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Des familles d’accueil à bout de souffle


Le dictionnaire ukrainien-luxembourgeois-français répondait lui aussi à une situation d’urgence. Les familles d’accueil ont fait le reste.  (photo archives LQ)

Cela fait plus d’un an que des familles hébergent chez elles des réfugiés ukrainiens. Elles ne touchent aucune aide financière de l’État. Certaines s’en plaignent.

Trois jours, à peine, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Paul (nom d’emprunt) a posé sa candidature pour héberger chez lui, à Mondorf-les-Bains, une famille de réfugiés. Un couple et leur fils de 10 ans s’installent finalement chez lui trois mois plus tard, sans qu’il n’ait reçu la moindre nouvelle depuis le 25 février 2022, date à laquelle il avait proposé d’offrir un toit à une famille fuyant la guerre. «Au mois de juillet, j’ai été contacté par Caritas qui me demandait si mon offre était toujours valable et j’ai répondu que oui», raconte Paul qui vivait seul dans une spacieuse maison.

Il est allé lui-même chercher la petite famille au camping Fuussekaul à Heiderscheid, dans le nord du pays, où elle était logée dans un mobile home. Depuis un an et quatre mois, le couple et l’enfant occupent un étage de sa maison et il n’a jamais eu à se plaindre d’eux. «Au contraire, ce sont des gens très cultivés qui ont pris grand soin de la partie qu’ils occupaient. Je n’ai jamais vu ne serait-ce qu’une chaussure qui traînait par terre», témoigne-t-il. La cohabitation se passe très bien, mais aujourd’hui la maison doit être vendue. «Je n’ai reçu aucune aide financière de l’État et je n’en demandais pas non plus, mais j’ai tout organisé pour eux, jusqu’à trouver un travail pour le mari et son épouse et une école pour l’enfant qui a passé un an à l’école fondamentale de Kayl parce qu’il n’y avait plus de place à l’école internationale de Mondorf-les-Bains», explique-t-il.

Depuis un an et quatre mois, il n’a plus reçu de nouvelles de Caritas et avoue qu’il n’en avait pas besoin, jusqu’au jour où il a fallu trouver une solution de relogement pour la famille qui devait, comme Paul, quitter la maison mise en vente. «Les parents gagnent tous les deux le salaire social minimum, mais personne n’a voulu d’eux sur le marché de l’immobilier. J’ai passé des messages sur les réseaux sociaux pour trouver des propriétaires pas trop gourmands et finalement, c’est le maire de la localité qui a proposé un logement social qu’ils vont bientôt occuper», se réjouit-il.

Pour autant, ils ne seront pas seuls parce que la maison mise à disposition est assez grande. Une dame âgée ukrainienne, hébergée elle aussi depuis plus d’un an par une autre famille luxembourgeoise de Stadtbredimus, devait quitter la maison pour laisser la place aux enfants qui viennent d’achever leurs études à l’étranger et qui reviennent prendre possession de leurs chambres. Pour ces réfugiés, une solution de relogement a finalement été trouvée.

«Aucune agence, avec 4 500 euros de revenus, ne voulait louer à la petite famille, pourtant bien sous tous rapports, comme on dit», enrage Paul. Les deux parents ont un bagage universitaire et espèrent bien trouver un jour un emploi qui sied mieux à leur niveau d’études, mais pour l’instant, ils se contentent de ce qu’ils ont dans une entreprise solidaire et continuent à apprendre le français et l’anglais. «Ils apprennent même le luxembourgeois», précise Paul. Pour que la dame âgée puisse faire connaissance avec ses futurs colocataires, il l’héberge chez lui aussi depuis un mois.

Pas de chiffres

Des centaines de familles ont ainsi hébergé des réfugiés ukrainiens sans savoir combien de temps la guerre allait durer. Ces initiatives privées étaient les bienvenues pour l’Office national de l’accueil (ONA). Paul ne s’est jamais plaint de son sort. Selon l’ancienne députée déi Lénk Nathalie Oberweis, qui avait posé une question parlementaire à ce sujet, certaines familles, en revanche, sont aujourd’hui désespérées et demandent de l’aide à l’État. Les familles d’accueil avaient signé un contrat avec le ministère de la Famille et de l’Intégration qui portait initialement sur une période de trois mois et qui stipulait «l’hébergement proposé consiste en un acte de solidarité dans le cadre d’une crise humanitaire sans contrepartie financière».

Le conflit s’enlisant, certaines familles d’accueil semblent avoir de plus en plus de peine à supporter la charge financière liée à l’hébergement des réfugiés, selon Nathalie Oberweis qui fait référence à une lettre envoyée aux partis politiques.

L’ONA ne dispose pas de chiffres détaillés quant au nombre de ménages privés accueillant des bénéficiaires de protection temporaire (BPT), lui répond Jean Asselborn. Ils ont droit, comme les autres demandeurs d’asile ou bénéficiaires, à une allocation pécuniaire de 31,22 euros par mois, une aide pour l’alimentation de 243,67 euros par mois et une aide pour l’hygiène de 46,48 euros par mois. Les BPT ont droit aux aides matérielles de l’Office national de l’accueil à condition de ne pas disposer de moyens de subsistance suffisants, ni de prise en charge par une personne privée.

 «C’est un honneur pour la société luxembourgeoise qu’il y ait encore autant de familles d’accueil qui accueillent – par conviction et par solidarité – des personnes ayant fui la guerre», estime le ministre dans sa réponse. Certaines de ces familles se sentent aujourd’hui abandonnées.

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