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Les vins sans alcool arrivent au Luxembourg


Vinsmoselle innove avec une toute nouvelle gamme de vins sans alcool : un blanc et un mousseux. (Photo : domaine vinsmoselle)

Une vraie tendance existe au niveau mondial autour des vins désalcoolisés, voire sans alcool du tout. Quelques producteurs luxembourgeois se lancent.

Début janvier, alors que le Dry January démarrait pour ceux qui avaient décidé de bannir l’alcool de leur alimentation pendant le premier mois de l’année, Vinsmoselle lançait la commercialisation de ses deux premiers vins sans alcool, déclinés dans la gamme sobrement intitulée «Plaisir sans alcool». Cette nouvelle proposition comprend un vin tranquille issu d’un assemblage de cépages mosellans «très frais, légers et stimulants» aux arômes de «fruits jaunes, de litchi et de muscade», mais aussi un vin mousseux offrant «une mousse rafraîchissante, enjouée et stimulante», selon le communiqué de presse de la coopérative.

Vinsmoselle n’est pas le premier producteur luxembourgeois sur le marché des vins désalcoolisés. Le pionner est The Wine Makers Luxembourg, une société créée en 2017 par des élèves de l’Athénée dans le cadre d’un projet pour le programme «Fit for your entrepreneurship», en collaboration avec le vigneron indépendant Pit Pundel (Pundel Vins Purs, à Wormeldange-Haut). Ce vin blanc ne titre que 9° d’alcool, d’où son : la Folie à 9°.

Plus tard, le vigneron Jean-Marc Schlink (Domaine viticole Schlink, à Machtum) a lancé le premier vin sans alcool luxembourgeois, un blanc. Il va compléter son offre cette année avec un mousseux sans alcool.

Quant à savoir s’il existe une réelle demande sur le marché luxembourgeois, il faut encore attendre que l’offre s’étoffe pour le savoir. On constate toutefois que les premiers ballons d’essai de la Folie à 9° et du domaine Schlink ont trouvé leur public, mais les quantités produites restent minimes.

Toujours du vin ?

À l’international, ce marché est en tout cas en pleine progression. Les plus gros consommateurs en volume sont les Allemands et le pays le plus dynamique est les États-Unis. En 2020, le marché outre-Atlantique a grimpé de 30 %. En France, les analystes tablent sur une progression de 4 à 5 % par an pour les prochaines années. Les Italiens, par contre, sont particulièrement réfractaires. Pour le premier producteur mondial, l’alcool est consubstantiel au vin.

Il y a là un vrai débat qui place les institutions dans des positions contradictoires. Voilà la définition de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) : «Le vin est exclusivement la boisson résultant de la fermentation alcoolique complète ou partielle de raisin frais, foulé ou non, ou de moût de raisin […]. Son titre alcoométrique ne pourra être inférieur à 8,5 % en volume.» Selon l’OIV, la Folie à 9° est donc un vin, mais pas les productions sans alcool du domaine Schlink et de Vinsmoselle.

«l’AOP devrait être réservée aux « vrais«  vins»

Pourtant, ceux-ci peuvent prétendre à la dénomination «vin désalcoolisé» ou «vin partiellement désalcoolisé» depuis 2021 et la mise en application de la nouvelle politique agricole commune (PAC). Mieux, l’Europe autorise maintenant aux vins partiellement désalcoolisés (entre 0,5° et 8,5° d’alcool) à porter leur appellation d’origine protégée (AOP) ou leur indication géographique protégée (IGP) sur l’étiquette. Les vins totalement désalcoolisés, par contre, ne pourront pas s’arroger une quelconque origine géographique sur l’étiquette.

Comment se porte ce débat au Luxembourg? «La question ne s’est pas encore posée. Les premiers vins désalcoolisés luxembourgeois ne viennent que d’apparaître sur le marché. Pour le moment, je dirais que l’AOP devrait être réservée aux « vrais«  vins», préconise le contrôleur des vins de l’institut viti-vinicole de Remich, Aender Mehlen.

