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Le Luxembourg manque de moyens pour lutter contre le blanchiment d’argent


Werner Langer (à g.), président de la commission PANA, s'entretiendra en mai avec Jean-Claude Juncker, pour faire la lumière sur les «anciennes» pratiques du Luxembourg. (Photo : DR)

De passage dans le pays, la commission PANA a mis en avant le manque de moyens du Luxembourg pour faire face au blanchiment d’argent.

Vendredi, une délégation de la commission Panama (PANA) du Parlement européen, présidée par le Dr Werner Langen (PPE, DE), a exposé ses premières conclusions sur les pratiques en matière d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent révélé par les affaires LuxLeaks ou encore plus récemment par le scandale Panama Papers.

Le but de cette commission PANA, de passage au Luxembourg, était de s’entretenir avec les différents acteurs confrontés de près ou de loin dans le pays à l’affaire Panama Papers : du ministre des Finances, Pierre Gramegna, aux sociétés comme KPMG et PWC, en passant par la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier), quelques banques et sociétés de la Place ou encore des journalistes.

L’idée générale de cette commission PANA n’est pas de punir les fraudeurs, même si elle n’exclut pas de prendre des mesures contre les sociétés incriminées en leur interdisant par exemple l’accès aux institutions européennes pour y faire du lobbying, mais bien de tirer les leçons de ces scandales à répétition et d’adopter des mesures fortes en matière de blanchiment d’argent et de régulation fiscale. «Nous avons été bien accueillis au Luxembourg, et nous avons rencontré plusieurs acteurs économiques. Par contre, un certain nombre de sociétés n’ont pas répondu à nos sollicitations d’entretien, ce qui est assez déplorable», a souligné Sven Giegold (Verts), membre de la commission PANA. D’ailleurs la banque luxembourgeoise BIL, qui par le biais d’une de ses filiales a largement participé aux pratiques décrites dans les Panama Papers, n’a pas répondu à l’appel de cette commission. Ni Guy Arendt, secrétaire d’État à la Culture, qui est apparu dans les Panama Papers. À la décharge de ce dernier, il n’aurait pas reçu d’invitation de la part de cette commission.

Juncker entendu en mai

Selon la commission PANA, près de 403 sociétés au Luxembourg ont été épinglées dans l’affaire Panama Papers, sur 15 000 dans le monde. Sur cette grosse poignée de sociétés, la CSSF n’a entrepris des enquêtes que sur 73 sociétés. Un faible nombre qui interpelle Sven Giegold, qui soulève la question de la capacité du Luxembourg à gérer ce genre d’affaire. En effet, le pays ne dispose que de trois procureurs compétents en la matière et la CSSF ne compte qu’une quinzaine de personnes au sein de la Cellule de renseignement financier (CRF) pour gérer près de 30 000 signalements douteux par an de la part des banques de la place luxembourgeoise. Un effectif bien insuffisant pour dissuader les fraudeurs ou les sociétés capables de montages financiers complexes jouant sur les failles réglementaires.

Autre point soulevé par la délégation, le très faible nombre de cas suspect signalé par les cabinets d’avocats d’affaires, avec seulement 25 cas signalés par an. «Il y a effectivement un grand nombre d’interrogations sur la capacité de la CSSF, qui ne semble pas pouvoir surveiller ce qui a trait au «shadow banking» ni le grand nombre de cas signalés par les acteurs économiques. À titre d’exemple, en Allemagne, pas moins de 16 institutions font ce travail de surveillance», a expliqué Werner Langen.

Du côté du gouvernement luxembourgeois, ce dernier semble vouloir faire table rase du passé. Pierre Gramegna ne s’est d’ailleurs pas privé de rappeler jeudi à Werner Langen que le Grand-Duché a, depuis, adapté sa législation face à ces procédés douteux. Ce qui n’est pas faux, mais ce qui n’est pas suffisant non plus aux yeux de Sven Giegold qui a souligné que beaucoup de zones d’ombre restent à éclaircir et que le Luxembourg devrait arrêter de tirer le frein à main au niveau européen concernant des sujets visant à mettre en place des mesures plus fortes en matière de régulation ou encore sur des sujets d’harmonisation fiscale.

Au terme d’un long processus et de plusieurs entretiens avec des acteurs clés dont, en mai, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, en sa qualité d’ancien Premier ministre et ministre des Finances luxembourgeois, la commission PANA publiera son rapport où seront formulées des recommandations pour les États membres et les sociétés actives dans l’Union. Les membres de cette délégation ont également laissé entendre qu’elle s’attardera aussi sur les dispositions à mettre en place pour renforcer les mesures visant à protéger les lanceurs d’alerte.

Jeremy Zabatta

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