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Eurovision : le Luxembourg se classe 13e, Tali satisfaite de sa place


(Photo : AFP)

Pour son retour à l’Eurovision après plus de trois décennies d’absence, le Luxembourg s’en tire avec une honorable treizième place. Mais cette année, le spectacle n’était pas que sur scène, en raison de la présence d’Israël. Ambiance.

Samedi, des nuages cachaient à un rythme régulier le soleil blanc de la ville de Malmö, annonciateurs d’une perturbation à venir. Les mêmes surplombaient l’Arena, théâtre de la 68ᵉ édition de la grand messe qu’est l’Eurovision. Un symbole parfait pour résumer une semaine où les habituelles paillettes ont laissé place à la colère et aux polémiques, peu coutumières dans un milieu lisse qui n’aime pas les mauvaises surprises.

 

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Il a dû pourtant s’y faire dans des proportions jamais atteintes jusqu’alors. Au milieu de l’agitation, le retour du Luxembourg, absent des débats depuis 1993, est devenu quasi anecdotique. Avant cela, il avait reçu le soutien de ses pairs, heureux de revoir dans la cour des grands l’un des fondateurs du concours. Pour une renaissance, il a toutefois mal choisi son moment, plongé au cœur d’une tourmente qui a débordé de la scène pour agiter les rues et les coulisses.

Il faut remonter à mars pour connaître l’origine des frustrations. En pleine guerre à Gaza, l’Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le rendez-vous depuis 1956, avait confirmé la participation d’Israël, malgré les critiques. Secrètement, chacun espérait alors que sa candidate, Eden Golan, 20 ans, allait en rester au stade des demi-finales et vite quitter la Suède.

Erreur : la jeune femme est talentueuse et sa chanson Hurricane plaît. Les bookmakers en font même l’une de leur favoris pour le sacre, alors que le premier morceau présenté, Pluie d’octobre, défendu par la chaîne publique KAN, était lui resté dans les cartons, perçu comme une référence politique trop voyante à l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Depuis, l’exaspération couve. Et en trois petits jours, elle va s’enflammer.

Greta Thunberg contre le «génocide»

Il y a d’abord cette menace latente (dans un pays qui a haussé son niveau d’alerte terroriste après des actes de profanation du Coran) qui a transformé la charmante cité en place forte, avec une armée de policiers (venus de toute la Suède, du Danemark et de Norvège), des véhicules blindés, des hélicoptères et des tireurs planqués sur les hautes tours.

Un dispositif de sécurité sans précédent pour, dit-on, assurer le bon déroulement du concours, et gérer les éventuels débordements après que plusieurs manifestions ont été annoncées dans une ville qui compte la plus importante communauté palestinienne de Suède. Jeudi, vendredi et samedi, il n’était ainsi pas rare de tomber sur des drapeaux tendus aux fenêtres ou portés à bout de bras par les nombreux manifestants (de 10 000 à 15 000 selon la police).

Même Greta Thunberg était sur place, rappelant que sa mère Malena Ernman représentait la Suède à l’Eurovision en 2009. Le slogan du concours, adopté l’année dernière («United By Music»), tombait alors aux oubliettes face aux dissensions. Le rendez-vous devenait un soutien officiel d’un «génocide».

Dans cette atmosphère, les organisateurs ne craignaient qu’une seule chose : un effet domino qui s’emparerait des artistes. Le règlement est pourtant clair sur ce point : «Tous les radiodiffuseurs participants doivent veiller à ce que le concours ne soit en aucun cas politisé et/ou instrumentalisé et/ou discrédité de quelque manière que ce soit». Dans l’enceinte de l’Arena et autour, tout drapeau autre que ceux des participants était ainsi interdit, comme toute bannière à message politique. N’empêche! La graine était semée.

Eden Golan sous les huées

Premier bourgeon : le chanteur suédois Eric Saade, invité à se produire mardi, apparaissait le bras entouré d’un keffieh. À partir de là, tout s’est enchaîné et la neutralité revendiquée par l’UER (qui a empêché le président ukrainien Volodymyr Zelensky à venir s’exprimer lors du concours l’an dernier) a été bousculée comme jamais.

Certains candidats montaient alors au créneau, appelant à un cessez-le feu. Un autre, Joost Klein (Pays-Bas), était mis à la porte (une première dans l’histoire de l’Eurovision) pour un «mouvement menaçant» envers une caméraman, toujours à clarifier, pas comme le mépris qu’il a affiché en conférence vis à vis de la représentante israélienne. En Belgique, la télévision publique flamande VRT interrompait même la retransmission du concours jeudi soir pour diffuser un message contre les «violations des droits de l’homme par l’Etat d’Israël».

