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L’intersexualité reste un tabou au Luxembourg


«Ce tabou quasi absolu entraîne une invisibilité presque totale des personnes intersexuées et de leurs familles dans l'espace public.» (illustration AFP)

Autrefois appelée à tort hermaphrodisme, l’intersexualité a fait l’objet d’une étude menée pendant près de dix ans au Luxembourg. Le député Marc Angel (LSAP) s’est enquis de sa teneur auprès du ministre de la Santé.

« Au Luxembourg, aucune personne intersexuée ne s’exprime publiquement. Il n’y a pas non plus de chiffres officiels sur les naissances d’enfants intersexués ni sur les pratiques médicales », note l’association luxembourgeoise Intersex and Transgender sur son site internet. «Ce tabou quasi absolu entraîne une invisibilité presque totale des personnes intersexuées et de leurs familles dans l’espace public.» La question parlementaire de Marc Angel au ministre de la Santé met un coup de projecteur sur cette partie méconnue de la population luxembourgeoise.

Sur le site internet du Centre hospitalier de Luxembourg (CHL), le député socialiste a découvert l’existence d’ «un registre belgo-luxembourgeois pour l’étude des atypies du développement sexuel censé permettre la collecte de données épidémiologiques et démographiques des patients atteints d’atypies du développement sexuel en Belgique et au Luxembourg». Cette découverte qui a interrogé le député est «une étude observationnelle académique initiée en 2010 par le Belgian Study Group for Pediatric Endocrinology», précise le ministre de la Santé, Étienne Schneider. Clôturée début 2019, elle a concerné «une dizaine de patients suivis régulièrement par le CHL».

Marc Angel a souhaité connaître la nature des atypies enregistrées ainsi que, dans un souci de protection des données, la nature des données recueillies et l’accès que les enfants en auront. «La commission de protection de la vie privée en Belgique a autorisé le stockage des données pendant 50 ans», répond le ministre de la Santé. Les personnes concernées peuvent y avoir accès quand elles le souhaitent et en demander la correction ou l’effacement. Ces données ont été collectées avec le consentement des patients ou de leurs parents ou représentants légaux pour les mineurs. Les critères retenus étaient cliniques et hormonaux ou génétiques.

1,7% de la population mondiale

Selon l’ONU, les personnes intersexuées sont «nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques des genres mâle et femelle». À ne pas confondre avec les personnes transgenres qui sont des personnes dont l’identité sexuelle psychique ne correspond pas au sexe biologique, les personnes intersexuées «naissent avec des variations des caractéristiques sexuées, certaines tenant à la fois du féminin et du masculin, ou bien n’étant pas entièrement l’un ou l’autre, ou n’étant ni l’un ni l’autre», explique l’association. Ces variations peuvent se trouver aux niveaux chromosomique, anatomique ou hormonal et se manifester sur le plan physique, par exemple dans l’apparence des organes génitaux externes ou internes, dans le fonctionnement des gonades, dans la distribution des graisses, de la pilosité et de la masse musculaire, ainsi que dans le développement mammaire.

Les variations des caractéristiques sexuées peuvent devenir visibles à différents moments de la vie. Selon l’association, «une personne peut s’en rendre compte très tôt ou bien plus tard au cours de sa vie, voire jamais». Dans certains pays, des enfants intersexes subissent entre autres des chirurgies ou des traitements hormonaux justifiés par le seul fait de les rendre conformes aux attentes de la société en matière de genres masculin et féminin.

L’ONU estime qu’entre 1,7 et 2% des êtres humains seraient intersexués. Partant de ce pourcentage, on estime qu’au Luxembourg environ 10 500 personnes seraient intersexuées. Appliqué au nombre de naissances en 2018 – il y en a eu 6 274 –, le nombre d’enfants intersexués qui ont vu le jour l’an passé est de 106.

Des estimations chiffrées qui démontrent l’importance de thématiser le sujet pour qu’il ne soit pas vécu comme une souffrance ou une anomalie de la nature. Le ministre de la Santé dit d’ailleurs dans sa réponse à la question parlementaire «avoir pris acte de la suggestion de Marc Angel d’inclure ce type de registres dans le champ d’activités du futur Observatoire de santé». Il permettra, assure Étienne Schneider, d’ «avoir une compréhension plus exhaustive de la problématique au niveau national et de mieux orienter la politique de santé».

Sophie Kieffer

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