Pour assurer son avenir alors qu’il peine à recruter des profils de qualité, le secteur artisanal doit voir ses diplômes reconnus à leur juste valeur, estime l’Amelux, qui propose une réforme de la formation professionnelle.
À quelques mois des élections législatives, l’Association des maîtres d’enseignement du Luxembourg (Amelux), créée l’an dernier pour défendre l’artisanat, veut mettre un coup d’accélérateur à la revalorisation de ce secteur, et demande aux partis politiques de se positionner clairement sur le sujet dans leur programme électoral.
Selon ces professionnels de l’éducation, la clé est d’accorder aux diplômes la reconnaissance qu’ils méritent pour rendre les filières de l’artisanat plus attractives. Autre priorité : réformer la formation professionnelle initiale, en prolongeant d’un an le cycle inférieur de l’enseignement secondaire général.
Il s’agirait concrètement d’y ajouter une classe de 4e, avec un objectif double : à la fois permettre aux jeunes de gagner en maturité et de décider de leur orientation scolaire à 16 ans au lieu de 15 actuellement, tout en les rapprochant du monde du travail, à travers des stages en entreprise, ou des immersions dans les classes professionnelles.
Avec le syndicat Éducation et Sciences (SEW) de l’OGBL, l’Amelux vient de publier un avis détaillé, reprenant les différentes pistes à mettre en œuvre pour garantir l’avenir de la branche, tandis que l’artisanat n’arrive plus à trouver la main-d’œuvre compétente dont il a besoin. Et la baisse de niveau généralisée des apprentis, constatée par les artisans qui les accueillent, n’est pas rassurante.
En cause, le net manque d’implication et de motivation des jeunes en formation. Les tuteurs de stage et maîtres d’enseignement qui encadrent ces apprentis sont, en effet, nombreux à rapporter qu’ils ont face à eux des adolescents qui n’ont pas véritablement choisi cette voie.
Besoin d’élèves avec «l’envie de réussir»
«Les entreprises ont besoin de personnes solidement formées, avec l’envie de réussir. Or la majorité des élèves expliquent qu’ils ont été orientés vers la formation professionnelle par défaut, parce qu’ils n’avaient pas les notes suffisantes pour poursuivre en général ou en classique», déplore le président de l’Amelux, Christian Turk, lui-même enseignant.
Un phénomène dû en grande partie aux idées fausses et au regard peu valorisant porté par la société sur ces métiers – boulanger, coiffeur, mécanicien, boucher, opticien, peintre, couvreur, carrossier, charpentier, etc. – alors qu’ils sont essentiels.
Pour le moment, les statistiques sont stables, avec environ 1 800 contrats d’apprentissage conclus chaque année dans l’artisanat, mais la situation tend à se dégrader d’après l’Amelux : «On doit faire bouger les lignes avant que ça empire.»
De son côté, la Chambre de commerce se félicitait récemment des 1 103 apprentis inscrits en 2022 dans le commerce, l’hôtellerie-restauration, l’industrie, les services ou le social-éducatif – un record. Preuve que la formation professionnelle séduit, et que c’est le métier d’artisan qui attire de moins en moins.
Malheureusement, d’après l’Amelux, les adolescents intéressés par l’artisanat auraient tendance à être découragés par leur entourage, au lieu d’être soutenus : «Au Luxembourg, un DAP ou diplôme d’aptitude professionnelle équivaut à une classe de 11e. Aux yeux des parents, forcément, ça ne vaut rien», analyse le président. D’où l’absolue nécessité, selon lui, d’adapter le niveau des diplômes professionnels dans l’organisation de l’offre scolaire.
«On nous donne raison, mais rien ne se passe»
Dans le supérieur, l’association revendique une meilleure reconnaissance du brevet de maîtrise – formation des futurs entrepreneurs et maîtres d’enseignement – en l’assimilant à un niveau de bachelor sur l’échelle européenne des qualifications, comme c’est déjà le cas en Allemagne.
Mais sur ce point, le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, se montre très clair : «Pour lui, ce n’est pas la bonne solution. Il défend le parcours en place, DAP, brevet de maîtrise, bachelor et master. Ce qui revient à sortir les étudiants de la voie professionnelle au final, alors que 3 800 postes d’artisan ne trouvent pas preneur», ajoute-t-il.
Ces derniers mois, l’Amelux a multiplié les rencontres, déroulant ses arguments et ses idées tour à tour auprès de la Chambre des métiers, la Fédération des artisans, la Chambre des salariés et l’ensemble des partis politiques : sans résultat. «Tout le monde nous donne raison, mais rien ne se passe. Je ne comprends pas pourquoi un tel blocage, alors que des pays comme la Belgique, l’Allemagne, la Suisse ou l’Autriche ont déjà pris les devants», s’interroge Christian Turk.
Si l’Amelux a pu échanger avec certains fonctionnaires du ministère, le comité n’a pas encore été reçu par Claude Meisch, mais ne désespère pas de pouvoir débattre avec lui lors d’une entrevue très bientôt.