 

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Summum de la situation : samedi, lors de la dernière répétition, trois artistes refusaient de se présenter (Irlande, Grèce et Suisse), tandis que le Français Slimane arrêtait sa chanson avant la fin pour appeler les esprits à s’apaiser. On imagine facilement l’ambiance en coulisses… Qu’en allait-il être de la finale prévue un peu plus tard ? Et qu’attendre en cas d’un succès d’Israël ? En ville, tout le monde semblait craindre cette issue.

Devant plus de 160 millions de téléspectateurs et dans une Arena chauffée par 9 000 personnes, les vingt-cinq participants (et non plus vingt-six) allaient faire de leur mieux pour calmer les ardeurs, alors que dehors, une centaine de contestataires multipliait encore les chants de soutien à la Palestine, étouffés par les forces de l’ordre. Dans la salle, le seul écho de ce proche mécontentement ont été les huées accompagnant chaque apparition de la candidate israélienne.

Xavier Bettel s’amuse à l’Arena

Et le Luxembourg dans tout ça ? Sous le regard de Xavier Bettel, vice-Premier ministre amusé d’être là et de chambrer l’ex Premier ministre irlandais assis à ses côtés, Tali et son équipe, partis en quatrième position, ont fait le job. Si sa chanson Fighter ne pèse, pour certains, pas plus lourd qu’une ritournelle, cette finale n’était que la cerise sur un gâteau déjà croqué à pleines dents.

La qualification, obtenue mardi sur le fil, était en effet l’objectif majeur, afin de ne pas couper l’élan de ce retour au devant de la scène. Et comme la chanteuse de 23 ans le répétait à l’envie, la suite n’était que du plaisir (et du bonus). Un détachement enthousiaste récompensé par une treizième place et 103 points. «C’est dingue ! Je me m’attendais pas à ça», confiait-elle, encore sous le choc et le manque de sommeil.

Celle qui a longtemps talonné Slimane au classement mesure dès lors le chemin qui lui reste à accomplir pour se mesurer aux plus grands qu’elle, tout comme le Grand-Duché qui doit notamment cette belle réussite aux douze points offerts par Israël (sûrement en raison des origines partagées de Tali) et les sept de la France, moins au zéro pointé infligé par le Portugal et l’Italie. Loin devant ces calculs minutieux, c’est le Suisse Nemo qui a dominé les débats, à juste titre pour beaucoup. L’artiste non binaire a décroché le Micro de cristal (en devançant la Croatie et l’Ukraine) avec sa chanson The Code, à travers laquelle il a montré tout son talent vocal sans en mettre plein les yeux avec une chorégraphie mesurée (ou plutôt équilibrée). Désirée Nosbusch, ancienne présentatrice de l’Eurovision 1984 et porte-parole du jury  luxembourgeois, lui a d’ailleurs donné douze points (la note maximum), comme tant d’autres.

Nouveau départ pour 2025 ?

«Toute cette expérience a été très intense et pas toujours agréable. Il y a eu beaucoup de choses qui ne semblaient pas relever de l’amour et de l’unité», a confié l’artiste de 23 ans à l’issue de la compétition, qui devrait donc se dérouler en Suisse l’année prochaine. Après les rafales de sifflets qu’a reçu Martin Österdahl, actuel grand patron de l’Eurovision, la manifestation devra sûrement revoir son fonctionnement et sa philosophie, dans une Europe qui, aujourd’hui, a besoin de bien plus que d’un show musical (et archi commercial) pour panser ses divisions.

Oui, un changement est nécessaire pour offrir aux fans «the time of (their) life» (le moment de leur vie), comme le chantait Abba il y a un demi-siècle, et à la communauté LGBT+ un endroit où s’exprimer sans contrainte, particulièrement dans un monde où les libertés et les acquis se perdent dangereusement.

De son côté, à moins d’un surprenant revirement du gouvernement à l’indispensable appui financier, le Grand-Duché a, semble-t-il,  relancé pour de bon son aventure avec le concours, espérant sûrement des retombées qui dépassent le simple cadre de la scène musicale, comme le suggère, en creux, son ministère de la Culture associé à celui du Tourisme.

Il devra toutefois répondre aux mêmes interrogations qu’au début des années 1990, époque du désamour : s’appuyer sur sa scène nationale en plein essor (pour produire, composer, chanter) quitte à mettre du temps pour regagner ses lettres de noblesse. Ou alors s’offrir les services de l’extérieur, comme il l’a longtemps fait, pour aller chercher une sixième couronne qui lui échappe depuis 1983. Entre les deux, une certitude : celle qu’il y aura toujours des divisions, des ravis et des mécontents. C’est aussi ça, l’Eurovision.

Un commentaire

  1. Räbbi……

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