, coiffent, habillent, dansent, chantent… En un mot, ils sont indispensables à la jeune chanteuse durant cet Eurovision. Visite en coulisses.

  • COACHS VOCAL ET MENTAL 

Elles ne se quittent plus d’une semelle et quand on tombe sur l’une d’elles dans les recoins de l’Arena, l’autre n’est jamais bien loin. «On forme une équipe !», lâche dans un rire léger et un accent rocailleux l’Écossaise Francesca Aaen qui, dans un réflexe, cherche le regard de sa partenaire, la Danoise Susanna Georgi, comme pour avoir son approbation. Leurs origines diverses trouvent un enracinement commun à Andorre, au cœur des Stars Studios. Car elles aussi ont du talent, à l’instar de ceux qu’elles encadrent : donner à la voix et au corps suffisamment de puissance et de stabilité pour affronter les exigences de l’industrie musicale. Sans oublier la tête, qui, elle aussi, doit tourner rond. C’est la première surtout qui s’occupe de ce point délicat, forte de ses études en psychologie.

Elle explique : «Vous pouvez savoir chanter, danser et imaginer que vous avez la situation sous contrôle, mais d’un coup, vous vous retrouvez devant des milliers de gens. Votre cœur s’emballe, et tout se complexifie». Pour éviter cela, le duo a ses méthodes : d’abord, donner à leurs poulains les capacités de gérer leurs cordes vocales et leur chorégraphie, choses qu’elles ont déjà faites à Luxembourg lors du Song Contest où elles s’occupaient des huit candidats simultanément. «Tout le monde aurait pu l’emporter», lâche Susanna Georgi, qui a participé à l’Eurovision pour la principauté d’Andorre en 2009 (sans accéder à la finale). Francesca Aaen poursuit : «C’était triste de voir sept d’entre eux quitter l’aventure. Mais ce sont les dures lois de la compétition».

Depuis trois mois avec la vainqueure Tali (et deux avec ses danseurs), le tandem s’est focalisé sur «la gestion du stress» de toute l’équipe, et «la respiration» de la chanteuse, leur plus gros travail avec elle. «On a fait notamment un exercice cardiovasculaire : elle devait courir tout en chantant!», explique Susanna Georgi. Francesca Aaen, elle aussi, préfère la course de fond au sprint. «Ce genre de compétition est intense! Il faut aborder plusieurs paramètres : comment anticiper les problèmes, gérer la nervosité, la charge de travail, les sollicitations, l’énergie…» Et bien sûr, «prendre soin de soi», avec de précieux conseils sur l’alimentation et le sommeil. Au bout, réussir sa performance, finalité de ce long processus.

Susanna Georgi, habituée à l’exercice, précise : «Le plus souvent, les gens pensent qu’il faut juste monter sur scène et chanter. Mais c’est un exercice plus compliqué que ça, car il tient de l’émotion». Outre les détails techniques (gérer les caméras, les lumières…), il faut se lâcher sans que rien ne coince. D’où encore cette approche psychologique préparatoire : «Quand on chante, tout ressort! Et tout le monde à des démons à libérer, des secrets à confier… Si je vous prends une heure à une séance de chant, vous allez ressortir en pleurant!», conclut-elle. Mais le moment est plutôt aux rires puisque quelques heures après, Tali allait se qualifier pour la finale de l’Eurovision. Un succès, promettent-elles dans une évidence, qu’elles fêteront ensemble.

  • DANSE ET CHORÉGRAPHIE

Voilà deux autres inséparables, que l’on retrouve régulièrement aux  cotés d’Edsun. L’un vient de Bettembourg et l’autre de Gasperich. Deux enfants du pays qui, aujourd’hui, le représente à Malmö.  «J’ai de grands fans de l’Eurovision dans ma famille, précise le chorégraphe Randy Rocha, qui était dans l’équipe de Stromae en 2002 pour son retour. D’ailleurs, ma mère doit déjà être devant la télévision», se marre-t-il. En effet, moins de trois heures plus tard, ils étaient dans l’immense Arena pour amener Tali en finale. Pourtant, pas le moindre stress à l’horizon. Pour tout argument, le danseur Kevin Simoes Loureiro égraine le nombre de répétitions réalisées sur place, sans compter toutes celles faites en amont au Luxembourg. «Une bonne dizaine, et la dernière était de loin la meilleure», dit-il, soulagé.

Randy Rocha prend le relais : «On a longtemps stressé en se disant « le grand moment » va arriver, mais on a tellement répété, que là, on se dit plutôt « on est prêts ». On pourrait même grimper sur la scène maintenant!». Forcément, la chanson Fighter les suit depuis quelques semaines maintenant, et parfois les anime dès le réveil. Quant à la chorégraphie, elle surgit à des moments inattendus : «Il arrive que l’on se balade, et d’un coup, elle s’enclenche. Nos pas épousent alors ceux que l’on fait durant le show!». Kevin Simoes Loureiro confirme la symbiose : «Ça arrive souvent, car on passe des journées complètes à bosser. Bon, c’est un peu la routine : c’était déjà le cas avant l’Eurovision, et ce le sera après».

