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[Musique] Avec ID:entity, Arthur Possing la joue solo


Avec ID:entity, Arthur Possing raconte les histoires et les musiques qui l’ont construit jusqu’à aujourd’hui. (Photo : Eric Engel)

Connu pour son quartette dont il loue régulièrement le talent, le pianiste luxembourgeois Arthur Possing fait un pas de côté et sort son premier album solo. Confidences.

Considéré comme l’un des pianistes jazz les plus prometteurs de sa génération, Arthur Possing, 27 ans, n’est pourtant pas du genre à tirer la couverture à lui. Malgré ses régulières escapades en solo, comme celle, mémorable, à Prague en 2021, il met régulièrement en avant son quartette, talentueux collectif aux multiples influences qui fêtera ses dix ans l’année prochaine, auréolé de deux albums de belle tenue (Four Years et Natural Flow), et dans lequel il aime se fondre. Mais chez lui, le naturel revenant vite au galop et l’idée d’un premier album en son nom s’est imposée, malgré la délicatesse de l’exercice. Voilà donc le bien nommé ID:entity.

Enregistré en novembre à Amsterdam sous la bienveillance du réputé Vincent De Bast et hébergé par les labels Double Moon et Challenge Records, le disque offre une mosaïque variée, riche en textures, de treize morceaux et interludes à la fois courts, simples et mélodiques, répartis entre compositions, reprises et improvisations. Une manière pour Arthur Possing de raconter les histoires et les musiques qui l’ont construit jusqu’à aujourd’hui. De Sting à Chico Buarque en passant par l’ennui de l’auditeur et le bien-être de l’introspection, le jeune musicien n’élude rien.

Il y a deux ans, à l’occasion de la sortie de Natural Flow, vous louiez l’importance du collectif. C’est en solo que l’on vous retrouve aujourd’hui avec ID:entity. Pourquoi ce revirement?

Arthur Possing : Ça peut paraître en effet paradoxal, mais cela tient aux concerts que j’ai pu donner en solo ces deux dernières années. On se doit alors de préparer un programme, créer un répertoire. Je me suis dit que, tant qu’à faire, je pourrai alors changer d’esthétique, célébrer les influences et les musiciens qui m’ont construit. D’où ce titre. Cet album, c’est une sorte de mélange, une combinaison originale. Finalement, c’est un peu ce que je suis.

Il est en effet plus personnel que les précédents…

Oui. On n’est pas loin de la démarche des singerssongwriters, ces chansonniers qui prennent la guitare pour s’adresser directement au public. D’une certaine façon, ici, je raconte aussi de petites histoires. Sauf que c’est le piano qui s’exprime à ma place.

Votre label parle de cet exercice en solo comme d’un « risque ». Qu’en pensez-vous? 

En tant que pianiste, le solo est un geste important, pour lequel on a beaucoup de respect. Il n’est jamais à prendre à la légère. Dans ce sens, on se demande toujours si c’est vraiment nécessaire, si ça va apporter quelque chose de plus. Mais moi, je suis plutôt du genre à me lancer, à être dans l’instant, sans me demander si c’est trop tôt ou trop tard. J’avais des compositions qui fonctionnaient bien pour le piano, alors je l’ai fait. À mes yeux, ça fait sens, quel que soit mon âge.

Vous préférez d’ailleurs le terme « introspection ». Pouvez-vous nous en dire un peu plus? 

J’aime ce mot. À mes yeux, il symbolise un voyage intérieur, à la fois musical et humain. Ça ramène notamment à tous ces instants où l’on se retrouve seul avec son instrument, des premières notes que l’on joue à ces moments où, plus à l’aise, l’on s’évade avec lui, l’on crée, l’on s’enferme sans que plus rien vous touche, l’on invente son propre monde. C’est aussi pour cela que l’on fait de la musique.

Montrer que je sais jouer vite, que je connais tel ou tel accord, ça n’a pas de sens!

Dans ce sens, être seul, est-ce une forme de retour aux sources?

En quelque sorte. On a tous débuté par ça. Après, on est toujours confrontés à cette solitude. Même quand on joue avec d’autres, on reste seul derrière son instrument.

Avez-vous toutefois consulté vos camarades de jeu du quartette pour la réalisation d’ID:entity?

On ne se détache pas si facilement d’un collectif que l’on fréquente depuis dix ans (il rit). Alors oui, je les ai questionnés sur mes choix, je leur ai montré mes compositions, fait entendre les mix… L’avis d’amis de longue date compte! C’est d’autant plus nécessaire quand on passe beaucoup de temps isolé : les regards extérieurs deviennent très importants. Mais ils ne sont pas les seuls : je me suis aussi appuyé sur le pianiste Éric Legnini. Pas seulement parce que je reprends l’un de ses morceaux. J’avais aussi besoin d’avoir son ressenti, notamment pour Beatriz, un classique de la musique pop brésilienne qui se joue dans plusieurs tonalités.

