Mandy Minella, toute jeune retraitée, revient sur son très joli parcours.
Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous, deux jours après avoir joué votre dernier match ?
Mandy Minella : Je suis dans un super état d’esprit. Je suis vraiment contente que ça se finisse maintenant et d’une telle manière. Je suis bien dans ma vie, j’ai encore quelques projets devant moi, ce n’est pas comme si j’arrêtais du jour au lendemain.
Cette retraite était même planifiée plus tôt initialement ?
Oui. Je voulais arrêter ma carrière en 2020. Mais il y a eu le covid et on a eu le bonheur d’accueillir Maya. Donc, je me suis dit que j’allais me lancer un dernier challenge. Et comme je voulais me remettre en forme, j’ai décidé de faire encore une saison. J’ai repris au mois d’avril 2021.
Au début, on avait prévu de terminer par un road trip en Australie, mais j’ai été blessé aux côtes et on n’est pas partis. Alors, on a décidé de terminer en été. Donc, voilà, on finit à Wimbledon après une saison complète depuis la naissance de Maya.
Pourquoi Wimbledon ?
J’avais des idées en tête et tout a changé. On a un peu regardé notre situation, ce qui convient le plus à la famille. C’est mon métier, il fallait aussi prendre en compte l’aspect financier. Et faire un dernier Grand Chelem, c’est toujours sympa.
Wimbledon est le tournoi le plus traditionnel, le plus élégant. Maintenant, si ç’avait été Roland ou l’US Open, c’était très bien aussi. Mais là, c’était le bon moment.
Comment avez-vous abordé ce dernier tournoi ?
Comme tous les autres matches. Je me suis entraînée, j’ai fait mes routines comme si j’avais toute ma carrière devant moi. Je pense avoir atteint un certain niveau de professionnalisme qui me permet de me mettre dans cet état.
En plus, je restais sur un très beau tournoi à Ilkley (NDLR : elle a atteint les quarts de finale après être passée par les qualifs), c’était cool pour moi de finir en bonne forme.
Vous avez franchi le premier tour avant de chuter contre une jeune Australienne, Maddison Inglis. Comment jugez-vous votre parcours?
C’était un match accroché, elle s’est d’ailleurs qualifiée pour le tableau final. C’était la dernière rencontre de toute la journée, on voyait le soleil qui descendait. Je me suis dit que c’était le moment. C’était sympa, il y avait plein de monde, j’étais sur le court n° 16 qui est le premier en entrant. Les gens étaient assis sur la pelouse, c’était cool.
Après, je n’ai pas fait mon meilleur match. La pelouse à Roehampton (NDLR : où se déroulaient les qualifications pour Wimbledon) ne me convenait pas aussi bien qu’à Ilkley, je n’arrivais pas à retourner aussi bien. J’avais en tête de me qualifier, mais bon, ça n’est pas passé.
Qu’avez-vous ressenti après la balle de match?
J’étais à la fois triste et contente. Et au moment où j’ai réalisé que c’était terminé, j’ai regardé Tim (NDLR : son mari) et j’ai serré le poing!
J’aurais signé tout de suite !
Vous aviez annoncé sur les réseaux votre prochaine retraite sportive avec une photo très mignonne de vous à cinq ou six ans. Qu’est-ce que cette petite fille aurait dit si on lui avait expliqué la carrière qu’elle ferait?
Je pense qu’elle aurait signé tout de suite! Maintenant, à cet âge, on ne sait pas encore ce qu’on veut faire. Mais je me rappelle qu’à l’école, on devait noter ce qu’on voulait faire plus tard et j’avais écrit joueuse de tennis professionnelle. Ensuite, à 12-13-14 ans, quand j’ai décidé que je souhaitais vraiment prendre ce chemin, je me suis demandé si j’allais réussir.
D’ailleurs, qu’est-ce que ça veut dire réussir ? Dans une carrière, tellement de choses peuvent se passer. Des blessures, de mauvais chemins, de mauvais choix, ne pas tomber sur les bonnes personnes. Bien sûr, un sportif voit toujours ce qu’il aurait pu faire de mieux, mais quand je regarde ma carrière, je peux être fière de moi!
Si on vous demande vos meilleurs moments en tant que joueuse pro?