Attention, prévient toutefois Randy Rocha, danser n’est pas qu’un geste naturel. Dans une telle performance, chaque détail, même le plus insignifiant, compte : «Le moindre mouvement doit être maîtrisé, comme la position des mains, des doigts… Sur scène, il faut aussi connaître où l’on se situe, rester concentré, jouer avec les caméras, et ne succomber à aucune distraction». Sous les lumières et au cœur de la fumée, il est en effet aisé de faire une erreur. «Ce sont des choses que le public ne voit pas, mais nous, on le sait!», témoigne Kevin Simoes Loureiro, satisfait d’être là, en Suède, parmi d’autres danseurs, d’autres artistes, d’autres cultures. «L’Eurovision vous donne de l’exposition et des opportunités.» D’ailleurs, reconnaît Randy Rocha, «quelqu’un m’a déjà demandé si je voulais partir en tournée». Avant cela, il faudra assurer samedi. Réclamés par RTL, ils partent en esquissant un pas de danse. C’est bien parti.

  • MAQUILLAGE

Quand il se balade avec sa trousse, portée en bandoulière, toutes les filles se retournent sur son passage, jalouse du trésor. Dedans, en effet, tout un assortiment de pinceaux, de produits et de lotions. Luca De Michele est maquilleur et coiffeur avec, inscrit sur son CV, des participations à la Fashion Week de Paris et celle de New York. Une fois par semaine dans les coulisses de RTL, on l’a déjà vu, lui aussi, du côté du LSC et de la Rockhal avec une équipe de maquilleuses pour s’atteler au teint des huit candidats. C’est lui qui a imaginé le look de Tali avec cet eyeliner «fort et dramatique», collant bien avec le style tout en cuir de la chanteuse. À preuve, de nombreuses réactions positives sur YouTube. Une première pour lui comme cette participation à l’Eurovision, son graal. «J’ai mis dix ans pour me former, être à ce niveau et arriver ici», dit-il.

Mieux, le concours de la chanson a été un véritable déclencheur : «C’est lui qui m’a ouvert sur la créativité. Au départ, je n’osais pas. Je pensais que ce qui était joli, c’était ce qui était naturel. Je me trompais». Devant sa télévision, il fait alors des arrêts sur image, regarde «les couleurs», s’inspire d’un rendez-vous qui n’a pas peur des audaces. Par contre, sur place et en vrai, le directeur créatif le prive de sa «créativité». On lui dicte ce qu’il doit faire et les contraintes l’étonnent, particulièrement une : «Garder tout au naturel, avec cet effet mouillé sur la peau, transpirant». Tout l’inverse de ce qu’il a appris à l’école, où la peau «doit être mate» pour éviter «la brillance». Malgré tout, il considère cela comme réussi : «Ça montre bien son authenticité. Car elle est comme ça, très simple».

Au point qu’avec Tali, qu’il suit avec sa lumière de poche pour les retouches de dernière minute, une «amitié est née». «J’ai fait la connaissance de ses amis. On parle de tout, un peu comme chez le coiffeur, mais en plus poussé» (il rit). Lui qui n’a que deux frères trouve en elle «la sœur» qu’il n’a jamais eue. Et qu’il peut maquiller. Malgré un coup de panique avec l’équipe de Slimane lors du Turquoise Carpet en début d’Eurovision, il se verrait bien, à l’avenir, «accompagner une star, faire des retouches dans le bus…». Sa seule aversion ? Travailler pour le cinéma et la science-fiction. «Je ne suis pas à l’aise avec les effets spéciaux. Surtout, je n’arrive pas à faire des choses dégueulasses.» Le message est passé.

  • DIRECTEUR CRÉATIF

Cheveux d’un blond peroxydé et épaisses lunettes, German Nenov ne parle qu’ukrainien mais dispose d’un interprète qui le suit partout. Comme sa réputation d’ailleurs : il était de l’Eurovision à Liverpool en 2023 en tant que créateur artistique et a obtenu un BAFTA la semaine dernière pour ce travail avec la BBC. C’est l’équipe de RTL, par l’entremise d’Eric Lehmann, qui le contacte car «l’Ukraine est le seul pays qui se qualifie chaque année et qui propose des tableaux mémorables». Après cette folle expérience, s’occuper uniquement de Tali et de son équipe est presque reposant : «Avec un tel calendrier, un tel timing, chaque seconde est un bonheur!».

S’il apprécie particulièrement les scénographies proposées cette année par la Suisse, la Grande-Bretagne et l’Ukraine – «soutien de cœur» –, celle qu’il a imaginée pour le Luxembourg tient à ces félins, qui, numériquement, investissent la scène. «La combattante de la chanson est une rêveuse, et si vous voulez atteindre vos rêves, il faut bouger aussi vite que le jaguar.» Mais alors, pourquoi pas le lion, symbole du Grand-Duché ? «Il ne sera jamais aussi rapide et agressif que lui.» Voilà pour l’explication. Il termine la rapide entrevue en remerciant «l’appui et l’hospitalité» du Luxembourg tandis que chez lui, les bombes pleuvent. «Il est important en ces temps terribles de tisser des ponts entre les pays, les cultures et les artistes». Et d’apporter «une image de paix sur la scène de l’Eurovision». Promis, les fauves sauront se tenir.

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