Par rapport à votre pratique de cette dernière décennie, est-ce étonnant de s’entendre en solo sur un disque?

Ça fait toujours bizarre de s’entendre! Mais pas tant que ça pour être honnête. C’est vrai que là, on entend directement toutes les choses que l’on a planifiées. Le piano ne trompe pas… Mais tout ça dépend aussi des conditions de l’enregistrement. Et quand on a quelqu’un comme Vincent De Bast à ses côtés, l’ingénieur derrière tous les albums jazz de Belgique, ça aide! C’est comme avoir un producteur derrière soi : on va à l’essentiel, sans distraction et sans se soucier des à-côtés. Alors, si les premières versions que l’on découvre dans la régie sonnent déjà comme il faut, on est plus à l’aise. Et au fil des années, notre oreille apprend aussi à relativiser (il rit).

Pour ce disque, vous vous êtes imposé des règles : des titres courts, simples et mélodiques. Pourquoi?

J’ai évité les longues introductions et d’abuser des solos pour me concentrer sur l’essentiel : les thèmes. Que l’auditeur soit amené directement à l’idée, à la mélodie principale. Garder ce format de chansons, pas trop long, ça permettait aussi d’en mettre plus, tout en évitant de trop s’étaler. Une fois que le message est transmis, on peut passer à autre chose! Et puis, avec les interludes improvisés, instantanés, je trouve un équilibre, un entre-deux. C’est un mélange qui me va bien.

C’est en effet un album diversifié, avec différentes textures. L’ennui de l’auditeur, ça vous effraye? 

(Il rit) Le terme est un peu fort, mais oui! Ce n’est pas obsessionnel, même si j’y prends garde. C’est aussi le cas en quartette, où l’on fait attention à proposer une variété de sons, qui dans le meilleur des cas, offrent un voyage à l’auditeur. Ici, en solo, l’erreur aurait été de proposer juste des ballades ou des chansons qui courent sur dix minutes. Il fallait des hauts, des bas, des nuances et du relief. Le tout abordé avec énergie, dynamisme.

Cet album, c’est un peu ce que je suis

Avec ses reprises, ses interludes et ses compositions propres, ID:entity peut-il être vu comme une démonstration de toute votre palette pianistique?

Oui, même si ce n’est pas l’objectif. Montrer que je sais jouer vite, que je connais tel ou tel accord, ça n’a pas de sens! D’ailleurs, on est toujours en évolution, en recherche. Mais effectivement, ça peut être vu comme un bilan, malgré mon jeune âge. Cet album représente la manière dont je joue maintenant, qui ne correspond plus à celle de mes débuts.

Outre une reprise du duo Chico Buarque-Edu Lobo et une autre d’Éric Legnini, vous réinterprétez deux chansons de Sting (Seven Days et Fields of Gold). Un choix étonnant, non? 

Pour moi, c’était une évidence! Sting, par sa voix unique et sa musique, m’a touché tout de suite. Il m’a toujours fasciné pour ces capacités à créer des morceaux d’apparence simple, mais aux aspects asymétriques que personne ne remarque immédiatement parce que ça groove. Il n’a jamais eu peur d’oser. Par exemple, Seven Days est un titre en cinq temps, mais on ne s’en rend pas compte. Moi aussi, je me suis fait avoir! Et quand on entend la mélodie d’Englishman in New York, ce ne sont pas les harmonies que l’on est habitué à entendre dans la pop.

Votre label parle d’un « premier jalon » que vous posez avec ID:entity. Quels vont être les suivants? 

On est déjà en train de composer avec le quartette et on va faire quelques concerts, dont un l’année prochaine qui célébrera nos dix ans. Parmi les invités, il y aura notamment un guitariste malgache que j’ai rencontré à Bruxelles. Comme Jimi Hendrix, il tient son instrument à l’envers et joue magnifiquement bien. J’aime cette approche « world », bien que le terme soit très réducteur. Mais c’est peut-être un bon sillon à creuser… Je vais aussi revoir Éric Legnini pour un duo à la Philharmonie. Des retrouvailles entre amis…

Et en solo?

J’ai quelques morceaux non exploités. Mais un second disque en solo n’est pas pour demain. Il est quelque part, très loin dans ma tête.

ID:entity, d’Arthur Possing. Sortie vendredi 25 août. En concert le 21 septembre à Neimënster (Luxembourg).

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