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Les artisans inquiets : «On doit changer de business model»


Réunis à la Chambre des métiers jeudi, les délégués ont évoqué les défis quotidiens auxquels ils sont confrontés.

Explosion des prix, indexation des salaires : la Fédération des artisans compte sur la réunion tripartite prévue mardi pour soulager les PME des pressions qu’elles subissent.

L’assemblée générale de jeudi, qui figurait depuis longtemps au calendrier, est finalement tombée à pic alors que la Fédération des artisans venait de recevoir son invitation à participer à la réunion tripartite fixée au 22 mars. Un rendez-vous dont les patrons de PME, confrontés aux pires difficultés ces derniers mois, attendent beaucoup.

À la hausse des prix des matériaux entamée l’été dernier, ont succédé de sérieux problèmes d’approvisionnement, puis l’explosion du coût de l’énergie à l’automne, couplé à l’inflation et l’indexation des salaires. Sans oublier l’augmentation du carburant ces derniers jours.

De quoi mettre les nerfs des patrons de PME à rude épreuve alors que deux tranches indiciaires sont annoncées pour cette année – en avril et octobre selon le Statec – après la dernière, déclenchée en octobre 2021.

«Soit trois tranches en douze mois», s’agace Romain Schmit, secrétaire général de la Fédération des artisans, qui appréhende des répercussions sur l’emploi si aucune mesure n’est prise contre cette nouvelle hausse des charges : «Clairement, des licenciements sont à craindre. On n’aura pas d’autre choix. Certains parviendront à répercuter ces frais, mais pas partout et pas dans tous les cas», prévient-il.

D’où l’importance de la réunion tripartite convoquée mardi, au cours de laquelle le secteur réclamera, comme l’UEL, une seule tranche indiciaire par période de douze mois.

Une façon de contenter tout le monde, selon le secrétaire général : «Personne ne perd, et c’est plus facile à absorber pour l’économie», résume-t-il, égrenant la liste des autres propositions sur la table, comme l’instauration d’un panier de référence plus «durable» – qui ne tiendrait pas compte du prix des énergies fossiles, du tabac ou de l’alcool, ni des taxes issues du principe pollueur-payeur – ou encore la limitation de l’indexation à un certain niveau de revenus, pour éviter de creuser davantage les inégalités.

Il met aussi en garde sur les véritables enjeux de cette tripartite alors que, pour lui, les syndicats font fausse route : «La priorité est de discuter des fondements de notre économie, pas du maintien du pouvoir d’achat tous azimuts. On est en guerre !», assène-t-il. «Il est temps de se réveiller et de travailler, au lieu de continuer à déstabiliser nos entreprises avec des mesures qui ne font que réduire encore et encore le temps de travail, notre principal facteur de production dans l’artisanat.»

Travailler comme avant n’est déjà plus possible

Une réflexion qu’il veut mener au-delà des négociations qui débuteront la semaine prochaine, estimant qu’il est urgent de revoir complètement les modèles économiques traditionnels, secteur par secteur.

Car, dans la construction par exemple, travailler comme avant n’est déjà plus possible : «Aujourd’hui, établir un devis, au centime près, pour la fourniture d’un bâtiment dans trois ans, comme on l’a fait ces 30 dernières années, est inimaginable. Ce n’est plus jouable : on doit absolument changer de business model. On ne peut plus continuer à assumer tous les risques, préfinancer le tout et attendre une éternité avant d’être payés», explique-t-il, précisant que, pour l’instant, «on noie le poisson sans réelle solution».

Des solutions, il en faudra aussi rapidement dans des branches comme la boucherie, la boulangerie, ou l’alimentation, plus énergivores puisqu’elles assurent cuisson des denrées et maintien de la chaîne du froid : «Ces PME rencontrent actuellement des soucis comparables à certains secteurs industriels pour ce qui est de la facture énergétique», rapporte Romain Schmit.

Pour autant, la Fédération des artisans préfère ne pas revendiquer une intervention directe et généralisée du gouvernement, qui entraînerait «des effets contre-productifs sur le long terme. On sera amené à payer la facture tôt ou tard», lance ainsi le secrétaire général.

Sans parler du mauvais signal qui serait envoyé, alors même que l’artisanat est censé prendre le virage de la décarbonisation.

Autre secteur en plein stress : l’automobile rencontre de graves difficultés, avec des problèmes d’approvisionnement, mais aussi de réorganisation complète des réseaux de distribution, des nouvelles immatriculations en chute libre et une perte de chiffre d’affaires de 40 % d’une année sur l’autre.

La Fédération des artisans espère que des pistes favorables sortiront de ce comité de coordination tripartite, pour permettre enfin aux PME de souffler un peu, en pleine tempête.

Prêts à former et embaucher des réfugiés

Alors que le Luxembourg a déjà accueilli près de 3 000 réfugiés ukrainiens à ce jour, les artisans sont disposés à offrir formation et emploi à cette nouvelle main-d’œuvre, dans un contexte de pénurie pour certains : «Nous sommes très intéressés pour embaucher directement des travailleurs venus d’Ukraine, et pour cela, on est prêt à mettre en place des formations dans notre centre de Bettembourg – le plus important du pays – dans les domaines de la construction, du génie technique, ou encore du parachèvement», annonce Romain Schmit.

Une entrevue avec le ministre Jean Asselborn et Caritas est prévue prochainement, pour faciliter l’embauche de réfugiés, de manière plus générale, qu’ils soient originaires d’Ukraine ou d’ailleurs, car les entreprises font face à beaucoup de difficultés administratives.

«Les entreprises ont besoin d’intégrer ces gens parce qu’elles ne trouvent plus de main-d’œuvre ni au Luxembourg ni dans la Grande Région», indique le secrétaire général. «Tout réfugié qui recherche un emploi peut se présenter chez nous.»

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