ÉLECTIONS FLF Claude Kremer, l’outsider, a mis un fort accent de son programme sur l’arbitrage. Au point de voir le thème prendre une importance cruciale avant le vote de samedi.
Si Claude Kremer a dicté le tempo sur un sujet, depuis qu’il s’est déclaré candidat, c’est bien celui de l’arbitrage. Faisant de ce thème de campagne un pilier de sa réflexion et, dessinant en même temps, un bilan plus difficile à défendre pour l’équipe du président Philipp. Bien joué, même si c’était évident que c’est sur ce point qu’il fallait frapper sous la ceinture : les manques sont criants.
Arbitre lui-même pendant neuf ans, Claude Kremer a carrément ouvert sa brochure sur cette question, centrale à ses yeux, et défend ce choix en sortant la mitraillette : «Heureusement qu’il y a pas mal de trios étrangers qui ont pu venir nous dépanner depuis le début de saison, sinon, il y a des matches de Division 1 ou même de Promotion d’honneur sur lesquels nous aurions pu ne pas avoir d’arbitres de touche.»
L’image est effrayante et elle parle. Parce qu’à force de dire qu’on ne peut pas jouer au football sans arbitres, il y a fatalement un jour où la réalité risque de rejoindre la fiction et que jouer sur cette peur rationnelle est un bon calcul.
C’est contre cela que doivent se battre, depuis trois semaines, Paul Philipp et son «monsieur arbitrage», Charles Schaack. Contre l’idée indue qu’il y a eu une forme de laxisme, voire de renoncement. Pourtant, ils le martèlent sur ce mode légèrement fataliste : «C’est un sujet très compliqué et un problème qui existe dans tous les pays», assure Schaack.
Cinémas, bus, réseaux sociaux…
La boîte de Pandore est tout de même grande ouverte. Et le débat avec lui. Pour Claude Kremer, c’est évident, «on ne fait pas assez pour ce problème d’ampleur nationale. On en parle beaucoup, mais on ne fait rien».
«Il faut lancer une campagne marketing sur tout le territoire, théorise-t-il. On ne peut pas se contenter de distribuer quelques flyers trois jours avant une formation qui a elle-même été annoncée sur Facebook 8 ou 10 jours avant, seulement! Ça, c’est ce que j’appelle une campagne complètement ratée. Il faut être plus ambitieux. Aller dans les cinémas, sur les bus, vraiment sur les réseaux sociaux…»
Une occasion pour Charles Schaack de reprendre de volée un homme avec lequel il siège depuis des années pour la promotion de l’arbitrage : «Alors il faudrait payer à prix d’or des moyens de communication sans être sûrs d’atteindre notre cible ?» La saillie fait grimper Claude Kremer au rideau : «Oui, faire de la pub pour attirer des arbitres, c’est une dépense qu’il faut absolument faire. C’est un nouveau poste de budget, un investissement absolument nécessaire.»
L’allusion au budget n’est a priori pas un vain mot. Car si Paul Philipp et son comité annoncent qu’ils sont prêts à mettre de l’argent pour reconquérir un «effectif» («On va continuer à augmenter les rémunérations», a-t-il même indiqué, la semaine dernière), dans le camp d’en face, on assure que c’est un point sur lequel toute tentative de faire évoluer le sujet bute systématiquement.
Et cela, c’est un autre ancien arbitre qui l’assure, Tun Mestre, dont la candidature pour un poste au conseil d’administration semble quand même, au moins un peu, liée à celle de Claude Kremer : «Depuis des années, dès qu’on demande quelque chose, on nous répond toujours qu’il n’y a pas de budget.»
L’arbitrage et l’«âge des cavernes»
En sous-main, Tun Mestre fait lui aussi le job pour pointer ce qu’il estime être des manquements dans la politique fédérale afin d’endiguer le problème. S’il veut entrer au CA, c’est pour s’attaquer au problème en confirmant qu’il faut désormais des formations pour assister psychologiquement les hommes en noir dans leur gestion des rencontres, comme le demande… Claude Kremer, avec lequel il n’est pourtant pas officiellement en rapport.
Et même si pour lui, le principal problème est lié, pour l’heure, au recrutement ou à la capacité du comité des arbitres à garder ses effectifs : «Les arbitres ne sont pas considérés, on leur manque de respect et c’est normal s’ils partent. Et le problème est un peu structurel d’une certaine façon : les affectations se font encore manuellement, comme il y a cinquante ans et il arrive souvent qu’on oublie tout simplement de donner des matches à des arbitres, qui se lassent. Pareil quand ils doivent arbitrer cinq, six ou sept matches par semaine. Il faut ramener des arbitres qui sont partis. Il y a moyen : il suffit de renouer le dialogue avec tous ceux qui se sentent oubliés. Il suffirait d’une simple amélioration de la communication. Mais aussi de donner aux arbitres élites ce qu’ils demandent : plus de formations notamment.»
Ce point a lui aussi été contrecarré par Charles Schaack, qui indique par exemple que des pourparlers pour ouvrir une deuxième séance d’entraînement hebdomadaire les mardis se heurte à l’absence de volontés de certains «sifflets» de cumuler plusieurs matches et deux séances. Faux, dit Mestre : les arbitres de DN, eux, sont prêts à le faire et sont en demande.
Bref, les positions sont là : volontarisme des postulants, que les hommes en place estiment un peu naïfs. Certitude qu’on n’en fait pas assez (et mal) d’un côté, que les hommes en place estiment injuste, voire populiste.
Diagnostic partagé quand même que le problème est majeur et aveu du bout des lèvres qu’il ne vient pas que de ce comité. «Tout ce qu’a fait Charles Schaack n’est pas mauvais, loin de là, concède Tun Mestre. Il a même fait un boulot énorme pour sortir l’arbitrage luxembourgeois de l’âge des cavernes. Mais depuis, les clubs avancent très vite et nous, on stagne.»
Bref, ce n’est pas que Philipp – Kremer, samedi matin, mais aussi, un peu, Schaack – Mestre, même si le premier ne remet pas son mandat en jeu…