Il y en a beaucoup. Les Grand Chelem, bien sûr, la Fed Cup au Luxembourg. Bol (NDLR : sa seule victoire en simple sur le circuit WTA en 2016). Je me souviens de mon tout premier tournoi gagné. C’était un 10 000 dollars à Zadar en Croatie, j’étais toute seule et j’ai pleuré de joie. Il y a plein de moments comme cela. Qui n’apparaissent pas forcément dans le palmarès, mais qui sont très forts. Je suis contente d’avoir fait ce chemin. J’ai beaucoup appris.
Vous avez évoqué des projets. Qu’allez-vous faire?
Je ne sais pas encore. J’ai la chance d’avoir une belle situation, d’avoir mis ma famille à l’abri du besoin et de ne pas être obligée de trouver un travail dans l’immédiat. Au début, on joue pour le plaisir et l’âge avançant, on commence à penser au futur, à la retraite, aux enfants. Maintenant, j’ai envie d’emprunter plusieurs chemins. Et voir ce qui me convient le mieux. Je sais que je veux rester dans le sport.
Ça pourrait être un petit projet avec des jeunes motivés, pourquoi pas les médias ou les commentaires. Je suis quelqu’un qui aime bien organiser, manager, communiquer. Pourquoi pas quelque chose dans ce domaine… Il y a quand même beaucoup de mouvement dans le monde du sport au Luxembourg, j’aimerais apporter mon expérience. Ma nouvelle énergie. On verra bien. Vous savez, avec Tim, on connaît très bien le tennis, le circuit. Avoir ça au Luxembourg, ça peut quand même aider. Je suis prête à apporter mon expérience à ceux qui en ont vraiment envie.
Qu’en est-il du tennis? Vous reverra-t-on raquette en main?
Oui! Je ne suis plus joueuse pro, mais je vais continuer à jouer les Interclubs. J’ai d’ailleurs un programme chargé. Entre le Luxembourg en ce moment, l’Allemagne, la Suisse en août, l’Italie et la France en novembre, je vais être occupée! Pourquoi pas la Fed Cup aussi, si on fait appel à moi. Tant que j’ai du plaisir et que je ne prends la place de personne…
Votre retraite laisse un trou béant. Quel regard portez-vous sur le niveau du tennis féminin luxembourgeois?
Il y a quelques jeunes très motivées, comme Marie Weckerle ou encore Laura Palumbo. Elle est engagée dans les Tennis Europe, elle fait des tournois internationaux et est prête à se lancer. Ses parents sont motivés à l’encourager. J’ai pu m’entraîner avec elle et je vois du potentiel. Je pense que c’est le genre de joueuse qu’il faut soutenir.
Pour parler d’autre chose que de tennis, pourrait-on vous voir dans d’autres sports?
Oui. J’aimerais faire du padel. Et puis, me remettre au golf. J’ai commencé un peu tard, en 2012, mais à un moment, je ne me débrouillais pas trop mal. Je ne suis pas très régulière, mais quand je fais de bons coups, j’arrive à envoyer la balle loin. À faire de belles frappes. Pourquoi ne pas faire quelques compétitions pour voir ce dont je suis capable? Me lancer un petit challenge.
On n’est pas là que pour nous. On est aussi là pour donner du plaisir aux gens. On est des entertainers
Et des vacances?
Oui, c’est prévu! Cet été, on reste en Europe. Je vais aller à Majorque et je vais aller voir Minorque avec des copines. Ensuite, Tim fait du ski. Personnellement, je n’en ai jamais fait, hormis une fois à l’école quand j’avais 12 ans.
Maintenant que je peux, j’aimerais aller au ski. Ma copine Pauline Parmentier a, elle aussi, attendu après sa carrière pour faire du ski et elle s’est fait les croisés.
Un dernier mot sur les retours que vous avez eus après l’annonce de votre retraite?
J’ai été surprise de recevoir autant de gentils messages. Surtout ceux avec une petite anecdote. Finalement, on ne se voit qu’en tant que joueur ou joueuse de tennis. Mais il y a des gens qui payent leur place pour venir voir du tennis. Dont le hobby est de venir nous regarder.
On n’est pas là que pour nous. On est aussi là pour donner un peu de plaisir aux gens. On est des entertainers. J’ai compris cela un peu plus tard dans ma carrière : je ne joue pas que pour moi, mais aussi pour que les gens passent un bon moment.