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Mendicité : règlement de comptes 


Pour l'ASBL, les pauvres et sans-abris seront les premières victimes du "Platzverweis renforcé"(Photo archives lq/julien garroy)

Le débat à la Chambre des députés sur la mendicité a donné lieu à un règlement de comptes entre majorité et opposition et a occulté le sujet principal : quelle alternative pour les mendiants ?

Le débat est prometteur, mais tourne vite au vinaigre. Pourtant, les socialistes qui avaient demandé ce débat concernant l’interdiction de la mendicité introduite par la Ville de Luxembourg, s’attendaient à ce que les députés et le ministre Gloden discutent des «solutions accessoires et alternatives à développer et mettre en œuvre», comme le stipulait leur demande. Tout le monde est passé à côté du sujet et la discussion a été consacrée à des considérations juridiques et à un règlement de comptes entre l’actuelle majorité et l’opposition socialiste et verte.

Taina Bofferding (LSAP) précise d’emblée qu’il lui importe de savoir ce que vont devenir ces mendiants. «Ils ne vont pas disparaître du paysage, ils vont juste se déplacer», prévient-elle en insistant sur le fait que l’on ne peut pas purement et simplement s’en débarrasser par un règlement communal.  «Quelle est la stratégie ensuite?», demande-t-elle. Aucune réponse à cette question. Du moins, il a fallu attendre la toute fin de cette heure d’actualité pour entendre parler du housing first, solution que préconise le gouvernement et en particulier la Ville de Luxembourg.

C’est Laurent Mosar (CSV), qui jette de l’huile sur le feu en accusant les socialistes d’avoir eux-mêmes introduit l’interdiction de mendicité dans les communes qu’ils dirigeaient comme Diekirch ou codirigeaient comme Ettelbruck. Même Dudelange avait voté un règlement identique avant de faire marche arrière cette année sur recommandation de Taina Bofferding, ancienne ministre de l’Intérieur, après l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

La bataille s’est focalisée sur le fait que le ministre Léon Gloden, comme la députée-maire de Luxembourg, Lydie Polfer, affirment que la mendicité simple n’est pas visée par le règlement, mais seule la mendicité organisée. Les députés de l’opposition lisent bien dans le texte que «toute forme de mendicité est interdite». L’opposition s’interroge sur les moyens qu’ont les policiers pour faire la différence et fustige le fait que les victimes de ces bandes organisées soient pénalisées.

Le ministre Léon Gloden explique avoir fait son travail, celui de contrôler la légalité des règlements communaux. Pour lui, la base légale est bien un décret datant de 1789, en admettant qu’il soit quelque peu poussiéreux et à réactualiser.

De son côté, Lydie Polfer défend son texte bec et ongles. «Depuis mars 2023, on a des réunions avec la justice et la police pour dire que la situation n’est plus tenable», rappelle-t-elle pour justifier cette interdiction générale de la mendicité. «C’est parce que rien n’a été entrepris pour lutter contre la mendicité organisée et agressive que nous avons voté ce texte, mais il ne vise pas la mendicité simple», précise-t-elle, déclenchant les rires de l’opposition qui ne lisent pas la même chose. La police a pourtant dressé 120 procès-verbaux en la matière mais aucune suite n’a été donnée, sauf dans un cas, illustre la députée-maire de la capitale.

Excédé par cet échange qui tourne autour de questions juridiques et d’énoncés vagues, le député ADR Fernand Kartheiser conseille aux dirigeants communaux et au gouvernement de s’occuper des pauvres. «Vous n’avez pas construit un seul foyer pendant les dix ans où vous étiez au gouvernement», reproche-t-il à ceux qui étaient aux affaires.

Un record pour Léon Gloden

Comme cela a été dit et répété, «ce n’est pas à la justice d’interpréter la volonté du législateur», selon Lydie Polfer qui fait référence à une jurisprudence du tribunal de Diekirch qui avait relevé une incohérence dans la loi de 2008 due à un cafouillage d’articles à supprimer ou à considérer comme tel. Le législateur n’aurait donc jamais interdit la mendicité selon les uns, mais finalement si, selon les autres.

«Votre interdiction honteuse ne règle pas le problème de la pauvreté et cela m‘est égal que ça se passe à Luxembourg, à Ettelbruck ou à Diekirch», s’énerve le député déi Lénk Marc Baum.  Il rappelle qu’il s’agit ici de gens dans l’extrême pauvreté et précarité et il serait temps de punir les auteurs de traites des êtres humains plutôt que les victimes.

Le règlement de comptes en règle entre majorité et opposition donne encore lieu à des prises de parole interminables pour «faits personnels».

La députée écolo et ancienne ministre de la Justice, Sam Tanson, relève d’ailleurs que pour sa première intervention en tant que ministre, Léon Gloden bat tous les records en la matière.