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Louis Linster, ou l’excellence en cuisine de mère en fils


Une semaine après avoir reçu le prix de chef de l’année 2024, le jeune chef est encore sur un petit nuage. (photo Didier Sylvestre)

Le fils de la célèbre cheffe Léa Linster, Louis Linster, vient d’être consacré chef de l’année 2024. Quand le talent est héréditaire…

Depuis le 23 octobre, pas un jour ne passe sans que Louis Linster donne une interview. La raison de cette attention médiatique ? Le dévoilement du palmarès du Gault & Millau Luxembourg 2024. Le jeune homme de 33 ans y reçoit la consécration suprême de meilleur chef de l’année et son établissement, le restaurant Léa Linster à Frisange, avec la note de 17/20 et une quatrième toque, fait désormais partie des cinq meilleures tables du pays. Une «surprise», nous explique un Louis Linster «très heureux», une semaine après l’annonce du guide jaune. Cette distinction, même s’il espérait bien l’obtenir un jour, arrive plus tôt qu’il ne l’avait imaginé. D’ailleurs, l’attribution de «cette haute distinction à un chef aussi jeune reste exceptionnelle», écrit le Gault & Millau.

Cela fait en effet à peine six ans que le trentenaire a remplacé sa mère, la célèbre cheffe Léa Linster, derrière les fourneaux du restaurant de Frisange. Car si certains sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, lui appartient à une famille dans laquelle les générations précédentes ont concocté des cuillerées savoureuses, que Léa Linster a fini par rendre gastronomiques.

C’est elle qui fait entrer le restaurant dans l’élite en décrochant en 1987 une étoile au Michelin et deux ans plus tard en remportant l’illustre Bocuse d’or. Un parcours prestigieux évoqué dans chaque interview que donne Louis Linster. Le «fils de» doit répondre à des questions récurrentes sur la difficulté de marcher sur les traces de sa mère, sur le poids de l’héritage… Mais ce sont des interrogations qu’il semble ne pas comprendre. Il est devenu chef sans pression familiale, assure-t-il, les choses se sont faites naturellement.

Sa femme, responsable de salle

Après une enfance passée dans les cuisines du restaurant de Frisange, à questionner inlassablement et prêter main-forte les dimanches, il s’en éloigne à l’adolescence, suivant d’autres envies. Puis, à 18 ans, il s’inscrit dans un cursus en économie en Suisse. Et en deuxième année, constatant que sa mère «est toute seule» pour gérer le restaurant, il décide de l’aider. Retour dans les cuisines de Frisange.

«Au début, se souvient-il, je ne savais pas vraiment comment faire, mais j’étais là.» Les gestes et techniques observés quand il était petit lui reviennent en mémoire, il parfait son apprentissage dans les livres, travaille beaucoup. En 2017, lorsque sa mère prend sa retraite, il devient le seul chef à bord de ce restaurant étoilé. Entouré d’une équipe soudée dans laquelle sa femme, Njomza Musli, est responsable de salle et son demi-frère, sommelier, le jeune chef poursuit la saga familiale.

Pas de plat signature

Contrairement à sa mère et son fameux agneau, il n’a pas de plat signature. Ou plutôt, rectifie-t-il, «ma signature, c’est le goût du monde». Il élabore une cuisine moderne, «mais sur des bases classiques, avec beaucoup d’influences venues d’Asie». Tous les deux mois, il crée un nouveau menu composé de plusieurs plats de poisson et de viande accompagnés de légumes du moment. Et si saison après saison, les mêmes produits peuvent revenir dans l’assiette, c’est toujours avec une saveur différente.

Ce métier, qu’il exerce officiellement cinq jours par semaine de 13 h à 23 h 30, il ne le quitte en réalité jamais. Même ses vacances sont organisées pour qu’il découvre la cuisine de restaurants étoilés. Visiter d’autres pays, manger ailleurs sont indispensables au jeune chef pour nourrir son inspiration, même si, depuis la naissance de son fils Leon, il y a 18 mois, cela est devenu plus difficile d’un point de vue organisationnel.

