La parquetière a donné un échantillon de son réquisitoire mardi après-midi. Elle considère que les cinq prévenus se cachent derrière tous les tags et détaille ses conclusions.
Vous faites tellement d’aveux qu’on a du mal à vous suivre. Nous n’en avons pas l’habitude ici», fait remarquer le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg mardi après-midi au tagueur qui signe Tame, Click et BDR. Le jeune homme, accusé d’avoir réalisé 27 tags, est passé à table et a même osé livrer quelques précieuses informations au sujet de Seck.
Le présumé Seck reconnaît être l’auteur d’une vingtaine de tags sur les 128 qui lui sont reprochés. Le juge le taxe de «mauvaise foi» pour ne pas «assumer la paternité de ses œuvres». Le prévenu nie être l’auteur des tags antérieurs à 2014. «Il les a revendiqués», indique timidement Tame, interrogé par le juge qui est resté sur sa faim face au silence du présumé Seck. «En tant que graffeur, je reconnais son style, mais potentiellement, il y a peut-être un autre Seck», s’est ravisé le prévenu, prudent. «Vous faites plus d’aveux que je n’en espérais», lui lance le juge.
Tame travaillait en duo avec son acolyte Skis ainsi qu’avec Seck et son équipe BFT dont Size et Sior auraient également fait partie. «Seck était très secret au sujet de Sior. Un jour, il m’a confié son prénom. Je ne l’ai jamais rencontré. J’ai fait la relation avec le prévenu à la lecture du dossier d’instruction», confie Tame, dont les tags qui n’ont pas été effacés ont été barrés. Dans le monde des graffitis, c’est le sort réservé aux balances.
Un alias unique
Difficile de ne pas s’emmêler les pinceaux entre les intérêts des uns et des autres prévenus, les centaines de faits qui leur sont reprochés, les dédicaces, les copies alléguées et les aveux à géométrie variable. La représentante du parquet a fait le tri et détaillé, pendant plus d’une heure, tous les éléments de l’enquête qui l’amènent à conclure que les cinq prévenus sont bien les auteurs de graffitis illégaux représentant leurs alias. Ils sont nombreux et vont de carnets à dessin à des paires de baskets en passant par des photographies retrouvées sur des ordinateurs et les déclarations des plus bavards.
Des prévenus à l’origine, selon elle, de tous les tags qui leur sont reprochés. «Le milieu des graffeurs a ses propres règles et ses propres pratiques de loyauté», a fait remarquer la magistrate. Parmi ces règles, celle de ne pas copier le tag d’un autre, sauf en tant que dédicace, sous peine de représailles. «Les signatures sont personnelles. Les membres du milieu savent à qui elles appartiennent. Impossible d’atteindre la notoriété qu’ils visent autrement.» Contrairement à ce que le prévenu soupçonné d’être Seck veut bien laisser entendre, assure-t-elle, l’enquête n’aurait pas permis de mettre la main sur un deuxième Seck, un deuxième Size ou un deuxième Sior. Seck aurait, selon elle, commis 128 tags, Sior 73, Tame 27, Size 18 et Skis 10 entre 2009 et 2015.
Pressée par le temps, avant la fin de l’audience, la magistrate a commencé par requérir la peine à l’encontre de ce dernier : six mois de prison commuables en travail d’intérêt général et une amende appropriée pour avoir apposé son ADN de graffeur de manière illégale sur des biens publics et privés en bande. Ce début de réquisitoire a donné un avant-goût aux autres parties au procès de ce qui les attend aujourd’hui. La représentante du ministère public a considéré que les faits devaient être jugés en tant que délits et sont donc passibles de peines de réclusion, contrairement aux contraventions également prévues par la loi.
Elle terminera son réquisitoire, puis ce sera au tour des avocats de la défense de plaider en faveur de leurs clients et de convaincre le tribunal de dépénaliser les faits. Deux audiences sont prévues à cet effet aujourd’hui et demain matin. Pour se faire un nom dans le milieu du graffiti, cinq jeunes poursuivis en justice ont sprayé leurs tags un peu partout au Luxembourg, voire jusqu’en Autriche et en Grèce pour Sior. Le prévenu identifié comme tel nie les faits en bloc et n’a par conséquent pas jugé utile de s’exprimer à la barre ou par le biais d’une prise de position comme l’ont fait ses coprévenus.
En relation avec l’article de journal « Le quotidien » dans la section justice, aujourd’hui, mardi 5/2/2024,
sur la photo ci-jointe.
Je me souviens de mes années universitaires, dans le journalisme de communication sociale, lorsque j’ai réalisé un travail audiovisuel sur les graffitis de Bogotá comme moyen de communication alternatif avec lequel les jeunes ou les personnes qui faisaient les graffitis osaient dire ou mieux « crier » avec des images de ce qu’ils ne pouvaient pas faire personnellement.
Pour moi, c’était un art et j’étais émerveillé de voir les aspects artistiques de la composition, des couleurs et même la difficulté de les réaliser.
Il y en a un qui est resté avec moi, car il était écrit le long d’un pont sur une avenue très fréquentée et encore aujourd’hui je me demande comment il a fait ? Il y disait : « Papa, je ne veux pas étudier la médecine ! »
Un autre dont je me souviens avec grand plaisir à l’entrée de l’église de la vierge miraculeuse de Cali, et c’était le dessin d’une grand colombe, qui symbolise la paix,
peinte en blanc dans laquelle il était écrit: « sans pain il n’y a pas de paix ».
Il y en a beaucoup d’autres de ce style qui existent encore aujourd’hui, ils ont presque disparu mais il reste encore une trace que quelqu’un a voulu faire passer un message…
Le graffiti nous montre le pouvoir transformateur de l’art, il peut nous raconter une histoire et embellit les murs gris dévitalisés, alors pourquoi les condamner?
Sonia Franco