John Schlink, passionné d’histoire et de marche à pied, connaît mille anecdotes sur ce qu’il nomme en latin la Curia Remacum, la cour de Remich, qui file de la perle de la Moselle jusqu’à Schengen.
Portrait
Un retraité bien actif
Après 40 années de carrière dans l’industrie chimique, John Schlink a eu la chance de pouvoir prendre sa retraite à 55 ans, en 2010, «encore jeune et dynamique!» Mais il ne se voyait pas oisif et lorsqu’un ami lui a proposé de suivre avec lui la formation de 240 heures proposée l’Office régional du tourisme pour devenir guide, il a sauté sur l’occasion. «Nous sommes allés tous les samedis matin au centre A Wiewesch, à Manternach, de l’automne au printemps. Et il ne fait pas chaud à l’intérieur, les samedis d’hiver!, rigole-t-il. Mais c’était une formation très complète et très intéressante. Ça m’a beaucoup plu.»
Le truc de John, c’est la marche à pied, sa façon préférée de découvrir son environnement. C’est un assidu, il a même rejoint Saint-Jacques-de-Compostelle à pied, «plus de 2 400 km de randonnée!». En marchant, il sait prendre le temps de contempler les paysages et aussi d’en expliquer tous les tenants et aboutissants. Car le guide est intarissable, il connaît une foule d’anecdotes. «Je m’intéresse beaucoup à l’histoire. Dans mes recherches, je suis notamment tombé sur des chroniques écrites par des gens de la région. Ce sont des sources parfois étonnantes, par exemple celles des pompiers ou des clubs de sport mais il y a beaucoup d’informations très intéressantes pour qui prend le temps de les éplucher. Beaucoup de clubs en tiennent depuis les années 1850/1880, sûrement parce que l’on a encouragé les gens à se rapprocher à l’époque, quelque temps après la création du Grand-Duché en 1839.»
John Schlink connaît également bien la vigne, puisque plus jeune, il effectuait tous les travaux avec son beau-père qui en avait même fait une condition sine qua non pour qu’il ait le droit de marier sa fille! «Je possède une parcelle mais comme je n’ai jamais eu le temps de la travailler, je l’ai confiée à quelqu’un qui pouvait bien s’en occuper.»
Je suis tombé sur des chroniques écrites par des gens de la région
Son lieu préféré
Le Felsberg
À vrai dire, John Schlink n’a pas vraiment d’endroit de prédilection sur la Moselle. S’il a choisi le sommet du Felsberg, sur les hauteurs de Wintrange, c’est parce qu’on y embrasse du regard une bonne partie de la moitié sud de la Moselle luxembourgeoise. «Je viens de Remich et ma région préférée de la Moselle, c’est la Curia Remacum, comme le disaient les Romaines : la cour de Remich, qui englobe le territoire de Remich à Schengen.»
S’il nomme cette aire géographique en latin, c’est qu’il est un féru de son histoire. «La Moselle a toujours été une voie de communication et par la force des choses, beaucoup de batailles se sont déroulées sur ses rives. Les gens avaient ici du bétail, à boire… toutes sortes de denrées qui intéressaient les belligérants. Tout au long de l’histoire, les villages des deux bords ont beaucoup subi ces incursions.»
Il évoque notamment le passage des Huns menés par Attila le long de la Moselle en 451, alors qu’ils venaient d’incendier Trèves et se préparaient à saccager Metz. John explique qu’une bataille avait eu lieu non loin de Remich, sur l’autre rive.
Autour du vin
L’auxerrois
Le cépage auxerrois, contrairement à ce que son nom semble pourtant indiquer clairement, n’est pas bourguignon mais… lorrain. Issu d’un croisement entre le gouais et le pinot noir, il a été créé en 1904 à la station viticole de Laquenexy, tout près de Metz, par le Dr Alexander Wanner (la Moselle était encore allemande). Et cette proximité plaît beaucoup à John : «Le nom du cépage est un hommage du Dr Wanner qui a protégé ses plants de vigne du côté d’Auxerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Son nom commercial était une façon de dire merci à la région qui a sauvé ses recherches.»
Outre son histoire, ce cépage local est aujourd’hui celui qui représente le plus le Luxembourg. Créé à 50 kilomètres de la frontière luxembourgeoise, il se plaît beaucoup sur les rives de la Moselle. «Les grappes sont très belles avec leurs petites baies dorées et elles produisent de très bons vins, ce sont mes préférés!, sourit-il. Il n’y en avait plus beaucoup il y a 30 ans (NDLR : 156 hectares en 1990), mais les vignerons le plantent à nouveau (NDLR : 192 hectares en 2020) parce qu’il donne aussi de très beaux résultats pour les crémants.»
Créé en 2021 sur l’initiative du Groupement européen d’intérêt économique (GEIE) Terroir Moselle et porté désormais au Luxembourg par l’Office régional du tourisme Visit Moselle, Via mosel’ engage un regard transfrontalier sur la Moselle, de sa source dans les Vosges françaises jusqu’à sa confluence avec le Rhin, à Coblence. L’idée est de répertorier au fil de l’eau tous les lieux remarquables qui allient l’architecture et le vin, des jalons historiques qui documentent la riche histoire d’une région au cœur de l’Europe.
Les guides labellisés Via mosel’ ont tous reçu un enseignement initial dans l’un des offices de tourisme régionaux chargé de valoriser la rivière. Par la suite, un programme spécifique d’environ 6 mois leur a permis de se spécialiser sur les thèmes de l’architecture et des échanges transfrontaliers. Ces cours ont été donnés par des historiens de l’architecture ou même des architectes en exercice. À la fin du programme, un voyage transfrontalier a permis aux candidats de découvrir des sites des trois pays.
Les premiers séminaires ayant eu lieu pendant la pandémie, la visioconférence était systématique mais de vraies rencontres seront prévues lors des prochaines sessions. Cinquante personnes ont déjà reçu cet enseignement et 25 ont validé leur formation lors d’un examen final. Ce travail de fin d’études consiste en l’élaboration d’un circuit qui pourra être proposé ultérieurement dans le cadre de Via mosel’ tandis que lors de l’examen oral, les candidats ont dû guider les examinateurs sur une variante raccourcie de ce circuit.
Sur les vieilles terrasses du Rosenberg
Au calme du côté de Wellenstein