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Graffitis illégaux : Sior, graffeur sans frontières, était actif au Luxembourg et en Autriche


Sior est passé par le Pfaffenthal en 2013. Il a dédicacé son graffiti à West, un tagueur de la génération précédente. (Photos : sophie kieffer)

Le jeu de piste pour retrouver qui est qui s’est poursuivi hier matin face à la 7e chambre correctionnelle. Cinq trentenaires sont accusés d’avoir recouvert tout le pays de leurs tags.

Remo, Roik, Lazer, Coin, Risk… Des assemblages de lettres calligraphiées par une seule et même personne plus connue dans le milieu des graffeurs sous le nom de Sior. L’enquêteur principal de la police judiciaire est persuadé que le trentenaire qui se cachait derrière cet alias fait partie des prévenus qui comparaissent cette semaine et la semaine prochaine dans une affaire de graffitis illégaux réalisés il y a une dizaine d’années. Le jeune homme incriminé se mure dans le silence depuis son interpellation.

Sior aurait fait partie des équipes de graffeurs autour de Seck – BFT pour Back for Trouble et OTC pour Over the Cops – et aurait eu sa propre «crew» baptisée FDH pour Forever dirty Hands, selon une petite amie bavarde. «Elle nous a dit qu’il vivait dans son monde de graffitis», note le policier en relisant la déposition de la lycéenne. «Il aime l’art. Il l’a étudié à Vienne.» Or, son tag apparait à de nombreuses reprises sur les murs de la capitale autrichienne avec des phrases en luxembourgeois et des références au Grand-Duché comme « Rosport, 352, LXB ou BFT». «Il avait marqué son territoire autour de son logement», ajoute l’enquêteur. Le lien est vite fait avec le Sior qui s’étale en grand sur différentes surfaces au Luxembourg.

«Ses numéros de téléphone luxembourgeois et autrichiens ont été retrouvés dans le téléphone de Seck», ajoute le policier en montrant différents exemples de graffitis et de tags réalisés par le graffeur. Peu importe l’alias choisi, leurs styles se ressemblent. Ou pas. Question d’interprétation et du plateau de la balance de la justice sur lequel on se trouve. «Il s’attendait à une perquisition. Il avait dû être prévenu. Nous avions déjà procédé à des perquisitions chez Seck et Size», complète l’enquêteur. À lui seul, Sior aurait réalisé pour plus de 340 000 euros de dégâts.

D’ombres et de lumière

«Tout est possible, mais rien n’est certain», estime Me Rollinger, l’avocat du présumé Sior, qui a soulevé des supposées incohérences de l’enquête pour semer le doute. Il est notamment reproché à Sior d’avoir tagué BFT sur un train en octobre 2011. Mais, certificats médicaux à l’appui, l’avocat démontre qu’il était hospitalisé à ce moment-là après être tombé d’une échelle. «Le pont était trop haut?», lance le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, prenant la balle au bond.

L’avocat, impitoyable, souligne également que de nombreux faits attribués à son client ne sont pas datés ou auraient été réalisés quand il avait moins de 16 ans. Les débats vont bon train et les avocats n’épargnent pas l’enquêteur en l’assaillant de remarques et de questions. L’univers des graffeurs est opaque et secret. Paradoxalement, s’ils cherchent une forme de reconnaissance en affichant leurs griffes le plus souvent possible dans des lieux le plus souvent illégaux, ils tiennent plus que tout à préserver leur anonymat, à l’image d’artistes comme Bansky.

Sior ou Remo du BFT a été à l’œuvre sur ce réseau de fer de la Grand-Rue avec d’autres tagueurs.

Victor Hugo, graffeur obstiné, revendiquait dans ses journaux ses différents forfaits et a été l’un des premiers à avoir documenté le graffiti. Gustave Flaubert, pour sa part, s’indignait de trouver une «quantité de noms d’imbéciles écrits partout». Moyen d’expression artistique ou politique pour les uns, vandalisme ou dégradation pour les autres, le graffiti et le tag divisent sous toutes leurs disciplines. Qu’ils s’affichent le long des autoroutes et des voies ferrées ou dans les musées, ils tirent leurs origines de la rue, du populaire et de l’urbain.

Les enquêteurs de la police les ont traqués et répertoriés sans relâche sur tout le territoire luxembourgeois pour les comparer aux croquis retrouvés dans les carnets à dessin de celui qu’ils pensent être Seck ainsi que sur des photographies et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Ils sont allés jusqu’à comparer des empreintes de semelles de chaussures de sports pour dresser des parallèles et remonter des pistes. Rien n’a été laissé au hasard, même si pour l’instant, il ne s’agit que de conjectures et d’interprétations.

Ce matin, les enquêteurs livreront les résultats de leurs recherches sur les trois autres prévenus, membres supposés de la «crew» de Seck.

 

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