Accueil | A la Une | La laborieuse coopération entre le Luxembourg et le Burkina Faso  

La laborieuse coopération entre le Luxembourg et le Burkina Faso  


En 2016, Xavier Bettel avait rencontré l’ancien président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, lors d’une visite de travail.  (photo : hervé montaigu)

Depuis 1996, le Luxembourg œuvre étroitement avec le Burkina Faso dans le cadre d’une coopération bilatérale, souvent malmenée par des tensions politiques et des coups d’État en cascade.

L’histoire de la Haute-Volta, devenue Burkina Faso sous Thomas Sankara, est jalonnée de putschs, de politiques sécuritaires et de répressions étatiques, qui ont noyé le pays dans les crises politiques les plus immuables du continent africain. L’indépendance, acquise en 1960, avait pourtant alimenté les aspirations de la population, désireuse de développement social et de croissance économique.

Les débuts de cette nouvelle nation, rythmés par une alternance de périodes d’exception et de démocratie parlementaire, sous fond de pauvreté accrue, sont très vite détériorés par une succession de coups d’État retentissants, qui porteront respectivement Saye Zerbo, Jean-Baptiste Ouédraogo puis Thomas Sankara à la tête du pouvoir.

La politique panafricaine et à orientation marxiste de ce dernier marquera les esprits, bien au-delà du Burkina Faso, mais son assassinat, en 1987, et la prise de pouvoir par Blaise Compaoré dans la foulée scelleront brutalement cette parenthèse, qui n’aura duré que cinq petites années.

Une coopération ambitieuse

C’est dans ce contexte tumultueux et branlant que les contours de la coopération entre le Luxembourg et le Burkina Faso commencent à se dessiner. Malgré la prise de pouvoir illégale et l’instabilité politique qui règne dans le pays des Hommes intègres, l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum et la tenue d’une élection offrent un terrain propice à une collaboration entre les deux gouvernements.

La présence de nombreuses ONG sur le terrain motive le Grand-Duché à choisir le Burkina Faso comme pays partenaire d’une coopération bilatérale, dont les grandes lignes seront formalisées dans un accord général, le 27 octobre 1999.

Le document énonce ainsi les différentes formes que pourra revêtir cette entente, soit en «un soutien financier à des organisations publiques ou privées» ou en «une mise à disposition de personnes qualifiées». Le Luxembourg se garde tout de même d’une quelconque «ingérence dans les affaires politiques du Burkina Faso», alors que les différentes mandatures de Blaise Compaoré sont empreintes de meurtres d’opposants, d’émeutes, notamment dans le camp universitaire, et d’une répression policière plus que sanglante.

Les années 2000 sont celles de l’espoir et de l’optimisme dans cette coopération. Un programme indicatif de coopération (PIC) est mis en place dès 2003, permettant ainsi à Lux-Dev, une agence luxembourgeoise dont les missions s’articulent autour de l’éradication de la pauvreté, de bénéficier d’une enveloppe financière pour œuvrer sur le terrain.

La stratégie est claire : prioriser les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’artisanat, tout en promouvant des technologies écologiques adaptées et des mesures visant la protection et la restauration des écosystèmes. Une vaste entreprise, renouvelée en 2007 par la signature du PIC II, dont le financement s’élevait à 62,9 millions d’euros pour une période s’étalant de 2008 à 2012.  

Une collaboration sur fond d’instabilité

C’était sans compter sur l’esprit contestataire et impétueux du peuple burkinabè, qui se révolte à l’orée de l’année 2011 pour dénoncer la mort suspecte d’un élève, battu par des policiers, alors que la misère populaire et l’autoritarisme du pouvoir en place ne cessent de croître. Quelques années plus tard, en 2014, un soulèvement populaire animé par les mêmes velléités démocratiques et libérales, force Compaoré à lâcher l’appareil d’État :

«En raison notamment de retards accusés dans le déboursement des fonds et des changements sociopolitiques récents, le PIC II a été prolongé à deux reprises pour finalement prendre fin en décembre 2016, ceci avec l’augmentation de son enveloppe financière à hauteur de 30 millions d’euros», expliquait alors le gouvernement luxembourgeois à cette période. Le Grand-Duché prend acte du climat social et politique burkinabé et collabore étroitement avec le nouveau référentiel pour la stratégie de développement du Burkina dans l’élaboration du troisième PIC, dont l’objectif est la construction d’une «nation démocratique, unie et solidaire, et à même de structurellement transformer l’économie burkinabè».

Des chantiers à partir de 2017

D’importants chantiers, portés notamment par Lux-Dev, SOS Faim et des agences des Nations unies, prennent place à partir de 2017 : des terres dégradées en milieu pastoral sont récupérées, une connectivité internet est fournie dans plus de 700 bâtiments de l’administration et l’accès des adolescents aux services de qualité en matière de santé sexuelle et de reproduction est accru.

L’extension territoriale du terrorisme dans l’arc sahélo-saharien à partir de 2016 aura maintes fois menacé la coopération entre les deux pays, à l’instar du coup d’État de janvier 2022 qui avait renversé le président Roch Marc Christian Kaboré au profit de Paul-Henri Sandaogo Damiba : «La signature d’un nouveau programme indicatif de coopération, prévue pour le 8 février 2022, n’aura pas lieu à cette date», avait alors déclaré le gouvernement luxembourgeois.

Des propos repris par le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, Franz Fayot, dans une réponse parlementaire adressée aux députés déi gréng, Stéphanie Empain et Djuna Bernard, qui s’interrogeaient sur les conséquences du putsch de septembre : «Dans le contexte actuel, et en l’absence d’un nouveau programme indicatif de coopération, la coopération luxembourgeoise est mise en œuvre sur base d’une stratégie de transition, adaptée à la situation dans le pays», concluait Franz Fayot. Le Burkina reste, tout de même, le septième pays le plus aidé par le Luxembourg.