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Lacrosse : « Construire une équipe qui change les choses »


L’équipe, en partie, de la sélection nationale et des Blacksmiths, le seul club de lacrosse du pays. (Photos : julien garroy)

Depuis 2017, la fédération nationale de lacrosse et son unique club, les Blacksmiths, à Luxembourg, sont en construction afin d’attirer des joueurs prêts à découvrir ce sport encore très méconnu au Grand-Duché.

Après les jeunes rugbymans du CSCE Rugby, un drôle de spectacle se joue sur le terrain du stade Gust Jacquemart à Luxembourg les mardis et vendredis soir. Un but de handball sur herbe, des crampons de foot, des casques de football américain, des coudières de hockey et une balle de gomme qui s’échange en l’air à l’aide d’une crosse, voilà à quoi ressemble la scène. Méconnu, le sport à l’origine de ce mélange des genres a un nom : le lacrosse.

Outre un équipement qui interroge, les règles du lacrosse ne sont pas des plus simples à comprendre. Chacun des joueurs à l’entraînement des Blacksmiths Luxembourg, seul club de lacrosse du pays, apporte une comparaison différente avec un autre sport : «on attaque et défend un peu comme au handball», «les limites du terrain, c’est comme celui du hockey», «il y a des retours en zone comme au basket». Pour faire simple, ce sport d’origine amérindienne (lire ci-contre) consiste à marquer, à 10 contre 10 ou 6 contre 6, dans la cage avec la balle qui s’échange en passant par le petit panier en filet situé au bout de la crosse. En bord de terrain, les transmissions sont d’une rapidité et d’une intensité impressionnantes. Les contacts aussi.

Réputé comme étant un sport de contact, au même titre que le football américain dont le plastron et le casque sont les mêmes, le lacrosse peut laisser des traces. «Pour protéger sa maison, il ne faut pas avoir peur d’aller au contact. On n’est pas à l’abri de se prendre un coup de crosse», confie Alexandre, joueur depuis quatre ans.

Tournoi européen au Portugal

Le lacrosse n’en reste pas moins un sport de dextérité et de rapidité qui a séduit Alexandre, avec «le contact et les gestes techniques», lorsqu’il l’a découvert aux États-Unis, pays roi de la discipline. Après son expérience américaine, le jeune Allemand a découvert un autre monde. S’il existe des ligues professionnelles outre-Atlantique, le niveau reste amateur en Europe. Pour un petit pays comme le Luxembourg, il existe un seul club, les Blacksmiths, et une sélection nationale, composé finalement des mêmes joueurs. «On n’est pas les meilleurs, mais ça me plaît, il y a une bonne ambiance.»

Du 23 au 25 février, les Luxembourgeois étaient au Portugal, à Faro, afin de participer au tournoi EuroLacrosse. Ils s’y sont classés douzièmes sur les douze sélections présentes. Une dernière place loin d’être honteuse vu la redoutable concurrence, à l’image de la Grande-Bretagne, «dix fois plus forte que tout le monde», fait savoir Henning Schmidt, le coach de la sélection. «Le tournoi nous a permis d’apprendre le 6 contre 6 avec le reste du monde» et surtout de créer une cohésion d’équipe. Petit à petit, «on espère construire une équipe qui change les choses». Prochaine échéance : un nouveau tournoi à Gand, en Belgique, le 31 mai.

Le but du lacrosse : expédier la balle dans un but à l’aide d’une crosse, le tout en évitant de rudes contacts.

D’ici là, les joueurs devront se contenter de deux entraînements par semaine, car, pour la plupart, leurs seuls matchs ont lieu lors des rencontres internationales. «Avant, on jouait dans la ligue belge à 10 contre 10, mais on a décidé d’arrêter», explique Alexandre. Une décision qui s’explique par les six heures de route nécessaires pour disputer un match mais aussi par le manque de joueurs.