Les vins luxembourgeois sans alcool ne portent donc pas l’AOP Moselle luxembourgeoise (contrairement à la Folie à 9°) et ils doivent respecter la réglementation concernant les aliments classiques en détaillant sur leur contre-étiquette la liste des ingrédients ainsi que les calories. Jusqu’à la fin de l’année, les vrais vins en sont encore exemptés.

Des crémants sans alcool?

Produire un vin effervescent en méthode traditionnelle (comme les champagnes, les crémants ou les cavas, par exemple) sans alcool est bien plus compliqué qu’un vin tranquille puisque le processus a tendance à éliminer les bulles. Vinsmoselle produit ainsi un mousseux, à partir d’un vin désalcoolisé qui est gazéifié artificiellement. Il ne s’agit donc pas d’un crémant.

Sur le site Vitisphère, Gérard Liger-Belair, professeur à l’université de Reims, à la tête de l’équipe de recherche «Effervescence, Champagne et Applications», explique que produire un champagne désalcoolisé est toutefois possible, mais demande une technicité particulière : «la désalcoolisation entraîne une diminution de la viscosité du liquide, ce qui dans le cas d’un vin effervescent peut avoir une incidence sur les bulles qui remonteront plus rapidement à la surface, ajoutant que la désalcoolisation est à l’origine également d’une augmentation de la tension de surface qui agit sur la taille des bulles, dans ce cas on verrait apparaître des bulles plus grossières, un peu comme dans un soda.»

Dans le même article, Christophe Bliard, chargé de recherche CNRS à l’université de Reims, ajoute que «l’alcool joue un rôle important dans l’extraction et la conservation des arômes, ainsi que le CO2 dans la diffusion de ces arômes au moment de la dégustation.»

Nécessaires corrections œnologiques

Il sera intéressant de voir comment évoluent l’offre luxembourgeoise et la réceptivité du marché local. Traditionnellement, le Grand-Duché n’est pas une place innovante en la matière. Les appellations préférées des consommateurs restent les grands classiques internationaux et il faut des années pour que les nouvelles modes s’installent ici. On peut prendre l’exemple des vins nature, des vins orange ou des Pet’ Nat’ qui cartonnent depuis des années dans tous les lieux branchés de la planète, mais qui commencent tout juste à percer dans le pays. Seule une poignée de cavistes, de bar à vins et de viticulteurs se sont lancés (domaines L&R Kox, Krier-Welbes, Schmit-Fohl, Krier-Bisenius) ces toutes dernières années.

Cette vague naissante du No/Lo (No alcoohol/low alcoohol) est-elle la déclinaison de la tendance majeure du fameux «boire moins mais boire mieux»? C’est possible et la volonté partagée par un nombre croissant de consommateurs (encore plus depuis le covid) de mieux connaître ce que l’on boit et ce que l’on mange et de consommer des aliments plus sains n’est sans doute pas étrangère à cette tendance.

Des manipulations plus délicates sur les vins rouges

Rappelons toutefois qu’une bonne partie du monde scientifique et médical reconnaît des vertus au vin (notamment ses polyphénols) dans le cadre d’une consommation mesurée. Et aussi que l’alcool est fondamentalement un élément indispensable au vin. C’est lui qui permet de porter les arômes et d’équilibrer son acidité, son amertume et son astringence comme l’a démontré le grand œnologue et professeur Émile Peynaud, reconnu comme le père de l’œnologie moderne.

Pour retrouver cet équilibre, il est nécessaire de corriger les vins grâce à des procédés œnologiques. S’il est plus facile d’y parvenir sur les vins blancs ou les vins rosés, les manipulations sont plus délicates sur les vins rouges. Une chance pour les Luxembourgeois!

Désalcoolisé par évaporation sous vide

Les domaines Vinsmoselle expliquent que leurs vins sont désalcoolisés selon le procédé de l’évaporation sous vide. Ce processus consiste à séparer l’alcool et les arômes par le principe de distillation. Grâce à la mise sous vide de toute l’installation, le point d’ébullition des composés volatils (alcool, arômes…) apparaît dès 35 à 50°, ce qui permet aux vins de conserver la plupart de leurs caractéristiques. Un système permet de séparer l’alcool des arômes, et de récupérer ses derniers pour les réintroduire dans le vin.

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