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Deux détectives privés d’un cabinet luxembourgeois condamnés


Neuf mois de prison avec sursis et une amende de 1000 euros. C'est la peine dont ont écopé jeudi matin les deux détectives privés auteurs d'un rapport litigieux après une filature en 2018. Ils doivent également verser 2000 euros à la victime au titre du préjudice moral. (photo AFP)

Parce qu’ils avait insinué qu’elle s’adonnait à la prostitution, une femme réclamait des dommages et intérêts à deux détectives privés. Elle a obtenu gain de cause. Jeudi matin, le duo a écopé de neuf mois de prison avec sursis et d’une amende de 1000 euros.  Il doit également lui verser 2000 euros au titre du préjudice moral.

Dans le cadre de la bataille autour de la garde de son enfant, une mère avait déployé les grands moyens en 2018. Afin d’espionner la nouvelle compagne du père, elle avait fait appel à des détectives privés. Les conclusions du rapport rédigé par le cabinet luxembourgeois étaient édifiantes. «Chaque soir, le même taxi de la marque Mercedes de couleur grise vient transporter Madame à différentes adresses.» Entre les fréquentations de cafés, hôtels et… terrains vagues et son habillement très aguichant, tout portait à croire que «Madame» s’adonnait à la prostitution la nuit.

«C’est l’une des pires calomnies que l’on puisse imputer à une mère de famille, de faire commerce de son corps», avait estimé Me Philippe-Fitzpatrick Onimus fin mars lors du procès. Selon l’avocat, les détectives avaient «fait preuve d’une imagination débordante» : «Certaines de leurs observations ne sont que des affabulations qui doivent satisfaire la mère.» Il réclamait 12 00 euros de dommages et intérêts pour sa cliente. «Ce rapport et ces attestations ayant été présentés en justice en France, ils auraient pu mettre en péril la garde de ses propres enfants.»

Si le juge aux affaires familiales à Briey avait décidé de rejeter le rapport dont a fait état la mère dans le cadre de la procédure de litige avec son ex-mari au sujet de la garde de leur enfant commun, la nouvelle compagne du père avait décidé de ne pas se laisser faire. L’insinuation selon laquelle l’enfant ne vivait pas dans un environnement sain en raison de son «activité professionnelle durant la nuit» l’avait poussée à lancer une citation directe pour faux témoignage, diffamation et calomnie contre les deux détectives privés.

Elle a finalement obtenu gain de cause. Jeudi matin, la 12e chambre correctionnelle a en effet condamné le duo à neuf mois de prison avec sursis et à 1000 euros d’amende. Enfin, il doit indemniser la partie civile à hauteur de 2000 euros au titre du préjudice moral.

Le séjour à Bari et les tampons de la douane

Pièces à l’appui, Me Onimus avait notamment remis en cause certaines dates de la filature remontant au printemps 2018 : «Pour les faits du 13 au 17 avril, Madame séjournait au Maroc, comme l’attestent la réservation de billets d’avion et la présence de tampons de douane sur son passeport.» Les observations fin juin seraient également le fruit de l’imagination des cités. Car, à ce moment-là, selon lui, sa cliente était en vacances à Bari. Et, enfin, il y aurait le chauffeur de taxi qui atteste ne pas connaître Madame et qui, à l’aide de ses feuilles de route, déclare qu’il n’était pas où les détectives privés le prétendent.

À la barre, les deux détectives privés avaient contesté les accusations. «Ce que j’ai noté est vrai», avait appuyé l’homme de terrain qui, comme son collaborateur, travaille depuis une dizaine d’années au Luxembourg. Remarquant qu’il s’exprimait en allemand à la barre, le tribunal avait souhaité savoir comment il avait donc pu rédiger le rapport en français. «J’ai traduit avec quelqu’un qui parle bien français.»

«Ils rapportent des faits qu’ils ont observés. Il n’y a aucune intention d’imputer des faits méchants à Madame», avait renchéri Me Jean-Philippe Lahorgue, plaidant l’acquittement. Leur avocat s’était par ailleurs attaqué à la compétence territoriale du tribunal luxembourgeois : «Le rapport des détectives a été réalisé pour une cliente française dans le cadre d’une procédure judiciaire française.» Un argument qui avait été balayé par le représentant du parquet. Ce dernier notait que les deux détectives sont domiciliés au Grand-Duché et que le rapport émane bien d’une entreprise luxembourgeoise.

Les condamnés ont 40 jours pour interjeter appel contre le jugement.

Fabienne Armborst

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