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Fracture numérique au Luxembourg : «Peu d’exclus, mais des gens à la traîne»


«Comme dans un millefeuille, la digitalisation ajoute une couche de difficulté pour des gens déjà vulnérables», explique un chercheur du Liser.

Pour certains résidents, utiliser internet et les outils numériques représente une vraie source de stress, voire un obstacle pour accomplir des démarches essentielles, dans une société où la digitalisation est partout.

Mandaté par le ministère de la Digitalisation, le Liser a identifié, dans une étude, une série de facteurs à l’origine de la fracture numérique au Luxembourg. Des enseignements précieux qui serviront de base à la prochaine révision du Plan d’action d’inclusion numérique, annonce déjà le gouvernement.

L’institut distingue trois grands groupes : les gros utilisateurs d’internet (32 %), les utilisateurs moyens (40 %) et les faibles utilisateurs (28 %). Et parmi ces derniers, un sur cinq dit ressentir un stress élevé à l’idée de se servir du web, quand 24 % considèrent que cela rend la vie plus compliquée, 60 % sont dérangés par le fait que des services administratifs soient uniquement disponibles en ligne. Enfin, plus de la moitié (55 %) déclarent ne pas être autonomes face à l’outil numérique.

Seuls 2 % des résidents n’utilisent pas du tout ou très peu internet : majoritairement des femmes, des seniors de plus de 50 ans, ou des personnes au niveau d’éducation plus faible. Mais pour Nicolas Poussing, l’un des auteurs de l’étude, le problème est ailleurs, au niveau de l’impact au quotidien : «Peu de personnes sont exclues de l’accès au numérique au Luxembourg, mais par contre, il y a des gens à la traîne. Certains sont angoissés face à ces nouveaux usages ou ne savent tout simplement pas en tirer profit», explique-t-il.

Avec de lourdes conséquences : «Le numérique concerne tout le monde aujourd’hui, pour trouver un logement, du travail ou même prendre un rendez-vous avec la CNS», pointe-t-il, rappelant qu’avec la crise sanitaire, les démarches en ligne se sont encore plus élargies. «Comme dans un millefeuille, la digitalisation ajoute une couche de difficulté pour des gens déjà vulnérables», note le chercheur, qui a rencontré de nombreuses personnes fragiles – immigrés, seniors, sans-abri – dans le cadre de cette étude. «Ils ont des problèmes de lecture, les claviers n’ont pas les mêmes symboles que dans leur langue. C’est dur», poursuit-il.

Et souvent, face à eux, le personnel des structures sociales n’est pas suffisamment outillé pour les accompagner efficacement. C’est l’un des principaux constats du Liser : les aidants sont eux-mêmes en difficulté. «Ils manquent de compétences en informatique, car ce n’est pas leur métier, mais surtout, ils n’ont pas assez de temps, ni le matériel adéquat», rapporte Nicolas Poussing. Beaucoup soulèvent en parallèle la question de la protection des données personnelles, alors que les bénéficiaires sont amenés à leur communiquer leurs identifiants et mots de passe.

Un «mandat numérique» devrait voir le jour

Pour faciliter l’inclusion numérique, le Liser établit plusieurs recommandations, en fonction de l’urgence des situations. Par exemple, pour la rédaction d’un CV, d’un courrier ou l’envoi de documents numérisés, il préconise une solide formation des aidants, la fourniture de postes informatiques dédiés, et un espace spécialement aménagé pour garantir la confidentialité des demandes.

Et pour réduire cette fracture numérique sur le long terme, l’institut conseille au gouvernement de mettre en place un maillage territorial de soutien informatique plus dense, ou encore de faciliter l’accès aux équipements (ordinateur, smartphone, imprimante) sur tout le territoire, avec du matériel d’occasion reconditionné mis à la disposition du public. L’idée d’un parcours d’acquisition de compétences est aussi une piste évoquée.

Le ministère de la Digitalisation indique que certaines de ses propositions font déjà l’objet de projets en cours, comme la formation des aidants pour mieux guider les personnes qui les sollicitent. Un «mandat numérique» permettant à une personne de faire des démarches administratives au nom d’un proche sur MyGuichet.lu devrait aussi se concrétiser prochainement.

L’ouverture d’accueils physiques de Guichet.lu – comme il en existe pour le moment uniquement à Luxembourg – est également à l’étude pour d’autres régions, précise le ministère. Et depuis 2021, les autorités collaborent avec l’ASBL ErwuesseBildung pour des formations numériques pour adultes (internet, services bancaires en ligne, smartphone, tablette, etc.). De son côté, soutenue par le ministère de l’Intégration, l’association Digital Inclusion œuvre depuis 2016 auprès de tous ceux qui sont exclus du numérique, en fournissant du matériel et en dispensant des cours.

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