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Des Francofolies plus nature que jamais


(©©Vincent Lescaut/L'essentiel)

Du soleil, de la verdure et des sourires : les Francofolies d’Esch-sur-Alzette poursuivent leur croissance accélérée. À preuve, une dernière édition référence devant 25 000 personnes, conjuguant réjouissances musicales et préoccupations environnementales.

Qu’il semble loin le temps des premiers soubresauts, chaotiques, bancals, avec ces artistes qui perdent leur voix ou se perdent tout simplement en chemin. Oubliée, aussi, cette édition 2021 rabotée, ersatz de festival bricolé en raison de la pandémie, et adapté pour un parterre de 500 personnes… assises. Le vœu formulé en 2017, avoir un rendez-vous de référence, grandeur nature et européen (avec un sérieux accent français) à Esch-sur-Alzette, s’est matérialisé trois jours durant dans un Gaalgebierg plein comme un œuf. C’est vrai, la dernière mouture était déjà pas mal, mais celle-ci la dépasse en tout point.

On arrive là où on voulait être!

«On arrive là où on voulait être!», lâche ainsi en coulisses Loïc Clairet, coordinateur général fatigué, mais heureux. Un résultat qui pourrait s’articuler autour de trois fondamentaux : un acharnement à la tâche pour dépasser les galères de l’apprentissage, une patience pour avancer «pas à pas» et un savoir-faire qui facilite tout de même les choses, insufflé par le grand frère de La Rochelle (né en 1985) et soutenu par les cinq autres antennes des Francos à travers le monde, de la Belgique à la Roumanie en passant par le Canada, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Avec, bien sûr, le Luxembourg, dernier-né de la bande, au départ enfant capricieux, aujourd’hui élève modèle.

Deux jours à guichets fermés

Pour appuyer l’idée, une image s’impose d’emblée : celle du grand manitou de la manifestation, Gérard Pont, à son aise dans la tribune, le regard joyeux derrière les lunettes. Un temps, il a dû se dire qu’il s’était trompé d’avoir jeté son dévolu sur cette ancienne cité industrielle. Désormais, ce sont la bienveillance et l’enthousiasme qui l’emportent, se conjuguant même au pluriel devant ce site d’une beauté rare et racée. Devant ces élans écologiques dans l’air du temps, mais sans esbroufe. Devant, enfin, cette grosse affiche d’une trentaine de concerts aux noms qui claquent et qui résonnent (DJ Snake, Orelsan, Angèle, Louise Attaque…).

Pourtant, tout n’était pas gagné d’avance. Globalement, il fallait déjà composer avec ce problème récurrent que connaissent tous les festivals postcovid : les pénuries et leur réponse économique, l’inflation (le coût de la grande scène a augmenté de 60 % en un an, apprend-on de l’organisation). Spécifiquement, les Francos d’Esch devaient aussi prendre la mesure de leur emplacement et en appréhender toutes les aspérités afin de mieux «fluidifier» le déplacement des festivaliers. Car avec deux jours à guichets fermés, samedi et hier, c’est avec 25 000 personnes qu’il allait falloir composer (soit quasiment le triple de billets vendus par rapport à 2022).

Tendance paillettes!

Comme on peut l’entendre dans les coulisses de la Kulturfabrik, partenaire de l’évènement avec l’Escher Theater et L’Arche (Villerupt), Loïc Clairet et sa jeune équipe (de 700 personnes sur place) répondent au challenge. Mieux, ils semblent rompre avec une vieille tradition luxembourgeoise, qui tiendrait à une simple équation : poser une scène quelque part et mettre à côté un stand Diekirch! Le dernier flop de l’Usina23 à Dudelange, le dimanche précédent, avec le groupe Interpol qui n’a pas attiré les foules, montre que l’équilibre dans le domaine reste toujours fragile, et l’usure, comme la chute, n’est jamais loin (cf. les anciens Rock-A-Field et Food for Your Senses).

C’est l’un des plus beaux endroits pour donner un concert!

Ici, la force tient indéniablement à la qualité du paysage, bucolique et idéal pour lancer l’été. «C’est l’un des plus beaux endroits pour donner un concert!», s’extasiait ainsi vendredi Voyou, dans le ton de cette petite scène dite la «Clairière» avec sa chemise hawaïenne et sa pop frivole. Oui, au Gaalgebierg, le bonheur est dans le parc, avec ses coins à l’ombre pour glander et discuter, son village, ses minidiscothèques («où l’on peut rentrer à 200… en quinconce!», lance dans un rire un DJ déguisé en pharaon égyptien), son bar à cocktails, son petit karaoké, ses bornes d’arcade, ses jeux pour les familles, sans oublier son stand de maquillage ultraprisé. Qu’on se le dise : la paillette est tendance!

