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Homicide à Tétange : les amies de la prévenue ne «l’ont pas vu venir»


Liette reconnaît avoir poignardé son mari dans le dos avec une lame de 19 centimètres. (photo Sophie Kieffer)

Liette a poignardé son mari dans le dos, mettant fin à une vie qu’elle ne supportait plus. La prévenue est en aveux, mais sa crédibilité quant au déroulement des faits est mise en doute.

Qui est Liette ? La question occupe la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg depuis la semaine passée. Liette a 63 ans et a poignardé à mort son mari, Nicolas, le 12 septembre 2019 à leur domicile de Tétange. Elle le reconnaît, avance avoir été une victime de violences conjugales et l’épouse trompée d’un homme «diabolique». Cette petite femme boulotte aux cheveux courts et aux épaisses lunettes s’affaisse de plus en plus sur le banc des prévenus au fur et à mesure qu’un expert neuropsychiatre décortique sa vie et son intimité pour essayer de répondre à la question.

Au bout d’une heure, elle évoquera un malaise pour pouvoir quitter la salle d’audience et regagner le centre pénitentiaire où elle est incarcérée en détention préventive. «C’est une manière très lâche de ne pas prendre position», a répondu la présidente à l’avocate de la prévenue qui proposait de la représenter. Son fils de 38 ans, également inculpé, ne se présentera pas à la barre. Son avocat, Me Rollinger, avait annoncé d’entrée de jeu qu’étant donné sa santé psychologique fragile – le jeune homme est atteint d’autisme et politoxicomane –, il ne participerait pas au procès. Et ce, d’autant plus que, contrairement à ce que soupçonne le parquet qui lui reproche d’être impliqué dans les faits, Sascha ne se trouvait pas sur les lieux du crime à l’heure où il a été commis, assure sa défense. Liette l’affirme également.

Mais la crédibilité de la prévenue est mise en doute par certains éléments de l’enquête et le tribunal se demande qui des deux époux était le plus terrorisé. Si la prévenue était bien victime de la violence physique et psychologique de son époux, elle ne s’en est jamais plainte à personne d’autre qu’à quelques amies de manière sporadique, puis plus intensément vers la fin. Une attitude qui n’est pourtant pas inhabituelle venant de femmes subissant des violences de la part de leur conjoint. Elles préfèrent souvent se taire par crainte des représailles.

«Pas l’homme qu’elle décrivait»

«Je lui ai conseillé d’en parler à la police. Je ne sais pas si elle l’a fait. Nous n’en avons plus reparlé», a expliqué l’une des amies de Liette à la barre hier. «Je lui ai conseillé à plusieurs reprises d’aller déposer plainte à la police, mais cela ne servait à rien de lui dire quoi que ce soit», a indiqué une autre. «Elle me disait que Nicolas allait encore faire le beau et que personne ne la croirait.» Les trois amies entendues en cette quatrième journée de procès peinent à s’imaginer la victime dans le rôle du bourreau. «Il n’était pas l’homme qu’elle nous décrivait.»

Il y a bien eu une photographie d’un hématome envoyée «par erreur» à l’une d’elles et une gifle constatée par une autre, mais rien n’aurait laissé présager le crime. «Nous ne l’avons pas vu venir», lance une des trois femmes. «Elle m’a téléphoné en pleurs. Ma fille et moi ne l’avons pas crue et nous nous sommes rendues sur place», raconte l’une des témoins qui se souvient avoir vu Nicolas allongé sur le sol de la cuisine. C’est cette dame de 69 ans qui a prévenu la police environ trois heures après l’heure estimée du décès. «Liette m’a téléphoné et m’a dit que Nicolas l’avait amenée où il voulait l’amener. Je l’ai interrogée et elle m’a répondu qu’elle allait aller en prison. (…) Je ne l’ai pas crue, j’ai pensé qu’elle avait bu», se souvient la plus loquace des trois femmes.

L’incompréhension règne chez celles que Liette présentait comme ses «meilleures amies». Une mère et sa fille ont oublié les déclarations faites à la police et la troisième avait pris ses distances au fil des années. «Certaines choses dans ce qu’elle me racontait de sa vie ne paraissaient pas logiques. Liette disait, par exemple, exercer comme psychothérapeute dans un appartement hérité de son grand-père en France, alors qu’elle n’a jamais travaillé après son mariage et qu’à ma connaissance, elle n’avait pas repris d’études», soulève-t-elle. «Elle ne nous disait rien de précis sur Nicolas, à part que c’était un psychopathe», confirme la deuxième.

La prévenue a-t-elle préparé le terrain en vue d’un passage à l’acte quand l’occasion se présenterait ? L’expert en neuropsychiatrie estime que le crime n’était pas préparé, mais est né du contexte dans lequel évoluait la sexagénaire, de ses peurs et de ses impressions. Il n’a pas décelé de psychose, de trouble psychiatrique majeur ou de trouble de la personnalité chez Liette, mais une ambivalence. Ses capacités de discernement n’étaient, selon lui, pas amoindries ou abolies au moment des faits, ce qui la rend accessible à une sanction pénale. Son geste létal n’est pas consécutif à une pulsion et n’a pas été réalisé dans l’affect, assure-t-il. «L’échange verbal qu’a eu le couple était trop long pour que ce soit le cas.»

Liette lui a assuré ne se souvenir que de flashs. Son témoignage est très attendu par les juges qui espèrent ainsi pouvoir mieux comprendre ce qui s’est passé dans la cuisine de cette maison de Tétange.

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