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Luc Holtz : «Cette équipe doit être construite autour de Vincent Thill»


Luc Holtz : "À 16 ans, Vincent Thill a déjà un niveau de jeu incroyable." (photo Jerry Gerard / Editpress)

Le sélectionneur luxembourgeois Luc Holtz s’est longuement épanché, entre l’amical en Lettonie (défaite 3-1 vendredi) et le match des éliminatoires du Mondial-2018 en Bulgarie (mardi), sur sa vision pour l’avenir. Et elle est claire : il va bâtir son équipe autour d’un homme providentiel.

Alors que débute demain une campagne extrêmement compliquée, la toute première titularisation de Vincent Thill derrière l’attaquant a ouvert en grand un nouveau chapitre de l’histoire luxembourgeoise du football. Les Roud Léiwen vont désormais devoir apprendre à vivre avec le ballon dans les pieds. Et cela aussi va prendre du temps à acquérir.

Le Luxembourg a fait plus que jouer au football, vendredi à Riga, contre la Lettonie. Il a confisqué le ballon sur de très larges phases de jeu, a construit des attaques placées… et il a perdu. Si la question de la finalisation des actions reste cruciale, Holtz l’a assez vite expédiée : il est certain qu’Aurélien Joachim, qui a rejoint le groupe, «a l’expérience qu’il faut pour faire les bons appels dans la surface et mettre le pied au moment où il le faut».

Mais le sujet de la possession est plus vaste et totalement inconnu. Si depuis quelques années, le Luxembourg parvient ponctuellement à l’avoir dans les pieds, l’arrivée de Vincent Thill à la baguette va augmenter considérablement les questions liées à l’utilisation du ballon.

Pourquoi faire débuter Vincent Thill maintenant?

«Tous ses partenaires le recherchent déjà spontanément»

Luc Holtz : «Il n’y avait pas de raison particulière. Il fallait bien commencer, ne serait-ce que par rapport à ses qualités, par rapport au joueur qu’il est. L’équipe doit être construite autour de ce gamin. À 16 ans, il a déjà un niveau de jeu incroyable, assez en tout cas pour disputer des matches comme ça.

Après, effectivement, il commet des fautes dans des zones de vérité, se lance dans des dribbles qu’il vaudrait mieux éviter, mais il faut lui expliquer, pas lui interdire : il sait très bien qu’il a commis des erreurs mais un joueur comme ça, si tu le limites dans sa spontanéité… Vincent y était forcément pour quelque chose si on a eu une telle possession de balle en Lettonie.

Avec la première touche de balle qu’il a, tous ses partenaires le recherchent déjà spontanément, même les joueurs beaucoup plus âgés. Et il ne se contente pas de ça, d’avoir fait une bonne passe : il redemande immédiatement le ballon! À peine a-t-il déjà fait ce qu’il a à faire qu’il est déjà dans le futur, dans l’action d’après. Normal, il voit tout avant tout le monde.

Mais d’ailleurs, c’est un risque avec un tel talent : qu’il se blesse. Ou plutôt que le seul moyen qu’aient des joueurs costauds comme l’étaient les Lettons soit de le blesser. Mais à ce niveau, il m’a rassuré : il est d’une telle vivacité, d’une telle capacité de lecture du jeu, qu’il fait tout avant et évite les duels. On voit qu’en quelques mois, il a encore franchi deux paliers.»

Avec Thill, le Luxembourg peut-il confisquer le jeu?

«On ne peut pas ne pas avoir le ballon»

Luc Holtz : «Après le match, le coach letton (NDLR : Marians Pahars) m’a dit : «Luc, je suis si surpris par la qualité de ton équipe. Je ne reconnais pas le Luxembourg, c’était beau à voir. On était stupéfaits.» On s’est affrontés lui et moi sur le terrain à une époque où le Luxembourg et la Lettonie évoluaient tous les deux avec un bloc bas, alors… Mais il faut y aller mollo.

Vous allez voir la Bulgarie, ce n’est déjà plus du tout la même chose en termes de qualités individuelles. Ceux qui pensent qu’on peut aller battre la Bulgarie ne sont pas dans le réel. Il y a encore une différence de maturité. Rien qu’à Riga : on avait la possession de balle mais les Lettons, eux, nous étaient supérieurs en phases de transition offensive, de rapidité et de puissance et dans le football moderne, cela fait souvent la différence. Dans les moments clés, ce genre d’éléments peut faire basculer un match.

Maintenant quoi qu’il se passe pour nous, on a désormais un petit talent de 16 ans qui a plus de qualité quand il a le ballon que quand il ne l’a pas. Et si l’on veut le faire jouer, ce grand joueur, on ne peut pas ne pas avoir le ballon. Donc aujourd’hui, le Luxembourg ne peut plus se contenter d’être dans le réactif, d’autant qu’aujourd’hui, nous avons enfin des garçons qui ont de la qualité en possession de balle. Par la force des choses, cette philosophie du jeu sera celle que l’on doit suivre.»

Comment lui apporter le ballon?

«On ne veut pas que l’adversaire sache»

Luc Holtz : «Certaines nations le font, ce qu’on a mis en place (NDLR : le F91 de Dino Toppmöller fonctionne aussi comme cela, désormais), c’est-à-dire faire redescendre un des milieux récupérateurs pour relancer. Mais cela peut varier. On a aussi travaillé le fait d’écarter un récupérateur sur le flanc plutôt qu’un défenseur central. Le but, c’est qu’un joueur libère une zone pour un autre. Mais on ne veut pas que l’adversaire sache ce qu’on va faire et croyez-moi, organiser ça en seulement quatre jours de préparation, ce n’est pas évident. Je préférerais avoir plus.»

D’autres jeunes que Thill peuvent-ils accentuer la possession?

«Ils enlèvent du rythme de leur effort maximal»

Luc Holtz : «Il faut se mettre des objectifs précis et pas surréalistes. Là, on va rencontrer des équipes qui possèdent des joueurs disputant la Ligue des champions. Or chez moi, je n’en ai pas. Ceux qui veulent des résultats et du beau jeu contre ces nations d’un niveau dingue ne sont pas dans le vrai. Si on veut assez progresser pour ça, il faut que nos jeunes progressent dans leurs clubs or c’est un business très spécial, celui du recrutement des joueurs. Ce ne sont pas toujours les meilleurs qui sont pris mais ceux qui ont le bon agent, ceux qui sont bien conseillés. On travaille de notre côté pour progresser dans ce domaine et aider nos joueurs.

Mais quand on voit des jeunes comme Veiga ou Bohnert, on sent une énorme qualité. J’entends désormais qu’on essaye de nous comparer à l’Islande mais pour arriver à ça, il faut encore plus d’efforts dans la mentalité. Ces deux garçons doivent être plus durs envers eux-mêmes. Nos jeunes ne doivent pas être dans l’autosatisfaction. Quand on a le ballon, on est dans l’effort maximal théoriquement et je vois pourtant qu’ils enlèvent souvent du rythme de leur effort maximal pour ne pas trop se fatiguer. Or au haut niveau, on ne peut pas faire ça.»

Entretien avec notre envoyé spécial à Sofia, Julien Mollereau

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