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Paulette Lenert : «Il n’y a pas de raison de ne plus être optimiste»


«La solidarité est essentielle et la capacité contributive n’est pas égale, mais nous avons besoin de tous les métiers dans une société.»

La ministre de la Santé, Paulette Lenert, tête de liste pour les socialistes, tente de répondre calmement aux critiques de ses opposants et poursuit son travail tout en battant campagne. Grosse pression.

Vous êtes la tête de liste du LSAP pour ces élections et vous êtes interpellée de toutes parts pour la politique santé des socialistes, accusés de tous les torts par les opposants et surtout d’immobilisme. Est-ce de la mauvaise foi ?

Paulette Lenert : Nous avions un programme gouvernemental ambitieux et la pandémie nous a coûté beaucoup de temps, d’énergie et nous a obligé à ouvrir de nouveaux dossiers. Le programme s’est donc dédoublé pendant un moment. Je pense notamment à la réserve sanitaire que nous cherchons à pérenniser.

Nous nous sommes aussi restructurés en interne en ouvrant de nouvelles divisions, comme la santé sociale, par exemple. Nous étions le premier pays à faire l’exercice d’évaluation de l’OCDE et cela a représenté beaucoup de travail pour nos équipes. Ce travail était primordial aussi pour avoir un regard extérieur. Ces projets se sont ajoutés à l’agenda, déjà chargé. De l’immobilisme, certainement pas!

La politique santé, c’est aussi un problème d’infrastructures…

Nous avons, en effet, d’importants projets d’infrastructures qui ont non seulement pris du retard, mais qui ont été revus à travers le prisme du covid, avec des adaptations à ce type de pandémie. Nous avons précipité les nouvelles maisons médicales et les avons adaptées pour de nouvelles prises en charge qui sont apparues alors que nous avons dû ouvrir des « centres covid ».

Ces maisons médicales ont été repensées pour pouvoir servir dans de telles situations d’urgence. Tout cela est couplé à une énorme pression démographique qu’il faut absorber et qui reste unique en Europe, mais nous avons, malgré tout, réussi à maintenir le même investissement par habitant. Il faut suivre cette évolution et s’adapter en permanence, ce qui demande beaucoup d’efforts pour accélérer les projets autant que faire se peut. On ne peut pas construire un hôpital du jour au lendemain.

Justement, le secteur extrahospitalier est un élément capital pour désengorger les hôpitaux, mais vos positions sont très critiquées à ce sujet…

Oui, le secteur extrahospitalier est crucial, tout comme l’indispensable collaboration avec les hôpitaux. Il n’est pas question de les dresser l’un contre l’autre, mais de travailler ensemble pour le bien du patient. Nous avons développé le plan national santé en pleine pandémie et j’étais contente d’obtenir un accord politique pour ce plan qui donne les priorités pour les années à venir avec un fort accent mis sur plusieurs aspects.

Il y a d’abord le renforcement de la médecine primaire avec des nouveaux modèles de centres médicaux répartis sur le plan régional pour renforcer cette collaboration entre les médecins et leur permettre à eux aussi de profiter d’un meilleur équilibre vie-travail.

Le manque de personnel que l’on rencontre au Luxembourg est un problème que partagent tous les pays européens, il suffit de lire la presse étrangère pour s’en rendre compte. Je serai ministre de la Santé jusqu’au dernier jour de cette législature et j’essaie d’évacuer un maximum de projets sur lesquels on s’est engagés.

Lesquels figurent encore sur la liste ?

Les groupes de travail avec les acteurs de terrain ont participé à l’élaboration du plan national santé mentale, présenté il y a quelques semaines, je viens de présenter le plan national fin de vie, il reste encore la prochaine mouture du plan national cancer. Le travail continue. Je ne suis pas quelqu’un qui va minimiser les problèmes.

Mon devoir est de faire une analyse critique de l’existant pour réaliser les ajustements nécessaires et on doit nommer les problèmes, mais quand on le fait, l’opposition nous saute dessus en disant : « Voilà, ils sont en aveu d’échec! ». Je ne vais pas esquiver les problèmes, je les vis comme les autres, mes amis me les rappellent sans arrêt et donc je vais bien sûr les nommer pour y remédier en connaissance de cause.

C’est comme un immeuble sur lequel il faut faire des réparations de temps en temps, mais on ne va pas reconstruire à chaque fois tout l’immeuble. C’est normal que l’on fasse des ajustements, mais il faut toujours bien réfléchir en abordant le problème et trouver des solutions.

La discussion autour des IRM s’amplifie toujours davantage, vous ne pouvez pas y être insensible…

Le Luxembourg a pris l’option, en 2018, de garder les investissements importants pour les hôpitaux, dans un souci de qualité. Nous finançons de bons équipements de pointe et nous ne voulons pas intégrer une logique commerciale et mercantile dans ce domaine.

Oui, mais les délais restent longs…

Mon prédécesseur, Étienne Schneider, avait déjà augmenté le nombre d’appareils de 7 à 11 et nous en serons à 13 en 2023. Je connais le souci des délais pour réaliser une IRM, mais avec la nouvelle loi, nous allons tripler les capacités, avec huit centres supplémentaires, donc c’est un faux problème.

Je m’inquiète davantage en ce qui concerne les infrastructures car elles ne suivent pas la cadence, il faut accélérer les procédures, surtout que tous les hôpitaux ont des projets d’agrandissement des services d’urgence qui sont à la limite de leurs capacités, comme j’ai pu le constater lors d’une visite des services au début de l’été. Les projets d’agrandissement sont là, mais il y a un laps de temps à respecter pour les réaliser.

