France 2 diffuse jeudi soir un documentaire consacré à Raphaël Halet, l’un des deux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks.
Le 12 décembre prochain s’ouvrira à Luxembourg le procès en appel de l’affaire LuxLeaks. Deux lanceurs d’alerte, les Français Raphaël Halet et Antoine Deltour, et un journaliste, français également, Edouard Perrin, sont poursuivis pour avoir divulgué le système de fraude fiscale mis en place par des multinationales avec la complicité de l’administration fiscale luxembourgeoise.
Le 26 avril, le ministre français des Finances avait affiché devant l’Assemblée nationale son soutien aux lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks, affirmant qu’il avait demandé à l’ambassade de France au Grand-Duché de proposer son aide. Une déclaration qui a valu à Michel Sapin l’ovation des députés, au moment même où s’ouvrait à Luxembourg le procès des deux lanceurs d’alerte et du journaliste qui ont révélé cette supercherie fiscale.
Mais depuis ce jour, rien ne s’est passé. Le ministre s’est offert un joli coup de com, jamais suivi d’effet. Raphaël Halet, l’un des deux lanceurs d’alerte, a interpellé publiquement Michel Sapin le 28 septembre dernier, à l’issue d’une conférence à Paris. «Nous lui avons notamment demandé pourquoi il n’avait pas répondu au courrier que nous lui avions adressé», raconte le lanceur d’alerte. Le ministre a botté en touche.
Pour comprendre ce qui a mené Raphaël Halet à devenir un lanceur d’alerte, il faut revenir quelques années en arrière. En mai 2012, comme des centaines de milliers de Français, il regarde l’émission Cash Investigation sur France 2. L’épisode du jour traite des rescrits fiscaux (tax rulings) accordés par l’administration fiscale luxembourgeoises à des centaines de multinationales.
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Cette procédure leur permet d’éviter de payer l’impôt dans les pays dans lesquels elles réalisent leurs bénéfices tout en profitant d’une imposition minimale au Grand-Duché. L’administration ne réalise aucune vérification sérieuse des documents qui lui sont soumis, la plupart du temps par des cabinets d’audit comme PWC pour le compte de riches entreprises.
Employé administratif du département taxe de PWC depuis septembre 2006, Raphaël Halet saisit vite qu’une bonne partie du travail qu’il effectue au sein du cabinet d’audit porte sur ces fameux rulings. Les documents présentés dans cette émission proviennent tous de PWC. Ils ont été transmis à un journaliste par Antoine Deltour, un ancien employé de PWC qui les a découvert au hasard de recherches sur son ordinateur. Choqué par ce qu’il découvre, Raphaël Halet décide à son tour de transmettre des documents au même journaliste, Edouard Perrin.
Mais il tient à conserver son anonymat. L’enquête interne menée par PWC d’abord, l’instruction judiciaire ouverte au Luxembourg ensuite, en décideront autrement. Licencié par PWC, Raphaël Halet figure aujourd’hui au banc des accusés pour avoir dénoncé ce qui sans doute l’un des plus gros hold-up fiscaux jamais révélé.
Poursuites dans dix pays
L’indifférence qu’affiche le ministre français des Finances à l’encontre des lanceurs d’alerte est d’autant plus incompréhensible que la divulgation de ces documents a rebattu les cartes de la fiscalité dans l’Union européenne. Pour les États, ces révélations prennent aussi l’allure d’un retour fiscal sonnant et trébuchant grâce des redressements infligés à des dizaines de sociétés, dont des multinationales aussi connues qu’Amazon, Prada ou Apple.
Selon Raphaël Halet, des poursuites sont aujourd’hui engagées par la Commission européenne et, pour ce que l’on en connaît, dans au moins dix pays (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne, Japon, Brésil, Chine et Autriche). Ce sont des milliards d’euros que les Etats espèrent récupérer à la faveur de négociations le plus souvent discrètes, sinon secrètes.
Le fait que ces entreprises soient poursuivies pour fraude fiscale vient aussi battre en brèche l’argument du gouvernement luxembourgeois selon lequel les avantages fiscaux accordées aux multinationales étaient conformes au droit européen. Si c’était le cas, comment dès lors expliquer que la plupart de ces sociétés acceptent de passer à la caisse ?
Aucune motivation financière n’animait Raphaël Halet lorsqu’il a transmis des documents fiscaux au journaliste Edouard Perrin. Il n’avait d’ailleurs rien demandé, ni rien attendu. Si ce n’est de demeurer dans l’anonymat le plus absolu. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, c’est seul qu’il fait face aux dépenses liées aux poursuites à son encontre. Les dons qu’il obtient par son comité de soutien HelpRaph (ici sur Facebook) sont sont loin de tout couvrir.
Mais la solitude financière n’est pas seule en cause. Comment comprendre l’impassibilité des pouvoirs publics et de dirigeants politiques qui reconnaissent tous son courage et ses mérites ? Raphaël Halet, lui, se reconnaît parfaitement dans cette définition du lanceur d’alerte dont le geste constitue «un acte éthique, délibérément tourné vers autrui».
Fabien Grasser
Comité de soutien à Raphaël Halet : www.helpraph.com
Envoyé spécial « Dans la peau d’un lanceur d’alerte » (de Benoît Bringer), sur France 2, jeudi 13 octobre à 20h55.
la fuite du ministre Michel Sapin est la pire honte que j’ai vu se soir , et en plus ni lui, ni son ministère ne répondes aux courriers de cet homme qui je suis certain a droit à plus de respect au regard de ce qu’il dénonce
Je confirme la solitude, pour avoir parlé d’une méthode de vente légale qui que décriée par toute la profession des agences web. Une agence de Roubaix m’a menacé, une de Lille m’a fait procès sur procès, avec un avocat qui est aussi le Consul du Luxelmbourg ! https://facebook.com/agences.web.surprenantes