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[Élections sociales] Frontaliers et élus au Luxembourg : «On se sent utiles»


Anne Vanhemelryck et Gregory Renaud regrettent que le même système n’existe pas chez eux, en Belgique.

Ils sont 15 parmi les 60 élus sortants de la Chambre des salariés. 15 travailleurs frontaliers à avoir saisi l’opportunité de s’investir dans la vie démocratique du Luxembourg.

Tandis que la Chambre des salariés (CSL) peine à mobiliser les 226 000 frontaliers qui ont reçu leur bulletin de vote pour les élections sociales, certains travailleurs Belges, Français et Allemands se montrent particulièrement impliqués.

Contrairement à beaucoup de Lorrains qui boudent les urnes, eux ont choisi de prendre une part active dans la vie démocratique du Luxembourg, jusqu’à siéger en tant qu’élus à la CSL.

D’abord délégués du personnel dans leur entreprise, ceux que nous avons rencontrés n’ont pas hésité à se présenter aux élections de la Chambre des salariés – comme le système luxembourgeois le leur permet.

Ils ont rejoint les 60 membres de l’assemblée plénière ces cinq dernières années. Voici leur expérience.

«J’avais besoin de savoir comment me défendre»

C’est suite à des injustices vécues en tant que salariée qu’Anne Vanhemelryck a ressenti l’envie de se rapprocher du syndicalisme. «J’avais besoin de savoir comment me défendre face à mon employeur.»

«Je voulais aussi aider d’autres collègues», raconte cette frontalière belge, employée chez Rotarex depuis 15 ans. En 2019, poussée par le LCGB dont elle est membre, elle se lance à l’assaut de la Chambre des salariés et décroche son premier mandat.

«On traite une centaine de projets de loi par an»

«C’est un véritable engagement. On traite une centaine de projets de loi par an, sur lesquels on donne notre avis. On se sent utiles, au service des autres», décrit-elle, prête à rempiler.

L’élection des membres de la CSL a lieu en ce moment même par correspondance. (Photo : Hervé Montaigu)

Elle salue ce modèle démocratique où sa voix compte : «Le Luxembourg permet aux travailleurs de s’exprimer, peu importe leur lieu de résidence. Ça n’existe pas en Belgique, et je trouve que c’est important.»

«Élu, on se rend compte du poids de la CSL»

Grégory Renaud, employé chez Ceratizit depuis 26 ans, boucle lui aussi son tout premier mandat d’élu à la Chambre des salariés. Le Belge se souvient avoir été surpris par la masse de travail au début.

«En devenant élu, on se rend compte du poids de la CSL au niveau national, on prend aussi toute la mesure de notre rôle», affirme-t-il.

Des problèmes spécifiques en tant que frontaliers

«Nous, frontaliers, rencontrons des problèmes spécifiques au niveau de la mobilité, du télétravail, des prestations familiales, etc. Autant d’informations essentielles qu’on remonte à la Chambre des salariés», poursuit celui qui se présente à nouveau sur la liste du LCGB.

Toute l’année, les 60 représentants des travailleurs du pays examinent les projets de loi soumis par le gouvernement, avec l’appui de juristes, et rédigent des avis qui sont ensuite pris en considération par les députés lors des débats parlementaires.

En parallèle, des commissions se réunissent en fonction des sujets d’actualité. «C’est à la fois prenant et enrichissant», note Grégory, qui bénéficie d’une décharge pour ses activités d’élu, comme pour un mandat politique.

Un grand saut dans l’inconnu

Lorsque l’OGBL lui a proposé d’intégrer la Chambre des salariés en 2019, Virginie Mucciante n’a pas hésité. Présidente de la délégation du personnel de l’Université du Luxembourg, cette employée administrative issue d’une famille de syndicalistes a foncé.

Virginie Mucciante souligne l’importance du dialogue social côté luxembourgeois, par rapport à la France. Photo : alain rischard

«Je me suis présentée aux élections sans savoir où je mettais les pieds», se rappelle la Française, qui s’est tout de suite sentie à sa place en tant qu’élue frontalière.

Siéger à la CSL, c’est participer à la vie du pays

«Siéger à la CSL, c’est participer à la vie du pays», sourit-elle, enthousiaste. «Des experts vulgarisent pour nous les nouveaux textes législatifs, et pointent leur impact sur les travailleurs. On pose nos questions, on commente, l’avis est préparé et on vote», détaille-t-elle.

Tous les débats, y compris les travaux en commission, sont traduits en simultané. Donc aucun problème pour inclure ceux qui ne parlent pas le luxembourgeois. «C’est un système hyper démocratique, j’adore!»

«Ici, les syndicats sont réellement pris au sérieux»

Si la mère de famille encourage les frontaliers à suivre son exemple – «on représente quand même 47% du marché du travail» – elle insiste sur le fait qu’elle s’engage pour le collectif, et pas seulement pour les non-résidents.

«Seul, on n’a aucun poids. Et ici, les syndicats sont réellement pris au sérieux, le dialogue social existe.»

On intervient dans tous les grands dossiers

C’est aussi le sentiment de Jean-Luc Schmidtgall, en poste chez ArcelorMittal depuis plus de 20 ans, qui achève son premier mandat à la Chambre des salariés sous la bannière de l’OGBL.

«Indexation, fiscalité, pensions : on intervient dans tous les grands dossiers pour préserver les acquis de chacun», martèle-t-il.

«L’ancien gouvernement voulait modifier voire supprimer l’index, la CSL s’y est opposée à une large majorité et ça a pesé dans les négociations tripartites», fait remarquer le Français, qui regrette que peu de frontaliers s’intéressent au scrutin.

«Pour une fois qu’on peut faire entendre notre voix»

«Pour une fois qu’on peut faire entendre notre voix au Luxembourg, c’est dommage qu’on ne se mobilise pas plus», peste-t-il, ajoutant que «dans la sidérurgie, ça vote!». Il se dit très fier de pouvoir porter la parole et les idées des électeurs.

«Je me sens utile. C’est vraiment un modèle noble, et c’est plutôt logique de demander l’avis des frontaliers vu ce qu’on apporte à l’économie nationale», conclut-il.

En 2013, seuls 8 frontaliers ont été élus sur 60 membres à la Chambre des salariés, contre 15 en 2019, soit un quart des élus de l’assemblée plénière. Seront-ils davantage représentés ces cinq prochaines années? Réponse le 12 mars.

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