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Mode : «Des créations qui ne viennent pas de Chine, mais d’Esch»


Joe avec l’une de ses cinq machines à coudre et sa boîte de pizza, le carton de sa collection «Underrated overdressed» présentée lors de la SneakerXmess. (photos M. K.)

Lors de la SneakerXmess, samedi, un Eschois a présenté sa première collection de vêtements customisés, réalisée chez lui, sur son temps libre.

Dans l’univers de la mode et de sa production aussi effrénée que démesurée, Joe est un artisan local. Présent samedi lors de la SneakerXmess, la version réduite de la traditionnelle Sneakermess à Luxexpo, son stand détonne parmi ceux qui occupent le garage BMW Muzzolini. Par le profil déjà, puisque, à 38 ans, il a presque deux fois l’âge de la majorité des exposants ce jour-là. Mais c’est surtout par ses créations qu’il se distingue.

Loin de proposer des paires aussi vite tendance que démodées, Joe vend principalement des vêtements qu’il recoud lui-même, pour y ajouter des bouts de tissu ou des matériaux récupérés sur des objets de luxe abîmés, comme des écharpes, des sacs, des ceintures.

«Par exemple, j’ai récupéré un sac de haute couture dont la moitié avait brûlé dans un incendie afin de découper la partie propre pour la réutiliser», explique-t-il. Cette activité originale, qu’il mène en plus de son travail de chauffeur de bus, fait de lui «l’un des seuls du Luxembourg» à proposer des vêtements uniques, comme un jean Levi’s avec des patchs de la marque Off-White ou un t-shirt Carhartt avec une poche en tissu Gucci.

Couturier grâce aux tutoriels YouTube

Malgré les apparences et le travail minutieux sur chaque pièce, «entre 10 et 20 heures en moyenne», l’Eschois ne dispose d’aucune formation de couturier, mais connaît déjà le milieu du streetwear lorsqu’il se lance dans la couture en 2016. «Il y a vingt ans, j’ai commencé à customiser et à dessiner sur des sneakers pour des copains», se remémore ce passionné de basket, de culture américaine et de chaussures.

Au fil des mois, les copains qui commandent des paires personnalisées laissent place à des premiers clients et l’activité, commencée dans sa chambre chez ses parents, trouve son public : «J’avais parfois jusqu’à 20 paires en attente.» Pourtant, Joe se lasse du custom après une douzaine d’années et décide de devenir couturier. Le déclic : «J’ai vu un maillot de basket customisé, avec des lettres en cuir de serpent, que j’ai bien aimé, mais il était à 1 200 euros, donc j’ai voulu faire le mien», raconte-t-il, amusé.

La SneakerXmess, la version réduite de la traditionnelle Sneakermess à Luxexpo, a eu lieu au garage BMW Muzzolini à Esch-sur-Alzette. Photos : claude lenert

Aussi créatif que curieux, il se lance alors dans un monde dont il ignore tout : la couture. Il décide de se tourner vers une amie afin qu’elle confectionne un maillot de basket customisé qu’il a imaginé. «Sauf qu’elle m’a dit : « Non, ta mère a une machine à la maison, prends-la et je vais te montrer les bases.» Donc, j’ai commencé comme ça, puis la suite, c’étaient les tutos YouTube.»

Lancé en autodidacte, Joe, alias jo_ro_lo sur Instagram, apprend seul pendant des mois avant de confectionner sa première pièce vendable. À partir de cette vente, la machine est lancée. Six ans plus tard, sa deuxième chambre, chez lui, à Esch, se transforme en atelier, d’où proviennent une trentaine de pièces qu’il a présentées pour la première fois sous la forme d’une collection lors de la SneakerXmess. Des étiquettes au logo, en passant par le conditionnement en carton de pizza, tout est fait maison et seul. «Je plaisante en disant que c’est un one man show.»

«Je ne vais pas devenir le futur Karl Lagerfeld»

«Même si je vends quelques pièces, je garde les pieds sur terre, prévient Joe. Je sais que je ne vais pas devenir le futur Karl Lagerfeld, j’ai plus vingt ans.» Afin d’assurer sa stabilité financière, il ne lâchera donc pas son métier de chauffeur de bus. «Faire 30 pièces uniques en un mois à la place d’être chauffeur de bus, c’est impossible.»

Face à la pesanteur de la routine et du travail, il trouve son équilibre via la couture, qui le passionne et lui permet de se vider la tête : «J’ai besoin d’être créatif, et si je n’ai pas le temps d’être dans mon atelier, je ne suis pas de bonne humeur.» Il insiste : «J’ai besoin de faire quelque chose qui n’est peut-être pas pour mon âge, mais c’est mon plaisir.» Un plaisir qu’il prend tout de même au sérieux, en mettant un point d’honneur à ne pas utiliser des vêtements issus de la fast fashion. «C’est comme le tuning : on ne le fait pas sur n’importe quelle voiture.»

Inspiré par des créateurs tels que Virgil Abloh, l’ancien directeur artistique de Louis Vuitton, décédé en 2021, le couturier luxembourgeois souhaite proposer des vêtements dignes d’une véritable collaboration entre deux marques. «Même si, avec cinq machines à coudre, je n’ai pas la qualité de production d’une vraie marque, au moins, ce sont des créations qui ne viennent pas de Chine, mais d’Esch, de mon atelier.»

Des pièces rares aux plus classiques, il y en avait pour tous les goûts lors du rendez-vous.

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