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Isabelle, atteinte de sclérose en plaques : «Je pensais que c’était de ma faute»


"J’ai fini par me dire que je n’étais pas assez persévérante, que je commençais tout sans jamais rien finir", se désole Isabelle. (illustration Fabrizio Pizzolante)

Isabelle Cames n’avait pas 20 ans aux premières poussées de sa sclérose en plaques. Elle a dû tenir, entre souffrance et incompréhension, jusqu’au diagnostic, à 46 ans.

C’est en 2006 qu’Isabelle Cames apprend qu’elle est atteinte de sclérose en plaques. La forme secondaire progressive, celle qui survient après des années de poussées. Et pour cause, cela fait alors plus de 26 ans que, malgré les consultations, aucun médecin n’a jamais rien décelé.

Enfin, à 46 ans, elle peut mettre un nom sur ce qui lui arrive : «Ça a été un soulagement énorme. J’ai presque fêté ça ! Je comprenais enfin ce qui se passait avec mon corps», raconte la jeune retraitée, âgée de 61 ans aujourd’hui.

Les premières poussées la frappent peu avant ses 20 ans : «Je traversais des épisodes de fatigue extrême, d’un moment à l’autre. Parfois, c’était des fourmillements dans les bras, les jambes, ou des problèmes d’équilibre. Aucun problème de marche, donc personne n’a pensé à la sclérose en plaques», déplore-t-elle, car à l’époque – et encore trop souvent aujourd’hui, la maladie est associée à des problèmes moteurs.

Un peu plus tard, vers 25 ans, nouvelle poussée : «Au travail, un étage me séparait de mon chef. Si bien que je montais et descendais des escaliers sans arrêt. Mais parfois, brutalement, je n’y arrivais pas. Et puis, la semaine suivante, ça allait», décrit-elle. Là encore, elle consulte : «Le docteur s’est contenté de me dire que je n’étais pas en forme.»

«Mon rêve, c’était la recherche»

Sans diagnostic, la jeune femme se culpabilise : «Toutes ces années, je me suis mis énormément de pression parce que je pensais que c’était de ma faute. Quand j’ai repris des études à 31 ans dans le domaine des affaires, j’étais très motivée, pourtant, au moment de travailler, je m’effondrais. Si j’avais envie de faire du sport avec mes amis, il m’était impossible de suivre leur rythme. J’ai fini par me dire que je n’étais pas assez persévérante, que je commençais tout sans jamais rien finir.»

Malgré cela, Isabelle Cames décroche un doctorat en management. Une brillante carrière l’attend. Malheureusement, la sclérose en plaques lui barre la route : «La maladie a eu beaucoup de conséquences sur ma vie professionnelle. Je n’ai pas pu faire ce que j’aurais voulu. Mon rêve, c’était la recherche», confie cette spécialiste des droits des femmes, qui occupera successivement des postes de secrétaire de direction puis d’employée, avant d’obtenir une pension d’invalidité.

«J’ai travaillé à mi-temps dans un boulot qui ne me plaisait pas plus que ça. Mes troubles cognitifs me gâchaient la vie. J’avais des soucis de concentration, de mémoire, et ce brouillard qui empêche de penser, appelé brain fog. Je ressens une grande frustration par rapport à tout ça», regrette-t-elle.

Dans ce marasme, Isabelle Cames a eu la chance d’être entourée et soutenue par son mari et sa fille. La petite avait 8 ans quand le diagnostic est tombé. «Je ne pouvais pas faire beaucoup d’activités avec elle. J’aurais voulu assister à ses matches de basket», se souvient-elle, émue. Par contre, la vie sociale, très limitée, a parfois engendré des accrocs : «Il arrive que je refuse des invitations simplement pour ne pas avoir à les annuler au dernier moment parce que je ne sais pas si, ce jour-là, j’en serai capable. Les gens ne comprennent pas.»

«Non, on n’est pas forcément en fauteuil»

Si le diagnostic a amené une forme d’apaisement, il n’a pas permis de soulager les symptômes d’Isabelle, sa maladie ayant atteint une phase pour laquelle il n’y a pas de traitement. Dans son cas, le quotidien est marqué par des maux de tête incessants, 24 heures sur 24, depuis des années, dus à des lésions cérébrales. Des neurostimulateurs posés dans son crâne rendent la douleur plus supportable mais ne la suppriment pas.

Puis, la fatigue. Elle a tendance à augmenter avec le temps, entraînant un sérieux déficit d’énergie. Les troubles cognitifs s’accentuent aussi : «Des fois, je lis un roman et je dois m’arrêter au bout de 10 minutes parce que je ne sais plus ce que je lis», précise-t-elle.

C’est dans la foi qu’elle parvient à se ressourcer : «Ça me donne de la force et m’aide à ne garder que les choses positives de la vie», confie-t-elle. Une philosophie de vie qui l’a aidée, il y a dix ans, quand il a fallu vaincre un cancer, car la vie ne lui a décidément rien épargné.

À la veille de la journée mondiale de la Sclérose en plaques, Isabelle Cames plaide pour que les médecins généralistes soient mieux formés, et elle veut aussi en finir avec certains préjugés : «Non, on n’est pas forcément en fauteuil roulant quand on a une sclérose en plaques. Il y a énormément de symptômes différents et beaucoup sont invisibles. On ne fait pas semblant, comme j’ai pu l’entendre parfois», insiste-t-elle. «Être positive, c’est une décision que je prends tous les jours. Mais cela ne diminue pas mes symptômes.»

Christelle Brucker

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