À 32 ans, le portier des Roud Léiwen peut se qualifier ce soir, contre Leverkusen, pour une demi-finale de C3. Le sommet d’une carrière de galères?
Il y a quatre ans et une semaine, le 13 avril 2019, Anthony Moris s’installait dans ses buts au stade Yvan-Georges-de-Virton, devant moins d’un millier de spectateurs pour une obscure rencontre de 1re division amateur face au Sporting Châtelet, club de la petite ville de Farciennes, 11 000 habitants. La semaine passée, le même homme était à la BayArena avec 30 000 fans autour de lui, contre un club historique soutenu par un géant mondial de la chimie au chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Et le seul Florian Wirtz, attaquant de Leverkusen qui a égalisé lors d’un match aller très intense (1-1), avec une valeur marchande estimée à 85 millions d’euros, vaut quasiment deux fois plus que l’intégralité de l’effectif de l’Union Saint-Gilloise (49,65 millions).
Moris, deux ruptures des croisés et une déchirure du ménisque entre avril 2015 et septembre 2017 (pour un total de 386 jours d’éloignement des terrains), est parti de très loin. Et il est arrivé très haut. Beaucoup plus haut que ce qu’il aurait pu espérer? C’est un fait que l’affaire commence à ressembler à un conte de fées que Jeff Strasser, dernier Luxembourgeois à avoir atteint un dernier carré continental, en 2001 avec Kaiserslautern, a tenu à dédicacer, hier, dans ces colonnes : «Une occasion comme celle-là ne se représente souvent qu’une fois dans une carrière.» Surtout à 32 ans. Surtout avec ce club.
«C’est le plus gros match de nos carrières»
L’Union est en effet un Petit Poucet qui rêve aujourd’hui son présent tout haut… mais qui se doit aussi d’assumer son modèle économique pour avoir un futur. Lui qui a lâché cet hiver une de ses stars d’attaque, Dante Vanzeir (43 buts en 79 matches en deux saisons et demie de championnat) en quintuplant sa mise – un transfert à 5 millions vers les New York Red Bulls –, pourrait perdre cet été jusqu’à 80 % d’une ligne d’attaque qui fait beaucoup parler d’elle au niveau continental (Boniface, Adingra…) et thésauriser. En sachant que son rendement européen de la saison prochaine pourrait en pâtir. Pour Moris, c’est donc le moment ou jamais : un exploit contre le 6e de Bundesliga, lui qui a déjà éliminé le 3e, l’Union Berlin, au tour précédent, et il se fera des souvenirs tels qu’il n’aurait pas pu en concevoir en Gaume, en 2019.
Leurs chances? Pas assez élevées, à en croire les sites de paris en ligne : l’Union est seulement donnée à 3,7 contre 1. Ce qui n’est pas beaucoup moins finalement que la Juve face au Sporting (3,4) ou que le FC Séville contre Manchester United (3,6) et même mieux que le Feyenoord contre la Roma (4,55). Aucun doute : le club bruxellois commence inévitablement à intriguer dans le microcosme. Voire à séduire. Y compris ses propres fans, qui ont en masse levé le boycott que certains avaient décrété sur le Lotto Park. Et quelque 20 000 supporters devraient venir encourager Moris et ses coéquipiers, ce soir.
Cette excitation, on l’a ressentie dans la journée de mercredi lors des conférences de presse. «C’est un rêve pour nos supporters», a lâché le capitaine, Teddy Teuma. «C’est le plus gros match de nos carrières», a enchaîné le défenseur Ismaël Kandouss. Karel Geraerts, leur coach, est parvenu à synthétiser l’ambiance du jour en admettant que ses joueurs étaient surmotivés : «Ils vont peut-être être trop chauds au moment de commencer la rencontre donc je dois trouver les bons mots pour les canaliser.» Pas facile : ils savent bien que, malgré les onze matches consécutifs sans défaite du Bayer, c’est le moment ou jamais.