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Être maraîcher à l’heure du réchauffement climatique : «Nous n’avons plus le droit à l’erreur»


Les plantations de Terra subissent, comme beaucoup d’autres, les conséquences du réchauffement climatique.

Ces dernières années, les effets du réchauffement climatique se sont fait ressentir au Luxembourg et forcent certaines professions à s’adapter : comme à Terra, la coopérative maraîchère de la capitale.

C’est un petit «havre de paix» situé à quelques pas de la place Dargent, tout près du plateau du Kirchberg, en plein cœur de la capitale. Sur un hectare et demi grandit depuis plus de huit ans la coopérative Terra, qui cultive des fruits et légumes que l’on peut acheter par paniers hebdomadaires.

Une première au Luxembourg, qui a rencontré un certain succès : actuellement, Terra compte plus de 210 membres et espère en gagner encore davantage, malgré l’après-pandémie (voir ci-dessous). Avec plus de 90 sortes de légumes, la coopérative souhaite montrer qu’il est possible de revenir à une forme d’agriculture plus simple, sans pesticide et qui, malgré sa petite surface, peut générer des bénéfices, sans subvention de l’État.

Le constat

Si Terra poursuit son ascension, les récents changements climatiques, tels que les canicules, le gel ou encore les tempêtes, qui se sont abattues ces dernières années sur le Luxembourg, ont tout de même affecté la petite coopérative.

Il faut dire que les répercussions du réchauffement climatique se font de plus en plus ressentir : 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée au Grand-Duché depuis les premiers relevés météorologiques de 1947, le mois de juillet 2021 a connu, non pas un, mais deux records absolus d’intensité de précipitations… Difficile alors de prévoir ce qui va sortir des récoltes.

Une imprévisibilité qui perturbe le travail de Pit, Marco et Sophie, les trois cocréateurs de Terra. «Nous avons 4-5 ruches d’abeilles et nous avons constaté qu’il est très difficile de les faire survivre l’hiver. Ce n’était pas le cas avant. Elles tombent vite malades, elles sont faibles. Un effet du réchauffement climatique, mais pas seulement : la pollution et l’agriculture ont aussi leur part de responsabilité», se désole Sophie.

Même chose pour les fruits et légumes : alors qu’ils produisent en général plus de 4 tonnes de tomates par an, l’année 2021 n’a vu poindre que 200 kilos de ce fruit sur les hectares de Terra. Face à tous ces changements, un seul mot d’ordre : l’adaptation. Un point sur lequel nos maraîchers ont mis l’accent dès 2014.

Comment s’adapter?

«On a grandi avec ça, mais on parlait à l’époque de « transition énergétique« . C’était déjà des préoccupations que nous avions en tête, c’est sûr, mais ça ne nous a pas découragé pour autant», se remémore Sophie, qui assure «travailler différemment» pour tenter de limiter les effets climatiques sur ses fruits et légumes.

Depuis quelques années, les trois compères ont ainsi investi dans des tuyaux d’irrigation, qui arrosent les différents champs 24h/24, à tour de rôle, lorsque cela est nécessaire. «Nous l’avions installé en 2020, lors des grosses chaleurs et puis en 2021, il a fait trop humide», souligne en riant Pit, au milieu de ses plants.

Ces tuyaux permettent aux plantes de rester humides, un élément essentiel pour les maraîchers : «Sans cela, impossible de faire notre travail. Mais rien ne remplacera jamais une bonne vraie pluie.» Une irrigation importante, qu’ils accentuent aussi en plantant leurs produits de manière très rapprochée, afin d’éviter l’évaporation et arroser un peu moins.

Autre technique pour tenter de limiter le réchauffement climatique : l’utilisation d’un compost, qui permet ainsi une meilleure rétention d’eau et offre un meilleur équilibre pour les plantes. «La structure du sol est hyper importante. Nous avons un sol sablonneux, qui perd très facilement l’eau, il a donc fallu user de stratagèmes», rappelle Pit.

«Faire avec la nature»

Les trois entrepreneurs n’hésitent pas non plus à tenter de nouvelles approches, pour donner leur chance à des cultures plus robustes. «On se tourne vers des choses plus novatrices, des produits qui ne pousseraient pas forcément chez nous d’ordinaire, mais avec le réchauffement climatique, c’est désormais possible», détaille Sophie en citant notamment le kiwi ou encore les baies de goji.

Des astuces qui portent leurs fruits et permettent à Sophie, Pit et Marco de créer un environnement plus adapté aux êtres vivants, qui sont les premiers menacés par le réchauffement climatique, mais aussi à poursuivre leur business. «On ne va pas se mentir, être maraîcher, ç’a toujours été « faire avec la nature« . Il y a des imprévus, des surprises. On ne peut pas changer la météo, il faut faire avec! Nous avons toutefois moins le droit à l’erreur qu’avant, il faut faire plus attention désormais. Mais il faut bien manger : alors produire nos fruits et nos légumes, c’est bien la dernière chose à arrêter.»

Les consommateurs font volte-face

Si la pandémie avait permis aux producteurs locaux de renouer avec des clients motivés à consommer du bio et du local, l’effet semble être retombé comme un soufflet ces derniers mois. Après des années de croissance folle, le marché du bio français a subitement reculé en 2021 : un constat partagé par les maraîchers luxembourgeois, qui, depuis l’après-crise, constate une baisse de leur fréquentation.

«Pendant le confinement, nous avions du monde : les gens cuisinaient, il y avait une vraie demande. Maintenant, on se demande où ils sont passés? Ça s’est perdu. Peut-être ont-ils d’autres priorités, qu’ils veulent renouer à nouveau avec le confort, je ne sais pas», commente Sophie. Selon les données du Statec, depuis 2011, la part des dépenses alimentaires consacrée au bio «varie entre 10 % et 14 % selon les années» au Luxembourg. Un chiffre toujours stable.

Sophie et ses deux collègues trouvent des subterfuges pour s’adapter aux conditions météo parfois extrêmes.

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