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Charles Goerens : «L’Europe a un problème de leadership»


Charles Goerens, membre du DP, cumule 22 années en tant qu’eurodéputé. (photo T. S.)

En marge d’un événement à Bruxelles, l’eurodéputé luxembourgeois Charles Goerens est revenu sur quelques-uns des défis auxquels est confrontée l’UE.

L’eurodéputé Charles Goerens (Renew Europe, libéraux) a participé à la première Semaine de la société civile organisée par le Comité économique et social européen (CESE) à Bruxelles, événement qui a réuni des représentants de la société civile et des institutions de l’UE pour échanger autour de la vie quotidienne des Européens, de l’avenir de l’Europe ainsi que des menaces qui pèsent sur la démocratie.

Craignez-vous la montée de l’extrême droite annoncée aux prochaines élections européennes? Le Luxembourg, habituellement pro-européen, pourrait-il se laisser gagner par les idées populistes ?

Charles Goerens : Tout ce qui est bon pour l’Europe est bon pour le Luxembourg. Et si l’extrême droite joue un rôle plus important en Europe, ce n’est pas bon pour le pays. Le danger pour le Luxembourg de faire face à une vague brune lors des prochaines élections est limité. Si au Grand-Duché, on doute encore du bien-fondé de l’UE, il faut consulter un psychiatre! Ce serait suicidaire de faire sans! Mais il existe une perméabilité de l’opinion publique. On l’a vu lors du référendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel. De 85 % d’avis favorables au début de la campagne, on est passé sous la barre des 50 % quelques mois plus tard. Il y a une forme de volatilité sur ce qui devrait pourtant être ancré structurellement dans les convictions publiques.

Le Conseil européen a récemment rejeté le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance. Quel commentaire faites-vous ?

Luc Frieden a dit que le Luxembourg n’a pas voté dans cette chambre noire qu’est le Conseil où rien n’est transparent – ce qui se recoupe avec des informations que j’ai pu obtenir. Ce résultat est malheureux et constitue un échec pour la politique européenne. Je crois que le projet est mort et que, dans sa version actuelle, il ne pourra pas renaître de ses cendres. J’avais prévenu dès le début que le plus grand obstacle à cette directive serait la capacité du monde économique à pouvoir gérer ce dossier. Il faut aider les gens à maîtriser la charge bureaucratique qui va s’ajouter. Il en va de même avec le Pacte vert. Il faut parvenir à expliquer aux citoyens de quoi il retourne, sinon nous subissons une érosion des sympathies envers l’UE qui se dirigent vers ceux qui veulent détruire l’Europe. L’Europe a un problème de leadership.

Le Luxembourg doit-il implémenter une loi nationale ?

On peut le faire, mais il y a alors le danger de la fragmentation intérieure. Je crois d’ailleurs que la directive a été une mauvaise procédure : on aurait dû faire un règlement européen d’application immédiate dans les 27 pays, c’est le marché unique! Maintenant, certains auront une législation nationale, d’autres non.

Vous avez martelé, lors de vos interventions sur le sujet de la guerre en Ukraine, qu’il est urgent d’agir. Qu’entendez-vous concrètement ?

L’armée ukrainienne est sous-équipée, il faut d’abord remédier à cela. L’UE s’était engagée à livrer à Kiev un million d’obus d’ici mars, mais seuls 30 % d’entre eux ont été livrés. La bonne nouvelle, c’est que nous sommes désormais dans la cadence en matière de production, selon le commissaire Thierry Breton. La Tchéquie a annoncé pouvoir disposer de 800 000 obus récupérés sur le marché mondial, principalement en Afrique du Sud. Qu’est-ce qu’on attend pour les mettre sur les wagons et les transporter en Ukraine ? On est dans une fenêtre d’opportunités extrêmement courte. Je me demande ce qu’il faut encore dire pour convaincre les acteurs. Ça me fait hurler ! Les citoyens sont convaincus qu’il faut agir et dans ce domaine, ils sont en avance sur les politiques.

Sur les réseaux sociaux, on constate que de nombreuses personnes ne sont pas convaincues du danger potentiel que peut représenter Poutine pour l’UE, qui ne cesse d’alerter sur ce sujet. Comment comptez-vous vous y prendre pour montrer la réalité de cette menace ?

Je crois que les gens sont beaucoup mieux informés que cela et comprennent très bien que Poutine va se diriger vers Odessa. S’il prend cette ville, il n’y aura plus d’exportations ukrainiennes possibles vers le reste du monde, tout sera déversé en Europe, avec des prix de moitié inférieurs à ceux qu’on paie actuellement aux agriculteurs. Il y a une vraie crise. Ou on résout les problèmes maintenant, ou ils seront bien pires, avec, en plus, l’arrivée de 10 à 20 millions de réfugiés ukrainiens. L’Europe doit se préparer au scénario du pire. Elle doit aussi se préparer à la possible élection de Donald Trump, qui ne fera pas dans la dentelle.

Pour conclure, vous annoncez être à nouveau candidat aux européennes. Que ferez-vous si vous n’êtes pas réélu ?

Je pars pour gagner avec mon équipe. Ce sont des candidats d’une telle qualité que j’aimerais bien me faire battre par l’un ou l’autre d’entre eux ! Mais si je peux très bien m’imaginer l’Europe sans moi, je ne peux pas m’imaginer moi sans l’Europe. Donc, l’intérêt restera.

Le DP dévoile ses candidats aux européennes

Le Parti démocratique a dévoilé jeudi sa liste de candidats aux élections européennes du 9 juin, qui sera menée par Charles Goerens, 72 ans, et Amela Skenderović, une professeure d’anglais de 28 ans. Les quatre autres candidats seront : Nancy Braun (51 ans), responsable d’Esch 2022, capitale européenne de la culture; Jana Degrott (28 ans), juriste et conseillère communale de Steinsel; Christos Floros (30 ans), responsable marketing; et le député Gusty Graas (66 ans), échevin de Bettembourg.

2 plusieurs commentaires

  1. Patrick Hurst

    Charles Görend est pour moi l’un des quelques membres DP très crédibles sur sa conviction pro-européenne: En revanche, ce qu’il cache, et je le dis pour avoir voté « Non » moi-même en 2005, celui-ci vient d’abord et avant tout du « Non » à une forme économique néolibérale qui devait ëtre imposée par la proposition alors proposée au vote et qui n’aurait laissé aucune marge de manöuvre sociale.

  2. Le général de Gaulle disait « l’europe, l’europe en sautant comme un cabri ».
    Je vois que, des décennies plus tard, de vieux messieurs continuent de scander : l’europe, l’europe, même s’ils ne sautent plus comme des cabris.
    Chaque fois que les citoyens des pays membres descendent dans la rue, comme les paysans, on constate que la faute en revient à ces bureaucrates idéologues européens.
    Ce n’est pas plus d’europe qu’il nous faut, mais beaucoup moins d’europe de ces écolos- bureaucrates et un peu plus de vision à long terme.

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