Nous avons néanmoins la chance de ne pas avoir cette discussion autour des déserts médicaux comme elle existe dans d’autres pays. Disons qu’elle est moins intense chez nous parce que nous n’avons pas de longues distances à parcourir pour nous faire soigner. Je suis contente de voir certains médecins s’exprimer dans les médias pour dire combien c’est important de concentrer les compétences et de ne pas faire tout partout. Offrir un service de qualité, c’est aussi regrouper les compétences.

«Nous sommes les seuls à défendre la justice sociale et c’est un équilibre nécessaire dans un gouvernement. Si la solidarité disparaissait (…), ce serait inquiétant.»

Quid des centres médicaux qui sont une solution au problème ?

Les centres médicaux qui pourraient soulager les services d’urgence sont un point important de notre programme électoral. Souvent, la maison médicale est mal connue, alors que l’on n’y fait pas forcément la queue.

Vos rapports avec l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) ne sont pas au beau fixe. Voyez-vous une éclaircie à l’horizon avec le ministère de la Santé ?

Le dialogue social m’importe beaucoup, mais il n’est pas toujours facile et consensuel, c’est la nature même d’un dialogue social qui est désormais inscrit dans la Constitution. C’est un défi aussi de mener le dialogue et nous ne l’avons jamais rompu avec l’AMMD, mais on ne peut pas être d’accord sur tout.

Il restera des sujets qui généreront des discussions et sans doute des conflits, mais c’est le jeu de la démocratie. Tout le monde se met autour d’une table à la recherche de compromis. L’AMMD souhaitait travailler sur les sociétés de médecins et j’ai déposé un projet de loi dans ce sens en même temps que celui relatif au virage ambulatoire, mais nous n’avons pas encore l’avis du Conseil d’État. Je n’y peux rien, je l’attends aussi.

Concernant le programme électoral que vous défendez, le logement y occupe une place prépondérante. Les socialistes veulent-ils hériter du ministère ?

Concernant le logement, comme la santé ou l’éducation, il faut comprendre qu’il y a des éléments critiques pour qu’une société fonctionne et que le pays reste attractif. La pression démographique et le coût du logement nous conduisent précisément à une situation critique, donc il faut tout accélérer.

Quant au portefeuille du Logement, nous n’en discutons pas pour le moment. Laissons d’abord les électeurs s’exprimer, car je n’aime pas trop cette idée de dire que c’est le ressort d’untel ou d’untel.

L’avis du Conseil d’État concernant plusieurs projets de loi sur le logement a sérieusement retoqué des textes plutôt favorables à la lutte contre la spéculation foncière…

Nous avons un vrai souci de logement, d’intérêt public. Je comprends bien le sacro-saint droit de propriété, mais ce sont des projets très ambitieux et Taina Bofferding a déposé des textes sur la table, il faut le rappeler. Ce sont des projets complexes qui touchent à des droits fondamentaux et la discussion est dans la nature des choses. Les ministres ont beaucoup travaillé, quoi qu’on en dise, mais à un moment, la procédure prend du retard sans qu’ils en soient responsables.

Au chapitre de la politique fiscale, le LSAP avance-t-il déjà des incompatibilités insurmontables avec certains de ses partenaires politiques actuels ?

Avec tous les défis auxquels nous faisons face, à commencer par cette pression démographique et la transition écologique qui exigent des investissements, une politique sociale nécessaire pour combler le fossé qui continue de se creuser entre riches et pauvres, penser que l’économie va tout régler et soulager les gens fiscalement, ça ne peut pas marcher. J’ai du mal à le concevoir.

J’entends l’opposition dire qu’elle veut faire des économies, mais qu’on me dise où exactement. Il faut bien générer des recettes. Nous avons déjà proposé il y a un an de nouveaux barèmes, plus justes pour la classe moyenne. La solidarité est essentielle et la capacité contributive n’est pas égale, mais nous avons besoin de tous les métiers dans une société, de gens indispensables qui n’ont pas forcément la capacité contributive.

Si on veut un État où chacun est intégré et vit dans la dignité, il faut que ceux qui ont plus de capacité contribuent proportionnellement à leurs richesses, c’est le sens même de la solidarité. Le Luxembourg a toujours su se relever très vite d’un point de vue économique, il n’y a pas de raison de ne plus être optimiste. Nous traversons une période difficile, il faut être flexible. C’est comme la dette, il ne faut pas rester figé sur la barre des 30 % du PIB, car il faut investir pour l’avenir.

C’est votre toute première élection. Ressentez-vous une grande pression sur vos épaules ?

Oui, à plusieurs égards, mais j’ai un caractère assez calme. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette pression de ne plus avoir le LSAP au gouvernement, car nous sommes les seuls à défendre la justice sociale et c’est un équilibre nécessaire dans un gouvernement. Si cette solidarité disparaissait, par les temps qui courent, ce serait inquiétant, et j’ai cette responsabilité sur les épaules.

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Un commentaire

  1. Votez pour qui vous voulez, sauf pour celle qui fut la plus nulle lors de la pandémie du Covid qui devait tuer des dizaines de millions de gens en Europe, selon les brillants prévisionnistes (en fait des criminels) du genre Ferguson ou, pire, Fauci.