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[Musique] L’opéra prend un coup de jeune à Luxembourg


Entre la chasse aux Pokémon et celle prochaine des œufs de Pâques s’incruste un nouveau concept : partir à la recherche d’opéras célèbres dans la vieille ville. À vos smartphones !

Qui n’est jamais tombé sur quelqu’un, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone, cherchant une ou plusieurs petites bêtes invisibles à l’œil nu? Pikachu et les Pokémon ont eu le vent en poupe il y a quelques années de ça grâce au développement de la réalité augmentée, processus intégrant des éléments virtuels en 3D au sein d’un environnement pour le coup bien réel. Selon les confidences d’Anne Simon, même son père a succombé à l’éphémère mode, mais il n’a pas accroché au récent concept développé par sa fille, simplement car «il n’aime pas l’opéra». Ce qui ne l’a pas empêchée, début mars, de lancer ce projet qu’elle porte depuis deux ans en compagnie du compositeur et violoncelliste new-yorkais Anthime Miller (avec lequel elle a collaboré sur Richard II en 2022).

Voilà donc «Opera GO», animé par une idée assez simple : faire tomber l’opéra de son piédestal, le rendre accessible, ludique, et tant qu’à faire, le sortir du lieu «hermétique» qu’est le théâtre pour l’amener dans la rue comme à l’époque de l’Antiquité où, précise-t-elle, «les dramaturges inscrivaient le public dans l’architecture de leurs pièces». Pour ce faire, elle qui s’était déjà attaquée par le passé à décloisonner la discipline avec Tout le monde t’écoute! (en 2011, sur un libretto de Nico Helminger) a choisi la nouvelle technologie, «plus pop et plus démocratique». Ainsi, grâce à elle, les musiciens et artistes lyriques ne sont plus sur scène, «inaccessibles», mais «dans votre salon, votre bar préféré ou le parc de votre quartier». Voire un peu partout en même temps.

Voix de proximité

D’abord, quelques précisions concrètes s’imposent : «Opera GO» a bénéficié du soutien financier du Film Fund et des compétences techniques de Kreativ Stuff. Musicalement, c’est aussi du sérieux avec la participation de l’Ensemble Lucilin, toujours partant pour «essayer quelque chose de différent» et tisser une «passerelle» vers une musique dite plus pointue. Avec le baryton Jean Bermes et la soprano Marie-Christiane Nishimwe, ils ont concocté des versions courtes (de cinq à dix minutes environ) autour de six œuvres patrimoniales, forcément «populaires» : LOrfeo (Monteverdi), Didon et Énée (Purcell), Les Indes galantes (Rameau), Don Juan (Mozart), Le Barbier de Séville (Rossini) et La Walkyrie (Wagner). Autant d’enregistrements qui accompagnent les différentes stations du jeu de piste, éparpillées dans la vieille ville.

D’habitude, en opéra, ça ne se passe pas comme ça!

Mais avant de se lancer sur la trace de ces trésors, smartphone en main et casque sur les oreilles, il faut au préalable assister à une mise en scène (ou plutôt mise en contexte) au Gudde Wëllen, qui offre, entre deux bières, une histoire inspirée de deux opéras : La Flûte enchantée de Mozart et Le Songe d’une nuit d’été d’Ambroise Thomas. Un «mix» où il est question de Falstaff, de Shakespeare, d’une longue nuit d’ivresse et d’une reine qui se met en colère car ses deux sujets, complètement saouls, ont laissé échapper «par la fenêtre» de fameux airs d’opéra. Sur scène, dans une «proximité peu commune», les deux chanteurs et une femme-accordéon, Nataša Grujović. «C’est fascinant et rare de voir et d’entendre d’aussi près ces voix», soutient Anne Simon.

Labyrinthe virtuel

Une fois ce démarrage concret, place à l’aventure numérique, ou comme elle le définit, «une exploration féérique» qui s’amuse de l’architecture au cœur de six lieux, à l’instar de la Chambre des députés, du palais de justice ou encore la place de Clairefontaine. Aux différents endroits, les participants doivent, le long d’un trajet d’environ deux kilomètres et comme «dans un jeu vidéo», libérer Eurydice des Enfers, remettre dans l’ordre un air éparpillé ou encore démêler des couches d’instruments. Au détour d’une rue, il faut aussi passer par un labyrinthe virtuel ou plus loin, une forêt magique se présente une fois qu’on a tapé le bon rythme. «Il faut trouver la logique!», s’enthousiasme la metteuse en scène. Au bout des épreuves, un retour au Gudde Wëllen sous une pluie de confettis, une médaille bien méritée et des câlins, comme celui donné par un spectateur à la soprano. «D’habitude, en opéra, ça ne se passe pas comme ça!», se marre Anne Simon.

Pour elle, après trois premières représentations et de rares bugs techniques, «corrigés» depuis, «Opera GO» cumule les bienfaits : il permet de (re)découvrir la Ville de Luxembourg différemment et de se familiariser, sans trop d’effort, avec l’art lyrique. Plus surprenant, il favorise aussi l’échange. «J’ai entendu dire : « Encore un projet où la technologie prend le dessus« . Mais finalement, il crée beaucoup de connexions, de collaborations.» La raison tient à un dualisme évident : «Les plus vieux connaissent les opéras, et les jeunes la nouvelle technologie!» (elle rit). En solo, entre amis ou en famille, et peut-être prochainement dans un format scolaire (sans la partie live qui, à long terme, «coûte la plus chère»), l’idée pourrait faire son chemin dans la foulée des «soundwalks», tant prisés durant Esch 2022. Pikachu, «prends garde à toi».

«Opera GO»
Samedi et dimanche à 15 h et 17 h.
Les 10, 11 et 12 avril à 18 h 30.
Départ : De Gudde Wëllen.
Réservations : anne@volleksbuehn.lu

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