Un changement de nom en vue

«J’aime créer des goûts prononcés ou surprenants, les marier», explique le trentenaire. Mais concrètement, comment procède-t-il pour créer un plat ? Tout commence par un goût qu’il a en mémoire et qu’il aimerait adapter à certains produits. Une image se forme alors dans sa tête et il se lance. Dans le menu actuel, par exemple, figure un bar avec une sauce anguille fumée. «J’avais envie d’une sauce de ce goût, dit-il. On s’est demandé ensuite quels légumes de saison iraient avec et on a opté pour des épinards et du chou-rave.»  Mais une fois la recette élaborée, ce n’est pas fini. Il doit choisir une assiette et effectuer un premier dressage, afin de vérifier si le plat est aussi appétissant à l’œil qu’en bouche. Il le photographie ensuite et observe attentivement le cliché.

En effet, la photogénie des plats n’est pas à négliger, à une époque où la première chose que font les clients, c’est immortaliser leur assiette avec leur téléphone et poster la photo sur les réseaux sociaux. «Imaginez qu’en tapant le nom de mon restaurant sur Google n’apparaissent que des photos moches», plaisante le jeune chef. Et les clients, d’ailleurs, que pensent-ils de sa cuisine? Composée d’anciens habitués, de trentenaires et quadragénaires français, mais aussi d’Allemands attirés par la renommée de Léa Linster outre-Rhin, sa clientèle est «très, très contente», sourit le jeune chef. Quand il leur demande ce qu’ils ont le plus aimé, ils évoquent toujours la sauce, rapporte-t-il, réjoui.

 

Cette façon de cuisiner paie. Avant de le consacrer chef de l’année 2024, le Gault & Millau lui avait déjà remis le prix du jeune chef de l’année 2021. Quant au Michelin, il qualifie sa cuisine d’«aussi subtile visuellement que gustativement». Savoir bien cuisiner comporterait-il une part de génétique? «Oui, sûrement», s’amuse le jeune homme, qui botte en touche quand on lui demande qui de lui ou de sa mère cuisine le mieux : «Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question», s’esclaffe-t-il.

Parfois, il lui prend des envies d’ailleurs, comme «ouvrir un restaurant au Mexique», s’amuse-t-il. Mais d’un ton plus sérieux, il confie que «partir d’une maison familiale qui existe depuis cent ans est difficile, on se sent responsable. C’est une machine qui ne s’arrête jamais, on ne peut pas la stopper comme ça.» Une évolution, de taille, est néanmoins actée : le nom de son établissement va bientôt changer, exit Léa Linster, place au restaurant Louis Linster. Le chef de l’année s’est indéniablement fait un prénom parmi les grands.

Ses préférences

  • Des plats préférés de son enfance, il retient surtout le poulet rôti et les crêpes de ses deux grands-mères. Pas un plat cuisiné par sa cheffe de mère ? «Non, d’ailleurs pour ma mère aussi, le goût de son enfance, ce sont les plats de ses grands-parents.»
  • Lui qui affectionne particulièrement les sauces, sa favorite, c’est la sauce au vin jaune.
  • Le pays dans lequel il préfère manger est l’Espagne : «Ils ont de très bons restaurants étoilés et on peut aussi très bien manger des choses simples, ils ont de bons produits et en plus… il fait beau !»
(photo archives LQ/Julien Garroy

Au menu du restaurant Léa Linster

Si vous avez envie de réserver au restaurant du chef Louis Linster, voici quelques informations. Les gourmets sont attendus à Frisange du mercredi au samedi à partir de 19 h et le dimanche dès 12 h pour le premier service ou à 19 h pour le second. Pendant trois à quatre heures, ils pourront déguster un menu unique composé de cinq plats de poisson et deux plats de viande, sans oublier des desserts. Un accord mets-vins est possible, et pour ceux qui ne souhaitent pas boire d’alcool, le chef propose un accord mets-sans alcool à base de jus, d’infusion et de fermentation. Suivant les options retenues, le menu est compris entre 170 et 300 euros.

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