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[Gardiens de la nature] L’avenir de nos forêts se joue ici


Les arbres de la pépinière (ici de tout jeunes chênes) peuvent aussi être commandés par les communes, les Ponts et Chaussées, l’administration des Bâtiments publics ou même des administrations étrangères. (photos Erwan Nonet)

Sous l’autorité de Thierry Diedenhofen, la pépinière de l’État sélectionne et fait pousser les meilleures graines d’arbres pour garantir le renouvellement des forêts luxembourgeoises, avec le réchauffement climatique en tête.

Située le long de l’autoroute A1, la pépinière de l’État (2,4 ha) dirigée par Thierry Diedenhofen est en quelque sorte la crèche des forêts du Grand-Duché. Elle est la dernière du pays, même si une annexe vient d’être rouverte au Waldhaff, au cœur de la forêt du Grünewald. Autrefois, il y avait six pépinières de l’État, une par arrondissement.

Pourtant, ces dernières années, cette institution est en plein développement. Elle est passée de 15 000/20 000 plants par an début 2020 à 115 000 en 2022. Mais elle évolue aussi et surtout sur le plan scientifique. Ici, on anticipe les besoins tout en répondant aux exigences de la législation européenne, vertueuse en la matière.

Thierry Diedenhofen est coordinateur technique en matériel de reproduction. Une dénomination pas très bucolique, mais qui détermine bien sa mission. «Une grande partie de mon travail est basée sur l’application de la directive européenne 1999/105 CE, un texte qui règlemente la commercialisation du matériel reproductif forestier, c’est-à-dire des arbres que l’on plante en forêt.»

Le domaine est complexe et évolue rapidement. Pas plus tard que le 5 juillet dernier, un addendum important a été validé. Il prend par exemple en compte pour la première fois le réchauffement climatique et demande aussi aux États de disposer d’un stock de graines suffisant pour être en mesure de replanter en cas de catastrophe.

Ce qui ne change pas, c’est la nécessité de savoir exactement ce que l’on plante en forêt. La provenance de chaque graine qui germe à la pépinière de Flaxweiler est parfaitement connue. «Nous les récupérons dans nos forêts à graines et nos jardins à graines, explique Thierry Diedenhofen. Une forêt à graines est un lieu qui a été sélectionné parce que les arbres, à cet endroit, répondent à des critères de qualité et de vitalité. Chaque année, nous allons y récolter les graines.» Le Luxembourg compte 24 forêts à graines désignées via un règlement grand-ducal.

Au nombre de 17 au Luxembourg, les jardins à graines (ou vergers à graines) sont des conservatoires génétiques d’arbres plus rares, mais typiques de notre région comme les ormes, les sorbiers, les tilleuls, le merisier sauvage, les pommiers et poiriers sauvages… «Pour déterminer si un arbre peut entrer dans un jardin à graines, nous prélevons une branche que nous envoyons dans le laboratoire allemand de Trippstadt (Rhénanie-Palatinat) pour réaliser une analyse génétique. Ce labo dispose d’une des plus grandes bases de données en Europe et il peut nous dire si ce spécimen est bien luxembourgeois. Si c’est le cas, nous le greffons pour le conserver. Dans les jardins, nous avons donc les clones des meilleurs arbres luxembourgeois.»

Je ne suis pas certain que la meilleure réponse à l’évolution du climat soit de planter d’autres espèces d’arbres

Les forêts et jardins à graines sont répertoriés dans une base de données européenne (Euforgen). En 2025, celle-ci sera renforcée par Forematis, qui recensera en plus les types de sols, les caractéristiques climatiques ou l’altitude des lieux de provenance des semences.

Ces informations vont permettre de mieux préparer les forêts de demain que l’on plante aujourd’hui et qui seront forcément impactées par le dérèglement climatique. «Je ne suis pas certain que la meilleure réponse à l’évolution du climat soit de planter d’autres espèces d’arbres, avance Thierry Diedenhofen. Ce que nous remarquons, c’est que désormais, les arbres doivent être plantés sur une station qui leur convient c’est-à-dire dans leur environnement de prédilection. Nous sommes dans une phase d’observation où nous étudions la façon dont les forêts s’adaptent. Bien sûr, tout cela prend du temps… Un chêne atteint sa maturité à 250 ans donc il faudra attendre avant d’obtenir des réponses fiables. Mais il apparaît déjà que lorsque les arbres évoluent dans leur station de prédilection, ils n’ont pas trop de problèmes.»

Et si, pour continuer à profiter de belles forêts, il fallait plutôt miser sur la connaissance de nos propres biotopes que sur des solutions exotiques? À la pépinière de l’État, on est tenté d’y croire. «Chaque arbre crée un microcosme qui comprend des insectes et des champignons qui lui sont spécifiquement adaptés, précise-t-il. Si nous préférons d’autres arbres, plus sudistes par exemple, combien de temps faudra-t-il pour recréer la richesse de ces écosystèmes? En plantant mieux les nôtres, peut-être que leur taille diminuera pour s’adapter au changement du climat, mais il n’est pas interdit de penser qu’ils resteront en parfaite santé…»

Non, la pépinière de l’État n’est décidément pas qu’une crèche. Elle est surtout un endroit essentiel qui déterminera la qualité de nos forêts dans le futur. Lorsque l’on connaît l’importance de ces paysages au Grand-Duché, on comprend à quel point ce qu’il s’y passe est capital.

La question Pourquoi tous les épicéas meurent-ils dans nos forêts ?

Il suffit de se promener dans les bois pour être frappé par ces plantations d’épicéas complètement en bout de course. Lorsque ces résineux ne sont pas morts, ils sont sur le point de l’être. Cette espèce à croissance rapide a été beaucoup plantée parce qu’elle permettait un rendement plus rapide : les grumes (troncs) peuvent être débitées après une soixantaine d’années contre 150 à 200 ans pour du hêtre ou 250 à 300 ans pour du chêne.

Mais les épicéas ont été plantés sur des stations (des environnements) qui ne leur conviennent pas. «Ils ont besoin d’eau pour produire la résine qui leur permettra de lutter contre le bostryche, un coléoptère dont la larve creuse des galeries dans le tronc jusqu’à en couper le flux de sève, indique Thierry Diedenhofen, responsable de la pépinière de l’État. En manque d’eau, désormais, ils meurent.»

Auparavant, il pleuvait suffisamment pour que les épicéas survivent même s’ils avaient été plantés dans des terres trop sèches. Mais les périodes de sècheresse récurrentes de ces dernières années ne leur permettent plus de résister aux parasites. Environ 95 % des épicéas du pays sont déjà morts.

Carte d’identité

Nom : Thierry Diedenhofen

Âge : 50 ans

Poste : Coordinateur technique en matière de matériel de reproduction, préposé forestier.

Profil : Après un bac C (scientifique), il apprend le métier de préposé forestier pendant cinq ans. Conservation de la nature, triage forestier, certification forestière, puis responsable de la pépinière de l’État, il effectue toute sa carrière au sein de l’administration de la Nature et des Forêts.