Écarté des terrains depuis avril 2021, Vincent Thill revient plus fort qu’il ne l’était alors, assure le sélectionneur. On a hâte de voir, ce vendredi, contre l’Irlande du Nord.
On est le 21 avril 2021. Vincent Thill, plus forcément premier choix dans le onze de base du Nacional Funchal depuis quelques mois déjà, entre à la 64e minute sur la pelouse du stade Joao Cardoso, contre Tondela (2-1). On ne le reverra alors plus sur un terrain en match officiel.
Le club de Madère l’a, il est vrai, bien poussé pour multiplier les infiltrations et pour qu’il continue à jouer. Cependant, la pubalgie guette son heure. Elle sera longue mais finalement plus facile à soigner que les relations entre l’ancien Messin et ses dirigeants, avec qui le divorce est consommé : après avoir cherché à l’empêcher d’affronter le Portugal pendant la pandémie, après s’être insurgé pour la forme quand le garçon a choisi sans leur consentement une opération qui devenait inévitable, après avoir entamé une procédure pour le sanctionner, un départ était devenu inévitable. Que reste-t-il d’un joueur professionnel de football blessé et laissé sans contrat? Souvent, il en reste un joueur amateur. Mais quand l’âge et le talent servent de garantie, la chance sourit un peu plus aux audacieux : le Vorskla Poltava de son frère, Olivier, s’est mis sur les rangs et s’est montré bien plus arrangeant. Vincent aura le droit de se soigner et de faire sa rééducation au Grand-Duché, sous les auspices de la fédération.
Il y avait peut-être un peu trop de muscles
Forcément, après plusieurs mois à travailler avec lui avant de le rendre à son club ukrainien pour une longue préparation hivernale achevée en Turquie, Luc Holtz ne va pas s’amuser à dire que le joueur n’est pas prêt. Mais ce qu’il a vu lors de l’opposition interne de mardi l’a laissé songeur : «J’ai dû l’appeler à la fin de la séance pour savoir s’il avait quand même encore des douleurs parce que je n’ai pas vu un gamin qui n’a pas joué pendant un an. Il est très agile. Dans les petits espaces, dans la vitesse, dans la rapidité d’exécution, il est encore meilleur qu’il ne l’était en 2021. Ses dix mois sans jouer, on ne les remarque pas!».
Se muscler, c’est bien, mais il faut le faire raisonnablement
Pendant trois mois, au CFN, Vincent Thill a systématiquement couplé ses séances physiques avec du ballon pour retrouver (ou conserver) cette précision technique qui le caractérise. Et à 22 ans désormais, ces deux aspects étaient devenus cruciaux dans son évolution. Car rappelez-vous : l’adolescent précoce auquel on reprochait un gabarit impropre à résister aux duels dans le football moderne avait opéré un choix drastique en 2020, au moment de la mise à l’arrêt des compétitions. Louer un appartement à Paris, recruter un cuisinier et un préparateur physique pour prendre de la masse. Sur le coup, le choix avait été porteur. Rétrospectivement, Holtz et son staff médical y voient peut-être les germes de sa pubalgie. «L’athlétisation qu’il avait faite est peut-être à l’origine de cette année sans jouer, oui. Il y a peut-être perdu un peu de son équilibre. Se muscler, c’est bien, mais il faut le faire raisonnablement, en respectant l’esprit football. Et le but, pour un joueur comme Vincent, c’est quand même de conserver cette fluidité, cette vivacité. Donc on a essayé de garder ce développement musculaire, mais de manière plus tonique.»
Dire qu’au début, il ne voulait pas partir
On va donc enfin revoir Vincent Thill sous le maillot du Luxembourg. Ce n’est plus arrivé depuis le 30 mars de l’année dernière et la réception du Portugal (1-3). Neuf matches internationaux ont passé, depuis. Et si Holtz semble garantir qu’on ne verra pas la différence, on ne retrouvera quand même pas l’enfant prodigue à l’identique. La lucidité et le volume de courses risquent de vite s’étioler. Il a dans le coffre, aujourd’hui, l’équivalent d’une mi-temps à l’international. Une heure grand maximum, sachant que derrière, il aura encore la Bosnie pour tenter d’assurer très égoïstement le service minimum de cette semaine internationale : séduire l’un ou l’autre scout de clubs désireux de profiter des «affaires» rendues possibles par la guerre en Ukraine et le mercato spécial autorisé par la FIFA.
Le corps va mieux. Reste à savoir, encore, comment se porte la tête. Si Olivier, son frère, a été très sollicité pour donner sa version de leur fuite d’Ukraine, le cadet a encore peu parlé. À nos confrères de L’Équipe, venus se faire raconter cette histoire, il avait concédé deux choses : 1) son refus initial de quitter le pays le jour de l’invasion russe qui disait son impérieuse envie de rejouer après dix mois sans football («Non, je ne veux pas partir, il y a match ce week-end») et 2) sa relativisation d’une carrière quand il a pris la mesure des événements, lors de l’exode en voiture («Dans cette situation, tout se précipite. Il peut se passer n’importe quoi d’une seconde à l’autre, c’est tellement dur et dangereux de se projeter dans le temps»). C’est peut-être un peu plus aux «Ukrainiens» du groupe, et donc à lui, que s’adressera le message de Luc Holtz avant l’Irlande du Nord, demain : «Je vais leur donner ce conseil : prenez du plaisir, libérez-vous l’esprit. Regardez vers l’avant, pas en arrière. Le football, c’est la liberté». Et c’est un sport qu’il est toujours plus facile de pratiquer avec Vincent Thill dans l’équipe…