Vendredi matin, Aldo, un Albanais de 33 ans, a tenté de contextualiser son geste en dévoilant des pans de sa vie au sein «d’une des plus importantes organisations criminelles d’Europe».
Aldo n’est pas un enfant de chœur, «pas le pape» et «pas un saint». L’Albanais de 33 ans le reconnaît volontiers. Vendredi, il a confessé à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, avoir trempé dans des trafics de stupéfiants et fait partie «d’une des plus importantes organisations criminelles d’Europe» depuis ses 18 ans. Un passé qui l’oblige à être sur ses gardes en permanence et à craindre pour sa vie. C’est dans cet état d’esprit qu’il aurait tiré sur un de ses compatriotes le soir du 24 novembre 2020 à Remich avant de fuir en Albanie où il a blessé deux jeunes hommes lors d’une dispute dans les rues de Tirana le 24 juillet 2021, selon Albaniandailynews.com.
«J’étais armé pendant tout mon séjour au Luxembourg», a affirmé Aldo qui estime avoir eu une bonne raison pour demander à un ami de lui faire parvenir le pistolet Glock depuis Bruxelles : «Un Albanais pour lequel j’ai été en prison en Italie me cherchait au Luxembourg. Il s’est renseigné sur mon compte au café Seven.» En 2011, le jeune homme a été arrêté en Italie à la suite d’une prise d’otage dans le cadre d’un trafic de stupéfiants. Cinq ans plus tard, il est à nouveau arrêté par les autorités italiennes. Cette fois avec son frère et un troisième jeune homme. Le trio est accusé d’avoir vendu de la cocaïne et de la marijuana. En échange de 2 000 euros, Aldo aurait obtenu le pistolet et deux chargeurs, ainsi que le rapatriement de sa voiture vers Bruxelles.
Les soirs des faits dont il est accusé, «un homme que je ne connaissais pas est apparu à la vitre du café et m’a fait signe de le suivre à l’extérieur. (…) Je me suis retrouvé face à un groupe de personnes». L’un d’eux aurait brandi un couteau avec une lame «de 20 ou 25 centimètres». Impressionné, Aldo raconte avoir tiré en l’air puis avoir poursuivi l’homme qui l’avait invité à sortir après que le groupe s’est dispersé. «Endrit et un autre homme sont arrivés derrière moi. J’ai vu qu’Endrit essayait de sortir quelque chose de sa manche», indique le prévenu. «Je me suis tourné et j’ai tiré au sol dans sa direction pour lui faire peur. Je n’ai pas compris sur le moment que je l’avais touché.» Une balle a traversé la chaussure d’Endrit et une autre son mollet.
Il n’a pas prévenu la police
De retour dans sa chambre d’hôtel, Aldo aurait remarqué avoir reçu un coup de couteau dans la cuisse. Se sentant menacé, il aurait donné l’ordre aux trois jeunes femmes qui l’accompagnaient de faire leurs valises et de le rejoindre chez un ami à Remich. «J’étais sous une telle pression avec mes dettes et les travaux que j’effectuais que je n’ai pas pensé à prévenir la police», explique-t-il encore. Dès le lendemain des faits, il est parti se réfugier dans un Airbnb bruxellois qui servait de planque. Un «endroit secret» où «la cocaïne de l’organisation dont je faisais partie était cachée».
«Toutes mes histoires sont liées les unes aux autres», a confié le prévenu pendant plus de deux heures pour tenter de justifier son geste. Né dans une famille d’intellectuels avant la guerre civile de 1997 et bon élève, Aldo a rejoint l’Italie à 15 ans et s’est éloigné du droit chemin. Au fond de la salle d’audience, sa maman et sa sœur sanglotent, persuadées que tôt ou tard quelqu’un du milieu albanais va tenter de l’abattre. En prison ou à l’extérieur.
Le jeune homme prétend vouloir tout assumer et être prêt à purger sa peine. Manipulation ou réel besoin de repentir? Son procès sous haute surveillance se poursuivra les 10, 11 et 12 janvier prochains. Son avocat, Me Stroesser, a demandé à pouvoir consulter les 134GB d’images de vidéosurveillance avant de préparer sa plaidoirie. Aldo prétend s’être trouvé en état de légitime défense après une altercation au café Seven avec deux hommes qui avaient molesté les jeunes femmes qui l’accompagnaient.
Une pause qui permettra à Me Rollinger de préparer la défense d’Eftjona, accusée d’avoir fourni l’arme à Aldo et de lui avoir ainsi permis de commettre sa tentative d’assassinat ou de meurtre, après que son ADN a été découvert sur le chargeur ainsi que sur une douille. «À aucun moment de l’enquête, je n’ai dit qu’elle m’avait fourni l’arme», a assuré Aldo qui ne se souvient plus si deux jeunes hommes la lui ont apportée ou le mari de la jeune femme.