Alors que les frais de roaming vont bientôt être de l’histoire ancienne, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) et des eurodéputés veulent s’attaquer au prix trop élevé des appels et SMS vers les pays européens.
Alors que l’Union européenne n’est plus qu’à quelques mois de la fin des frais d’itinérance (roaming), ou presque, certaines voix commencent à se faire entendre concernant la tarification des appels et des SMS vers l’étranger. À la différence des frais de roaming, la tarification des appels et des messages vers un pays étranger n’est pas soumise à une régulation.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) s’appuie sur une étude menée par des organisations nationales de consommateurs pour s’insurger contre des tarifs pour la zone Europe pouvant aller jusqu’à deux euros la minute pour des appels vers l’étranger et presque un euro par SMS.
On nous a rebattu les oreilles avec la fin du roaming, que l’on ne voit toujours pas arriver au passage, et on nous parle maintenant de tarifs excessifs vers l’étranger. Mais n’est-ce pas la même chose que le roaming? À première vue, on peut penser que si, mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que non.
Pour faire simple, le roaming, ou frais d’itinérance, est en application lorsqu’on appelle ou reçoit un appel quand on est physiquement à l’étranger. La tarification dite «internationale» (donc vers l’étranger), elle, s’applique lorsqu’on appelle vers l’étranger depuis son pays de résidence. «Concrètement avec un exemple luxembourgeois, quand on téléphone en étant au Grand-Duché vers un numéro étranger, on parle d’un tarif international et lorsqu’on téléphone depuis un numéro luxembourgeois en étant à l’étranger, on parle alors de roaming», souligne très simplement Luis Camara, Marketing Director de Tango.
Il faut dire qu’en réalité, c’est beaucoup plus complexe que cela, puisque les opérateurs entre eux doivent s’entendre sur l’utilisation des différentes infrastructures réseaux, ou encore sur le tarif des terminaisons d’appel, tout en faisant attention qu’un client dispose du même service, qu’il soit dans son pays ou bien à l’étranger.
Pour revenir aux tarifs des appels et des SMS vers l’étranger, Luis Camara explique : «Les montants mis en avant par le BEUC s’expliquent du fait qu’il n’y a pas de régulation au niveau de ces tarifs. Sans connaître le prix qu’affichent tous les opérateurs en Europe, je peux dire qu’il y en a qui mettent le paquet. Une autre raison qui peut expliquer ces tarifs, ce sont les personnes qui ont encore d’anciens produits et donc qui payent des tarifs souvent plus élevés qu’avec des produits plus récents.»
Des opérateurs sous pression
Si l’Union européenne est en passe de gagner son combat sur le roaming, elle n’a pas relâché ses efforts pour mettre la pression sur les opérateurs téléphoniques, qui au fil du temps ont constaté la réduction de leurs revenus et vu disparaître des produits phares avec l’évolution technologique. Il y a une dizaine d’années, le SMS était véritablement la vache à lait des opérateurs. Le SMS s’étant raréfié avec l’avènement des applications de messagerie comme WhatsApp, les opérateurs se sont tournés vers les données et le roaming.
Là encore, avec l’action de l’UE, les revenus en lien avec les frais d’itinérance vont baisser, et avec les derniers smartphones, il sera beaucoup plus facile pour l’usager de gérer sa connexion données. De plus, une directive européenne est en train de plafonner les tarifs des terminaisons d’appel (ce que paie un opérateur lorsqu’un appel est passé vers un autre opérateur), qui là aussi était une source de revenus significative pour les opérateurs qui se chiffre en millions d’euros.
«Le risque à terme, c’est que les opérateurs prennent du retard sur l’optimisation et l’efficacité des infrastructures, mais aussi de voir les investissements diminuer, alors que nous sommes dans un secteur qui a besoin d’un investissement constant et élevé dans l’innovation et la technologie», explique Luis Camara avant d’ajouter : «Un autre effet sur le consommateur, c’est l’augmentation des prix du téléphone. Avant, l’appareil était offert avec un abonnement, maintenant il faut le payer.»
Jeremy Zabatta
« Cette pratique doit disparaître »
Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), souligne que «payer des frais exorbitants pour appeler vers un autre pays européen est contraire à l’esprit du marché unique. Cette pratique des opérateurs télécoms doit disparaître. Les consommateurs et les entreprises de téléphonie ont tout à gagner d’appels internationaux moins chers.
Si les consommateurs européens hésitent moins à passer un appel par peur d’une facture salée, les opérateurs en profiteront également. Si l’Union européenne veut créer un marché numérique unique bénéfique pour les consommateurs, une manière d’y arriver est de réduire les coûts élevés des appels et SMS internationaux.» Si le raisonnement du BEUC semble cohérent, la question est de savoir combien de temps va mettre l’UE pour faire disparaître cette pratique, alors qu’elle a mis dix ans pour venir à bout du roaming.
Le Luxembourg ne fait pas exception
Les opérateurs télécoms du pays pratiquent également ce genre de tarifs, mais dans une moindre mesure.
Dans une étude menée par des organisations nationales de consommateurs concernant la tarification des appels et SMS vers l’étranger, il n’est pas fait mention du Luxembourg. Pourtant les opérateurs affichent des prix d’appel vers l’étranger (pour la zone Europe) qui sont également assez élevés. S’il est toujours difficile d’y voir clair dans les tarifs publiés par les opérateurs luxembourgeois, on peut tout de même situer le prix des appels vers l’étranger entre 0,1933 euro par minute et 0,47 euro par minute.
Pour les SMS, les prix varient entre 0,069 euro et 0,1424 euro par SMS. Ces prix, sans être excessifs, sont tout de même plus chers que les tarifs du roaming, plafonnés à la baisse par l’Union européenne depuis le 30 avril dernier. Pour rappel, un appel en roaming aujourd’hui ne peut dépasser le tarif d’un appel national, plus un maximum de 5 cents par minute.
La solution pour ne pas payer plein tarif est évidemment de prendre un forfait ou bien un abonnement qui inclut ce type d’appel. «Contrairement à d’autres pays, nous faisons quand même attention à notre tarif vers l’étranger. En règle générale, lorsqu’un client a un abonnement, les tarifs vers l’étranger sont compris dans le forfait, ce qui au final revient moins cher que la tarification de base», souligne Luis Camara, Marketing Director de Tango. Mais là encore, il faut faire attention à ce que comprend l’abonnement en question et les termes employés par les opérateurs, comme celui «d’illimité». «Nous n’utilisons que très rarement ce terme qui est faux. On préfère celui de «bon père de famille», car l’illimité n’existe pas vraiment, même s’il est difficile de dépasser le quota prévu dans ce cas-là», souligne-t-on chez Tango.
J.Z.
LE CHIFFRE : 1,99
L’étude menée par des organisations nationales de consommateurs montre les tarifs d’appels et SMS vers l’étranger de près d’une quinzaine de pays. Ils vont de 5 cents la minute en Slovénie à 1,99 euro la minute en Allemagne.
La Belgique est le second pays où les opérateurs facturent les tarifs les plus élevés, jusqu’à 1,50 euro par minute. La France se situe en milieu de classement avec des tarifs pouvant atteindre 67 cents par minute.
Pour les SMS vers l’étranger, la Belgique (entre 37 et 40 cents) et l’Allemagne (entre 13 et 29 cents) ne sont pas en dessous du tarif moyen des pays recensés dans l’étude en question, puisque ce dernier est de 25,31 cents, mais il est loin des 80 cents des opérateurs danois.