Modèle vert

Ce qui fait dire à Loïc Clairet : «Tout le monde est heureux et en profite! Quand on voit les gens sourire, c’est que l’on a réussi notre pari : ils viennent non seulement voir des concerts, mais surtout, ils vivent un très bon moment.» Une expérience totale rapidement confirmée à la vue des déambulations et des réactions amusées. Michel, venue avec femme et enfants depuis la France (comme 51 % du public), se dit «ravi d’avoir passé en famille un week-end dans un tel lieu, et en musique». Même son de cloche chez de jeunes étudiants, venus voir, pêle-mêle, Izïa, Gazo ou Zaho de Sagazan. «On se sent bien, lâche Julie sous les blagues de ses camarades. Et franchement, tout le monde est sympathique!»

Une odeur nacrée d’herbe les ramène à terre, et toute la bande part au trot en suivant la fumée, direction le concert de Biga Ranx! De bonnes vibrations qui collent plutôt bien à la chaude atmosphère et à la dimension écologique du festival (sous l’égide du label Green Events), avec tous les ingrédients qui vont avec (circuit court de distribution, gestion des déchets, toilettes sèches…). «C’est le parc qui nous accueille, pas l’inverse! On ne s’impose pas», lâche alors Loïc Clairet, qui défend ce modèle vert «depuis le tout début», qui prend aujourd’hui une forme multiple. Du site internet (à l’empreinte carbone réduite) jusqu’aux navettes affrétées (pour éviter de se rendre sur le site en voiture), tout est réfléchi en termes de développement durable.

Confettis biodégradables

Au point même de demander à la grosse star, DJ Snake, d’utiliser des confettis biodégradables pour son show et de penser à l’avenir à arrêter les feux d’artifice… Une fête, aussi, où tout se jette et tout se transforme ou, c’est selon, se nettoie, comme la vaisselle. Soit 10 000 couverts et assiettes par soir, lavés de 19 h à 5 h du matin. Un sens de l’engagement qui pose les Francofolies «made in Luxembourg» en une sorte de pionnier pour d’autres festivals, plus vieux et moins enclins à changer de pratiques. «C’est l’époque qui veut ça!», clame-t-on du côté du stand «consignes», où la tâche n’entame pas les moral. Positif avant tout! Seul point noir : les interminables files d’attente pour se sustenter, la bière devenant un bien rare l’espace de trois jours. De quoi réfléchir à des «pistes d’amélioration» dès l’année prochaine, promet-on sur place.

Côté scène, pas de couac comme PNL en 2022 qui avait mis une belle pagaille dans les horaires. Tout était «millimétré» et efficace, que l’on évoque le rap (Josman, Gazo, Orelsan), la pop (mention spéciale pour les performances débridées de La Femme, Deluxe, Izïa et Angèle), la chanson (l’inoxydable Bernard Lavilliers, Émilie Simon) et le rock dans ce qu’il a de plus extrême (les démoniaques Psychotic Monks). Moins habituelle, l’électronique (Vitalic, DJ Snake), qui s’est taillé une place de choix aux Francos, sûrement pour attirer dans les filets les Allemands (qui ne représentent que 5 % des festivaliers) avec une musique où la langue ne compte pas.

Jul et David Guetta

Une affiche XXL qui pose les ambitions et, surtout, questionne sur les possibilités de garder à l’avenir une telle offre de qualité (au moins jusqu’en 2027). «Faire mieux, je ne sais pas. Faire différent, oui!», élude Loïc Clairet, qui avoue, avec son équipe, avoir envoyé les premières demandes pour 2024… en plein festival! Parmi la foule, au jeu des spéculations, deux noms l’emportent haut la main : Jul et David Guetta. Côté programmation, on n’en saura pas plus. D’un point de vue logistique, par contre, les Francofolies ont déjà la tête à l’année prochaine, envisageant des «aménagements» pour «agrandir la jauge», mais pas de «manière drastique».

On parle ainsi d’une éventuelle troisième scène, de faire sauter les gradins, de démarrer les concerts une heure plus tard et de faciliter les allées et venues de chacun avec un système de bracelets plus efficace. Toutefois, avant d’imaginer la suite (prévue du 6 au 9 juin 2024), savourons l’instant présent dans une belle communion où tout le monde semble satisfait : les artistes, «ravis de l’accueil» et du lieu, «magique», comme la commune d’Esch-sur-Alzette, qui a vu ses hôtels pris d’assaut comme l’année dernière (avec un chiffre de 400 % d’augmentation). Bref, comme le suggère Louise Attaque en conclusion du festival avec son tube J’t’emmène au vent (1997), l’amour entre les Francofolies, leur ville et leur public, c’est prouvé, n’est pas «artificiel». Il en manque peu pour qu’il soit «éternel».

 

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