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[Exposition] Elsa Charalampous, reflets érotiques


Les cadres, conçus à l’aide de matériaux comme le velours, la dentelle ou la fourrure, renvoient à une certaine idée de l’érotisme. (Photo : valentin maniglia)

Dans son «Boudoir», exposé ce mois de novembre à la galerie Fellner, Elsa Charalampous invite à un nouveau regard sur la photographie érotique et le nu féminin.

Selon Elsa Charalampous, «l’art et le corps nu sont liés depuis les débuts de l’humanité». L’artiste grecque, née en 1974 à Ermoupolis, chef-lieu de l’île de Syros, dans les Cyclades, a un temps contribué à restaurer les fresques murales et les plafonds de plusieurs bâtiments néoclassiques dans sa ville natale. La peinture néoclassique d’Europe occidentale, influencée par les arts antiques (grecs et romains principalement), témoigne d’une représentation principalement masculine du nu, souvent liée à des thèmes antiques et mythologiques – au contraire de la sculpture néoclassique, qui représente surtout le corps féminin.

Au milieu du XIXe siècle, la photographie redistribue les cartes des grands courants artistiques qui ont précédé son invention. Les premiers clichés de nus féminins brouillent les pistes, entre influences rococo et néoclassiques, mettant en avant le corps féminin, synonyme à la fois de beauté et de transgression. Avec «Boudoir», sa nouvelle exposition, présentée jusqu’au 25 novembre à la galerie Fellner, Elsa Charalampous réfléchit une nouvelle fois à la représentation du corps féminin dans la photographie érotique; l’artiste y a dédié plusieurs de ses expositions solos, dont «Erotography», en 2009, qui présentait de nombreuses œuvres reprises dans «Boudoir». «Le nu féminin dans l’art, idéalisé ou mortel, devient un fascinant et écrasant symbole de la beauté, du désir, du rêve, de l’interdit, de la fertilité, du plaisir, de la maternité, de la renaissance et de l’union avec la nature», explique l’artiste.

«Dialogue avec le regard masculin»

L’artiste rappelle aussi que, durant son premier siècle d’existence, le nu photographique – érotique ou d’«études», lorsqu’il s’agissait de photographier des femmes non occidentales – était l’apanage des hommes. Les modèles? Invariablement du sexe opposé. La photo érotique, apparue il y a bientôt deux siècles, en France, sous la forme de cartes postales vendues sous le manteau, a ainsi servi de base de travail et de réflexion pour Elsa Charalampous, qui retravaille, réinvente et redéfinit la dynamique entre artiste et modèle. «J’ai entrepris un dialogue avec le regard masculin des photographes qui ont capturé le corps féminin, nu ou semi-nu, durant la période 1850-1949», explique-t-elle.

Le titre de l’exposition renvoie au petit salon réservé à l’usage privé des dames de la bourgeoisie; le sous-entendu érotique du terme, généralisé par le marquis de Sade, provient d’une interprétation strictement masculine. Dans ses portraits peints, Elsa Charalampous joue ainsi sur le sens pluriel du mot. Le miroir, élément essentiel de la pièce, est décalé dans l’œil du visiteur. Alors que les photographies originelles avaient pour simple but d’exposer la nudité féminine – complète ou partielle –, les peintures de l’artiste grecque évoquent tout un éventail de sensations, parfois contraires. Malgré leur proximité esthétique, les portraits Upon a Time ou Young Woman Alone évoquent l’innocence, tandis que Paris 1929, Cairo 1920 ou encore I Was There Too mettent l’accent sur le caractère espiègle, voire insolent, du nu féminin.

Sortir du cadre

Artiste à la croisée des supports, Elsa Charalampous met en avant que la peinture en soi ne représente que la moitié de l’œuvre complète. L’artiste fabrique ses propres cadres, de forme ronde ou ovale (la forme des miroirs), en utilisant des matériaux décidément érotiques, tels que le velours ou la dentelle. Invitation for Provocation, titre parfait pour ce portrait d’une femme de dos, presque entièrement découverte à l’exception de bas et de talons hauts, est entouré d’un cadre en fourrure, la même que l’artiste peint pour couvrir le haut du corps de son sujet. Ses portraits peuvent aussi «sortir» du cadre, littéralement, dans une installation vidéo projetée sur le miroir d’un véritable boudoir (installé dans un coin de l’espace d’exposition, au sous-sol de la galerie), ou lorsqu’ils sont peints sur bois et découpés, à l’image de la Geisha miniature qui accueille le visiteur, recouverte d’un collier de perles et d’un foulard en guise de kimono, aux motifs japonais.

La beauté électrisante de Medusa – clin d’œil au néoclassicisme et aux origines de l’artiste – ou celle, sacrée, d’Incognito, donnent à entendre un commentaire sur les différentes facettes de la féminité revendiquées par l’artiste et (à plus d’un siècle d’écart) ses modèles. Un commentaire qu’Elsa Charalampous a poursuivi dans une performance, récitant des poèmes et comptines et invitant à réfléchir sur les changements du corps féminin dus à la maternité. Les œuvres les plus abouties restent alors, sans aucun doute, ses Counter-Reflections, deux admirables jeux de miroirs. Dans le second, l’artiste expose le corps féminin sous différents points de vue, mais c’est le premier qui marque le plus : le portrait, peint à l’huile sur bois, est découpé puis collé sur un véritable miroir, faisant apparaître notre reflet dans l’œuvre. Le boudoir, lieu secret et sacré, se transforme en un espace où l’idéal se matérialise, où l’éternel devient éphémère.

Jusqu’au 25 novembre.
Galerie Fellner Contemporary – Luxembourg.

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