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Mendicité : le procureur Oswald a tranché


Le procureur d’Etat de Luxembourg a déclaré que la mendicité simple n’était plus considérée comme une infraction depuis 2008. L’opposition lui dit merci. (photo archives LQ)

Le règlement communal qui bannit la mendicité sous toutes ses formes n’a pas de base légale. La mendicité simple n’est plus une infraction depuis 2008. Ainsi a parlé le procureur d’État de Luxembourg.

Deux camouflets coup sur coup pour le ministre Léon Gloden, mercredi, dans le dossier concernant l’interdiction de la mendicité décidée par la Ville de Luxembourg et autorisée par son ministère. Sur les ondes de RTL radio, le procureur d’État de Luxembourg, Georges Oswald, a tranché la question de la base légale en déclarant, mercredi matin, que la mendicité simple n’était pas une infraction pénale depuis 2008.

Dans l’après-midi, la pétition réclamant la possibilité pour chacun de mendier a atteint les 4 500 signatures nécessaires pour prétendre à un débat à la Chambre des députés. La présidente de la commission des Pétitions, Francine Closener, a déclaré sur les réseaux sociaux que rarement un succès était arrivé aussi rapidement. Et d’annoncer de nouvelles discussions sur ce thème.

La question est de savoir combien de temps encore il faudra discuter. Le procureur d’État a été très clair dans ses explications qui rejoignent celles livrées par l’opposition depuis le début de cette polémique. La loi de 2008 sur la libre circulation et l’immigration a aboli l’interdiction de la mendicité simple, par erreur certes, comme le conçoit le procureur, mais le texte est ainsi paru au Mémorial et demeure applicable à la lettre.

Le ministre Gloden, la députée-maire Lydie Polfer et la ministre de la Justice, Elisabeth Margue, tous juristes, ont beau affirmer le contraire, la loi c’est la loi et le règlement communal n’a pas de base légale, selon le procureur. Ses propos ont rassuré l’opposition, qui n’a de cesse de répéter les mêmes conclusions. L’ancienne ministre de la Justice, Sam Tanson (déi gréng), et l’ancienne ministre de la Santé, Paulette Lenert, toutes deux juristes également, ont apprécié le soutien du procureur et l’ont fait savoir sur la toile.

Frustrés de ne pas avoir pu participer à la commission jointe Justice/Affaires intérieures prévue mercredi, les adversaires de la majorité se sont consolés avec la sortie de Georges Oswald. Les verts ont demandé, toutefois, que la réunion soit reprogrammée après avoir été annulée à cause de la tenue d’une cellule de crise déclenchée en raison des conditions météorologiques qui ont paralysé le pays.

Le ministre de l’Intérieur, Léon Gloden, et sa collègue de la Justice, Elisabeth Margue, n’échapperont pas au feu des critiques de l’opposition, d’autant que le représentant du parquet indique bien que le règlement ne fait aucune différence entre les formes de mendicité, qu’elle soit simple ou agressive. Les policiers ne peuvent pas faire le tri, contrairement à ce que martèle la majorité.

Jurisprudences balayées

Reste qu’une solution juridique doit être trouvée. La mendicité agressive et en bande organisée est déjà poursuivie depuis 2001, avec des résultats qui ne donnent pas satisfaction à Lydie Polfer, comme elle l’expliquait à la tribune de la Chambre des députés. Elle a donc ratissé large en interdisant toute forme de mendicité, comme l’avaient fait avant elle les communes de Diekirch et d’Ettelbruck.

La base légale n’existe pas pour chercher des noises au malheureux qui tend son gobelet sans piper mot. Pour cela, il faudrait rétablir l’infraction de mendicité simple dans une loi, comme l’exige la Constitution : «Toute limitation de l’exercice des libertés publiques doit être prévue par la loi et respecter leur contenu essentiel», dispose l’article 37.

Si le gouvernement décide de résoudre le problème une bonne fois pour toutes en modifiant la loi dans le but de corriger la faute d’étourderie commise en 2008, il sera alors en contradiction avec un arrêt de 2021 de la Cour européenne des droits de l’homme, pour qui l’interdiction de la mendicité simple est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

Là encore, Léon Gloden trouve à redire. Cette jurisprudence strasbourgeoise concerne, selon lui, un cas particulier de mendicité pas comparable avec l’interdiction que la Ville de Luxembourg entend opérer. Il rejette l’idée d’une violation de la Convention.

La position du parquet dans ce dossier pèse désormais de tout son poids dans le débat. Des jurisprudences ont beau pencher dans la même direction, la majorité les ignore allègrement. Reste à savoir pour combien de temps.

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