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[Gardiens de la nature] Bio-Ovo, la success-story de l’œuf bio


Jos Houtmann a créé Bio-Ovo S. A. en 2012. La société regroupe une demi-douzaine d’agriculteurs, qui sont tous associés. (Photos : erwan nonet)

Jos Houtmann a converti sa ferme au bio dès les années 1970. Il a notamment créé Bio-Ovo, l’acteur incontournable des œufs bios au Luxembourg qui rassemble 12 agriculteurs associés.

Dans sa ferme de Buschdorf (commune d’Helperknapp, entre Mersch et Redange), Jos Houtmann peut être fier de lui. Aujourd’hui âgé de 71 ans, qu’il est loin de faire, l’agriculteur a construit une carrière qu’il peut regarder avec le sentiment du devoir accompli.

Il est l’un des pionniers du bio au Luxembourg, le 3e à avoir lancé sa conversion. À la fin des années 1970, il reprend la ferme de son père après avoir obtenu son bac professionnel en Belgique. Le passage au bio a très rapidement été une évidence. «Jeune, je n’étais pas très en forme et un médecin m’a recommandé de changer mon alimentation et de manger bio, se remémore-t-il. C’est de cette façon que je suis tombé dans cette scène, un peu par hasard.»

Il se lance en suivant la méthode Lemaire-Boucher, préconisant l’arrêt des labours (destructeurs de la vie microbienne des sols) pour un simple ameublissement sans retournement de la terre, le compostage à la fumure organique, la rotation des cultures (en insistant sur les légumineuses, qui apportent de l’azote naturellement dans le sol) et l’utilisation d’algues pour enrichir le substrat. «C’est une méthode fantastique, très adaptée à la conversion, reconnaît Jos Houtmann. À l’époque, j’étais accompagné par deux ingénieurs qui m’ont énormément appris.»

Dans son étable, il passe de la race charolaise à la Blonde d’Aquitaine. Il investit dans un moulin où il moud les farines à partir de ses céréales pour les livrer «à bon prix, plus intéressant qu’aujourd’hui» à la pâtisserie Obertin de Remerschen, qui n’existe plus. Et puis, il y avait les poulets.

200 000 œufs par semaine

Dès son arrivée à la ferme, l’agriculteur décide de mettre le paquet sur la vente directe. Deux fois par semaine, il fait le tour du pays pour vendre ses produits et, forcément, il entend les clients. «Ils me disaient souvent que si j’avais des poulets, je pouvais bien vendre aussi des œufs! À force, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette.»

En 1999, il se lance donc, mais sans les produire chez lui. «J’élevais déjà 20 000 poulets par an, je ne voulais pas d’une trop grande concentration.» Alors, il part à la quête de partenaires. Le premier à répondre était un collègue de Ferschweiler, en Allemagne, en face d’Echternach. «Ça a très bien marché tout de suite et j’ai cherché d’autres fermiers.» Le deuxième est belge, tout près de Clemency, et le 3e, enfin, est luxembourgeois.

On le comprend, Jos Houtmann n’est pas un adepte de la préférence nationale. «La qualité d’un œuf n’a rien à voir avec le territoire où il est pondu : ils sont là où travaillent les meilleurs fermiers, assène-t-il. Or pour fédérer davantage, l’échelle de la Grande Région est bien plus réaliste que celle du Luxembourg.»

Une réussite collective me plaît beaucoup plus qu’une victoire individuelle

De fil en aiguille, avec le succès de l’opération, il convainc de plus en plus d’agriculteurs de lui livrer des œufs bios. Tant et si bien qu’en 2008, il décide de créer l’ASBL Bio-Ovo avec ses fournisseurs. Et puisque tout roulait, en 2012, il crée Bio-Ovo S. A., au sein de laquelle tous les fournisseurs deviennent associés. Aujourd’hui, il en compte une demi-douzaine, dont le plus grand possède deux bâtiments de 6 000 poules et le plus petit deux bâtiments de 1 200 poules. En tout, ils produisent autour de 200 000 œufs par semaine. «Et avec nos installations, nous avons encore de la place pour faire plus!», lance-t-il en assurant qu’il pourrait les vendre.

La centrale de conditionnement se trouve chez lui, à Buschdorf. Les œufs sont récupérés les lundis et les jeudis dans les fermes grâce à des palettes, des plateaux et des séparateurs consignés et lavés à chaque utilisation. Ils sont emballés dès le lendemain avec des machines performantes qui peuvent s’occuper de 46 000 œufs par heure. Leur qualité est scrutée à un tel point qu’un sonar les sonde pour éliminer ceux dont les fissures sont invisibles à l’œil. Les œufs hors calibre sont transformés en œufs liquides pasteurisés.

Sans le savoir, il y a de grandes chances pour que vous en ayez déjà acheté puisque ces œufs sont vendus étiquetés Cactus, Biog et d’autres marques encore, plus petites. Il y a 14 références au total. «Notre marque n’est pas visible, nous emballons seulement 3 à 4 % des œufs sous notre nom propre», indique Jos Houtmann.

Le fermier-entrepreneur apprécie beaucoup cette organisation collégiale. «Sans doute que si je m’étais lancé sous mon nom, je serais plus riche puisqu’ici, le principe est de partager les bénéfices, sourit-il. Mais une réussite collective me plaît beaucoup plus qu’une victoire individuelle. J’ai toujours été comme ça : je ne suis certainement pas néolibéral! Pour autant, je ne porte pas l’auréole d’un saint. Si j’ai choisi ce mode d’organisation, c’est aussi parce qu’il fonctionne économiquement et que nous gagnons de l’argent comme ça.»

La pandémie a un peu freiné la croissance puisque beaucoup d’agriculteurs ont augmenté les ventes directes à la ferme, mais la dynamique a repris depuis, avec une hausse de 10 % par an. Avec Bio-Ovo, preuve est faite que l’on peut produire de manière vertueuse pour l’environnement, tout en assurant un salaire décent aux agriculteurs.

Les poules bios sont-elles compliquées?

Comme pour toutes les productions bios, l’élevage de poules demande beaucoup plus de vigilance. Par exemple, il n’existe pas de traitement bio à efficacité immédiate. «Si une vermifugation doit être réalisée en urgence, nous ne pouvons plus vendre les œufs en bio pendant une semaine, uniquement en conventionnel, avance Jos Houtmann. Selon la taille de l’exploitation, le manque à gagner peut monter à plusieurs milliers d’euros.»

Autre incidence du bio, la nourriture des poules ne peut pas contenir de compléments synthétiques, ce qui réduit la productivité. «Une poule conventionnelle va pondre plus de 300 œufs par an contre 280 pour une poule bio, précise-t-il. Et puisque leur alimentation n’est pas optimisée, leur rendement va se tarir plus vite.»

Du point de vue de la poule, en tout cas, la vie doit être bien meilleure dans un poulailler bio puisqu’elles disposent de deux fois plus d’espace à l’extérieur, avec un accès quotidien à l’air libre.

Carte d’identité

Nom : Jos Houtmann

Âge : 71 ans

Fonction : agriculteur, fondateur de Bio-Ovo

Profil : Après un bac pro obtenu en Belgique, il prend la succession de son père dans la ferme familiale de Buschdorf. Il se convertit très vite au bio et développe la vente d’œufs à partir de 1999.

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