C’est là que le bât blesse pour le lacrosse au Grand-Duché. Dans un communiqué publié au début de la saison, les dirigeants de la fédération s’inquiétaient des difficultés à mobiliser sa cinquantaine d’adhérents pour mettre des choses en place. «Si nous ne sommes pas en mesure de le faire, nous risquons de devoir fermer le club si rien ne change», pouvait-on lire dans cette alerte.

«Retrouver l’engouement»

Avec «une vingtaine d’actifs» selon Alexandre, le club de la capitale, créé en 2016 et soutenu par le Comité olympique et sportif luxembourgeois, la Ville de Luxembourg et le ministère des Sports, est «en phase de construction autour d’un noyau dur de joueurs qui vient aux entraînements et en attirera d’autres». La sélection et les Blacksmiths ont pourtant déjà connu une phase d’engouement en 2017. Cette année-là, les Luxembourgeois participaient à la Coupe du monde de lacrosse en Israël et créaient à cette occasion la fédération nationale, la Luxembourg Lacrosse Federation. Une grande première dont l’élan est stoppé net par la pandémie de Covid-19. «Depuis la reprise, on cherche à retrouver l’engouement d’avant 2018.»

Pour attirer des joueurs, la fédération peut notamment compter sur Nirav Haria, joueur et responsable commercial-marketing qui chapeaute la communication et les projets de promotion. «Nous avons une collaboration avec le lycée Guillaume-Kroll d’Esch pour intégrer le lacrosse au programme d’éducation physique et sportive de l’école», explique-t-il. Dans le futur, quatre autres établissements devraient aussi être de la partie, ce qui pourrait permettre d’accomplir un objectif : «créer une équipe de jeune pour intégrer la ligue belge et se développer sur le long terme». Un autre souci est le manque de joueuses. Il n’existe aucune équipe féminine alors même que la version féminine du lacrosse est «un sport avec d’autres règles, plus technique et rapide».

Bien que les règles du lacrosse féminin diffèrent de celles de la version masculine, hommes et femmes s’entraînent ensemble en attendant une équipe féminine.

Bien qu’il s’agisse d’un sport «compliqué à expliquer en quelques mots», selon le propre aveu du communicant, ce dernier croit en la convivialité et la singularité de ce sport. Pour l’instant, l’équipe senior ouvre ses portes à tous les niveaux et promet une «ambiance décontractée», «même si nous essayons de nous professionnaliser», assure Brad, joueur depuis trois ans et demi.

Programmé aux Jeux olympiques de 2028 après 80 ans d’absence et une démonstration lors des Jeux de 1948, le lacrosse bénéficiera certainement d’une belle vitrine, dont la Luxembourg Lacrosse Federation pourrait profiter. Au point d’y participer? «Il n’y a rien d’impossible, mais il faut être honnête. L’objectif dans cinq à dix ans, c’est d’être dans les dix premiers en Europe», sourit Henning Schmidt, en prenant l’exemple de «l’équipe de rugby, qui a mis 50 ans avant d’avoir une équipe visible».

Un sport traditionnel amérindien

Codifié pour la première fois en 1867 par le Canadien William George Beerse, le lacrosse est un sport collectif d’origine autochtone amérindienne pratiqué depuis plusieurs siècles sur le continent américain. Le lacrosse remplissait plusieurs fonctions : régler divers problèmes entre les villages, entretenir l’état physique des hommes et alimenter une dimension religieuse. Le terrain pouvait s’étendre sur des centaines de mètres, voire des kilomètres.

Lorsque les Européens arrivent sur le continent, ils découvrent ce sport et, dans les années 1830, la discipline se démocratise sur le Vieux Continent. Le Lacrosse gagne notamment en popularité à la suite du voyage, en 1867, d’un groupe de seize joueurs issus de Kahnawake, une réserve indienne canadienne, et de joueurs amateurs du Montréal Lacrosse Club. Depuis, le lacrosse est le seul sport avec une équipe d’Amérindiens pouvant s’aligner dans les compétitions sur le plan international. Depuis 1990, la Fédération internationale de crosse (World Lacrosse) compte parmi ses membres une sélection composée uniquement d’Iroquois : les Iroquois Nationals.

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